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Création de l’OCLEI : Une loi anticonstitutionnelle, discriminatoire et sélective
Publié le mardi 27 octobre 2020  |  Le Malien
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© aBamako.com par A S
Journée d`échange sur la corruption
Bamako, le 11 novembre 2018 Le ministre Boly a présidé la Journée d`échange sur la corruption. Photo Moumouni Guindo
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Encore trop de tapages médiatiques autour d’une loi sélective et discriminatoire qu’est la loi N°2014-015 du 27 mai 2014 portant création de l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI). Une loi qui est passée aux peignes fins par un comité d’experts juste avant la chute du régime IBK. Le texte a été relu et beaucoup de modifications ont été faites qui prennent en compte la conformité de la loi avec les textes de la République du Mali.

La loi N°2014-015 du 27 mai 2014 votée par les députés portant création de l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) fait couler encore beaucoup d’encres et de salives. Cette loi contient de nombreuses lacunes surtout sur le plan judiciaire et qui avait compromis sa bonne application. Ensuite, cette loi avait provoqué aussi la détérioration du climat social. En somme, une loi sélective et discriminatoire qui avait fait plus de mal que de biens en son temps.

La loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite N° 14-015 du 27 mai 2014 a incriminé les faits d’enrichissement illicite. Cependant, ladite loi contient de nombreuses lacunes qui limitent d’ailleurs son champ d’application et qui sont susceptibles d’amoindrir considérablement l’efficacité de sa mise en œuvre. Ces carences concernent, en particulier, la définition de l’infraction d’enrichissement illicite qui n’est pas conforme à celle de la CNUCC, et l’exclusion des parlementaires et enfants majeurs de l’obligation de déclaration de patrimoine et de possibilité d’être condamnés pour enrichissement illicite.

Ces lacunes concernent également, entre autres, l’incrimination de l’infraction d’enrichissement illicite en tant délit qui limite son délai de prescription à trois ans (il est de dix ans pour les crimes). L’absence de précision sur la période durant laquelle l’infraction d’enrichissement illicite peut être constituée, le nombre trop étendu d’agents publics soumis à la déclaration de patrimoine qui risque d’ailleurs de compromettre la mise en œuvre effective de la loi dans un contexte de ressource limitée. La loi inclut les personnes de rang moyen ou inférieur, mais pas les parlementaires. Dans sa forme ancienne, rédigée sous la transition par le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Malick Coulibaly, cette loi frappait les députés. Mais, ces derniers ont juré de ne pas la voter tant qu’ils ne sont exclus. Ce qui fut fait sous le régime du Président Ibrahim Boubacar Kéïta et beaucoup d’autres corporations ont été exclus. A ceux-ci, il faut ajouter l’absence de publication de déclaration de patrimoine, la limitation de l’obligation de déclaration aux biens meubles et immeubles uniquement.

Ce qui exclut les avoirs de l’agent public bénéficiaires effectif d’une personne morale ou autre construction juridique au conjoint marié sous le régime de la communauté des biens et enfants mineurs, alors que se référer à tous les biens et aux membres de la famille et personne qui leur sont étroitement associés serait moins restrictif. La limitation de l’obligation de déclarer son patrimoine à un mois après la cessation de ses fonctions ou la fin de son mandat du fonctionnaire, et n’être relevés qu’après son départ, l’absence de déclaration ou la fausse déclaration ne font l’objet d’aucune sanction pénale précise définies par la loi.

Jamais dans l’histoire du Mali, un syndicat ne s’était opposé à une mesure d’assainissement de la vie publique et singulièrement des services de l’administration. Depuis le Contrôle Général d’Etat, en passant par le Bureau du Vérificateur général, la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA), le Pôle Economique, les syndicats de Travailleurs et de travailleuses ont toujours appuyé et accompagné le Gouvernement dans la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance et dans toutes les prises de décision allant dans ce sens.

Mais si aujourd’hui, l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) rencontre la désapprobation totale de tous les travailleurs en général, et des travailleurs des Services Financiers, d’Assiettes ou de Recouvrement en particulier à travers tout le pays, c’est à cause des insuffisances graves qui ont été justement décelées dans la mise en application des dispositions de la loi.

Les syndicats n’ont pas été conviés à une quelconque séance d’écoute à l’Assemblée Nationale sur la loi avant son adoption, conformément aux Résolutions internationales sur la participation, l’harmonisation des Relations professionnelles et politiques avec les syndicats.

Mieux, le premier responsable de l’Office central de lutte contre l’Enrichissement Illicite, la structure querellée, dans sa toute 1ère interview, avait indexé publiquement et gravement les agents de recouvrement pour illustrer sa vision de l’enrichissement illicite. Autrement dit, il a parlé des fonctionnaires en services dans les Impôts, Douanes, Trésor, etc. ” C’en était de trop, ” clament dès lors des agents indexés. Aussi, cette loi est en contradiction avec certaines dispositions de la Constitution malienne. Donc une loi anticonstitutionnelle. Cette loi porte entrave au bon fonctionnement de la justice.

En son temps, le Premier ministre, Dr Boubou Cissé avait adressé une correspondance à la Cour constitutionnelle présidée par Mme Manassa Danioko en vue de connaitre la constitutionnalité de la loi. En réponse, le président de la Cour constitutionnelle a informé le Chef du gouvernement que cette loi n’avait pas été curieusement soumise à l’appréciation de la cour avant le vote à l’Assemblée nationale. Ainsi, vu son anti-constitutionnalité et son caractère discriminatoire et sélectif, le Président de la République d’alors, Ibrahim Boubacar Kéïta et son Premier ministre, Dr Boubou Cissé avaient mis en place un comité d’experts chargé de la relecture de la fameuse loi. Ainsi, durant quelques semaines, des cadres se sont mis à la tâche et ont apporté beaucoup de modifications à ladite loi. Parmi les modifications apportées figuraient même les modes de désignation du Président et des membres de l’OCLEI, la dénonciation, etc.

Désormais, la désignation du président et des membres de l’OCLEI devrait se faire après un avis d’appel à candidature. La nouvelle monture devait passer devant les élus nationaux pour adoption. Malheureusement, le régime a été forcé à la démission le 18 août 2020. La République étant une continuité, la nouvelle monture ne doit pas être rejetée car c’est le fruit d’énormes sacrifices et durs labeurs. Profitant de changement de régime et certainement le désordre de la transition aidant, le président de l’OCLEI, Mouminou Guindo est en train de réchauffer une loi qui n’est plus d’actualité. Certes, IBK est parti mais le Mali est resté. Et dans toute administration publique ou privée, les Travailleurs ont besoin de sécurité, de considération, et de respect pour donner la plénitude de leur savoir faire et contribuer au développement du pays.

Youssouf Sangaré
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