L’occupation de Farabougou, dans la quatrième région du Mali (Ségou), inquiète plus en plus les Maliens et des observateurs internationaux. Pourtant, la question que l’on devrait se poser est : comment sommes-nous arrivés là ?
Farabougou n’est pas devenu du jour au lendemain l’île de Vendredi, en référence au roman d’aventures de Daniel Defoe (« La Vie et les aventures étranges et surprenantes de Robinson Crusoé »). La séparation de ce village du reste du monde, depuis près de deux semaines, est la conséquence de quelques années d’indifférence de l’État face à une situation qui plantait ses racines dans la 4e région du Mali. L’enclavement de ce village a eu son couronnement, le week-end dernier, par la destruction du pont qui restait le seul espoir de ces habitants privés de tout le nécessaire, en cette période de fin d’hivernage. Ce village serait-il devenu le nouveau sanctuaire des groupes terroristes dans la région de Ségou ? Seul le temps nous permettra d’en juger.
Une occupation, des conséquences
Toutefois, l’occupation de Faradougou n’est pas sans conséquence pour les habitants et pour le pays. Les cris de détresse de ses habitants avaient commencé à se faire entendre depuis des jours : les denrées de première nécessité commençaient à manquer. Mais ce ne serait pas tout. Nous rapportant de façon générale aux activités favorites dans cette région, nous savons que l’élevage occupe une place considérable. Cette occupation par des hommes armés pourrait constituer un coup dur pour ces populations en termes de ressources. Ce qui à la longue engendrerait des mouvements massifs plus vers le sud.
Une crinière d’interrogations
Pourtant, plusieurs questions restent encore en suspense au sujet de cette situation sécuritaire dans cette région. Comment sommes-nous arrivés à ce degré de violence dans la région de Ségou ? Pourquoi les forces armées maliennes et étrangères ne parviennent pas à intervenir pour libérer Farabougou de ses geôliers ?
Certes, l’insécurité dans cette région n’est que le prolongement de la situation de la région de Mopti, qui n’a été elle aussi que le prolongement de l’insécurité au Nord du Mali. Mais pas que. L’indifférence des autorités locales face aux souffrances des populations a vite donné l’opportunité aux djihadistes d’avoir une assise solide, en collaborant avec la population. Une situation qui n’a pas pu avoir de réponse satisfaisante et qui a fini par se dégénérer.
Depuis près d’une année, la présence de chasseurs faisant régner leur loi dans les villages de la 4e région a été signalée par les habitants de la zone. Mais nous avons rarement vu des actions d’anticipation de la part de l’État dans ces zones. Et ces hommes en tenu de chasseurs auraient fini par gagner la confiance des habitants de la localité, en raison surtout de la rigidité de leur justice.
Pourquoi l’armée n’intervient-elle pas ?
Quant aux raisons de la non-intervention des forces armées pour libérer Farabougou, des tentatives d’explications sont livrées. Selon nos informations, l’armée malienne tente d’intervenir. Mais la situation semble assez compliquée, notamment avec la destruction du pont qui menait à ce village. Mais même bien avant, une intervention par voie terrestre semblait trop risquée en raison non seulement de la situation des routes, mais aussi des risques de mines, d’engins explosifs. Or, une intervention aérienne dans un tel contexte n’est pas sans conséquence désastreuse pour la vie des habitants.
Toutefois, des médiations seraient en cours. On estime d’ailleurs qu’une intervention armée ne fera que péter le plomb, à ce stade des discussions.
Des appels à libération
Depuis dimanche 18 octobre 2020, des partis politiques, des internautes et plusieurs autres personnes ont levé la voix afin de demander de l’aide pour les habitants de Farabougou.
Dans un communiqué du 19 octobre 2020, les Forces patriotiques pour la refondation du Mali (FPR-Mali) invitent les « autorités de la transition à prendre toutes les mesures nécessaires pour libérer ce village de la menace terroriste y compris des alternatives de nouvelles collaborations » militaires. Elles interpellent la Mission de l’ONU au Mali, MINUSMA, ainsi que Barkhane, la force française, à intervenir pour libérer ce village. Les nouvelles autorités sont également invitées par les FPR-Mali à « mettre en application et en intégralité la loi 04_051 portant organisation de la défense nationale et du territoire ».
Le parti FARE-An Ka Wuli formule les mêmes demandes auprès des nouvelles autorités maliennes en les invitant à prendre toutes les dispositions nécessaires pour sécuriser tout le territoire national. C’est les mêmes demandes formulées par le PARENA ainsi que l’ADEMA-PASJ.
Des appels répondus partiellement par les Forces armées maliennes (FAMA), lundi 19 et mardi 20 octobre 2020, à travers le largage de cargaisons de denrées de première nécessité sur le village.
Si nous ne voulons pas assister à une aggravation de la situation sécuritaire dans cette région où de plus en plus d’attaques sont enregistrées, il conviendrait que les nouvelles autorités maliennes revoient assez rapidement le rapport entre les populations locales et leurs autorités. Il faudrait que la confiance règne entre les gouvernés et les gouvernants. Pour ce faire, la justice doit véritablement régner.