Dans la cité des rails (Kayes), le phénomène d’esclavage poursuit son chemin. La pratique pourtant proscrite par les textes en vigueur au Mali ne cesse de faire des victimes dans quasiment tous les cercles de la région. Ils sont plus d’une centaine de personnes astreintes de quitter leur village, perdant leur champ cultivable. Ce, juste pour avoir refusé le statut d’esclave. En dépit des efforts, la situation demeure, et des citoyens continuent d’être tués à cause du problème.
Cela fait un bon moment que des hommes et des femmes réunis au sein des différents groupements (associations) se battent pour mettre un frein à des pratiques esclavagistes. Ce problème existant depuis des années dans la région de Kayes n’en finit pas de porter atteinte à la dignité et aux droits qui doivent revenir à tout un chacun au Mali. De nos jours, ils sont plus d’une centaine de personnes à être obligées de quitter leur village. Cela, juste pour avoir dit « niet » à leurs « maîtres ».
Certains citoyens se croient supérieurs à d’autres qu’ils considèrent comme esclaves . Pourtant, l’article 2 de la constitution malienne du 25 février 1992 précise : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs, toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la culture, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ».
Ainsi, le dernier cas de cette pratique date du mois de septembre 2020 à Djadjoumé, une localité située dans cercle de Nioro. Courant cette date, quatre (4) chefs de famille ont été tués par les habitants de Djadjoumé ce, pour raison qu’ils ne se sont pas reconnus esclaves, nous indique un responsable d’association anti esclavagiste dont nous tairons le nom pour des raisons de sa sécurité.
Pour dénoncer ce hic qui continue de se répandre jour après jour, des associations anti esclavagistes ont manifesté, mardi 20 octobre 2020 dans la cité des rails. Pour ce faire, certains messages étaient mentionnés sur les banderoles : « Halte à l’esclavage et à la discrimination au Mali, oui pour l’adoption d’une loi criminalisant l’esclavage au Mali, les terres aux exploitants agricoles » ; « non à l’impunité et à la liberté provisoire des criminels esclavagistes, justice pour Mountaga Diarrisso, Youssouf Sissoko, Gossy Sissoko et Mahamadou Sissoko, victimes de ce crime ».
Ici, il s’agit des quatre (4) chefs de famille tués récemment par les habitants de Djadjoumé. Selon un responsable des manifestants dont nous tairons toujours le nom, l’esclavage existe, présentement, dans les six (6) cercles de Kayes. « Dans ces cercles, on ne trouve aucun village où il n’y a pas d’esclavage. Certes, nous confie-t-il, il y a des habitants de certains villages qui ont décidé de rester esclavages, je dirais que c’est leur droit, puisqu’ils ont le choix. Mais ceux qui n’ont pas voulu se soumettre à ce statut d’esclave doivent être respectés, ils ne doivent pas être chassés du village ou subir des pires », a-t-il dit.
Pour refus d’être esclaves, des gens ont été chassés dans les cercles de Diéma, Nioro, Bafoulabé, Yélimané, Kayes. En tout cas, c’est ce que corrobore ce responsable : « Les gens ont été classés dans ces cercles dont je viens de citer. Dans le cercle de Kita, précisément dans le village de Mambri, plus de 2000 personnes sont, depuis 2018, actuellement exilées par le fait qu’elles ont été classées de leur village natal à cause de ce problème ». Et de souligner qu’elles disposaient pourtant des étages et des champs. Dans ces différentes circonscriptions, il suffit, selon lui, de dire qu’on n’est plus esclave pour se voir priver de tout. « Quand tu dis que tu n’es pas esclave, ceux qui se prennent pour ton maître te disent que tu n’as plus de champ à cultiver dans la village »,a-t-il prodigué. Et de préciser que la justice saisie sur plainte des différentes associations contre les pratiquants de l’esclavage n’arrive pas à interpeller ces derniers, encore moins de les juger. Dans ces quatre (4) dernières années, des violences ont été commises et des gens ont été tués, nous indique-t-il.
Le dernier cas a eu lieu dans le mois de septembre 2020 à Djadjoumé, une localité sise dans le cercle de Nioro, où quatre (4) chefs de famille ont été tous tués pour avoir dit qu’ils ne sont pas esclaves. « Les habitants ont tué ces quatre chefs de famille avant de jeter les corps sans vie derrière le village. Mais, ajoute notre interlocuteur, jusqu’à présent, aucune autorité n’a pris à bras le corps le problème ».Dans les villages soninkés, signale-t-il, des étrangers répondant aux noms Diarra, Keita, Sissoko,Coulibaly,Traoré qui se marient après s’être installés sont, dans la plupart des cas, automatiquement considérés comme des esclavages du village. Dans certains de ces lieux, les gens qui sont appelés esclaves ne sont pas forcément les descendants d’esclaves, a-t-il énoncé, évoquant « l’indifférence » des autorités, « l’impuissance » de la justice, et l’adoption d’une loi criminalisant la pratique.