L’annonce a été faite au cours de l’audience accordée par le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, aux responsables de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) le dimanche 25 octobre dernier. Pour la circonstance, les trois leaders de l’ex-rébellion ont répondu présents. Il s’agit de Bilal Ag Acherif du MNLA, Sidi Brahim Ould Sidatt du MAA et Algabass Ag Intala du HCUA. Tous se sont également engagés de jouer » une part active dans la réussite de la transition ».
Parmi les personnalités présentes au cours de cette rencontre, on peut également citer l’ambassadeur de la France au Mali, Joël Meyer, entouré de ses plus proches collaborateurs. Du côté des ex-rebelles, outre les secrétaires généraux des trois mouvements, on pouvait aussi noter la présence de Attaye Ag Mohamed, chargé des questions de droits de l’homme, Almou Ag Mohamed, porte-parole et Mohamed Maouloud Ould Ramdane, membre de la commission communication.
Prenant la parole, le ministre français des Affaires étrangères s’est félicité de l’entrée de la CMA dans le gouvernement de transition. A ses yeux, » il s’agit d’une avancée majeure et d’une étape importante pour le retour de la paix au Mali « . Il a aussi réaffirmé la volonté de la France à « accompagner les autorités de transition afin qu’elles puissent réussir ce processus important dans la vie de la nation « .
Il a toutefois, insisté sur la nécessité pour toutes les parties de s’engager de bonne foi pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord qui a connu un grand coup d’arrêt depuis le début des contestations de juin dernier qui ont abouti au renversement de l’ancien président, le 18 août.
Accompagner la transition
L’occasion a également été mise à profit pour évoquer la relance du processus de paix. A cet effet, il est prévu, dans les jours à venir, une session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) de haut niveau pour » redéfinir la feuille de route des actions prioritaires à mettre en œuvre dans le cadre de l’accord issu du processus d’Alger « . Parmi les dispositions phares de cet Accord auxquelles tient le chef de la diplomatie française figurent le parachèvement du programme » DDR » (désarmement, démilitarisation, réintégration) des mouvements armés et des mesures de décentralisation et de développement dans le Nord.
De leur côté, les responsables de la CMA ont remercié les autorités pour avoir pris en compte l’Accord dans le préambule de la Charte de la transition. Pour eux, il s’agit ainsi de matérialiser l’engagement de la CMA en faveur du retour de la paix et de la stabilité au Mali. S’y ajoute leur contribution au renforcement de l’unité nationale. Ils ont de même » appelé la Communauté internationale à accompagner les autorités maliennes pour la réussite de cette transition « .
Ils ont toutefois regretté que les portefeuilles attribués à la CMA ne participent pas directement à la mise en œuvre de l’Accord, promettant de donner leur opinion sur cette question au cours des différentes sessions du Conseil des ministres. Puis cette mise en garde : ils n’hésiteront pas » à se désolidariser des décisions gouvernementales non conformes avec l’esprit et la lettre de l’Accord issu du processus d’Alger « .
Position commune
Au cours de cette rencontre, il a également été question du dialogue avec les extrémistes ainsi que les négociations ayant abouti récemment à un échange de détenus. Les responsables de la CMA ont attiré l’intention du ministre français des Affaires étrangères » la nécessité de clarifier la position de la Communauté Internationale afin de lever toute ambigüité « . Pour eux, le fait qu’au sein de celle-ci figurent des membres favorables au dialogue avec les extrémistes et d’autres qui y sont très hostiles n’aide pas à avoir » une position commune » sur cette question et » ne permet pas son règlement avec efficacité « . D’autant que ce dialogue avec les extrémistes a déjà été souhaité par une bonne partie de l’opinion malienne à plusieurs occasions. Ils ont aussi rappelé que le régime déchu avait également accepté ce principe. L’occasion pour les leaders de la CMA de préciser que le récent échange de détenus, qui avait aussi un but humanitaire, peut être exploité pour » nouer ce dialogue » dont beaucoup espèrent qu’il » mettra fin à une grande partie des violences en cours dans le pays « . De plus, la CMA a promis de ne ménager aucun effort pour convaincre les extrémistes à venir autour la table du dialogue au cas où » un consensus se dégage sur la question et que le principe est accepté par tous « .
Rompre les liens avec les terroristes
Quoi de plus normal lorsqu’on sait que certains éléments de ces mouvements n’ont pas complètement rompu leur lien avec ces extrémistes. C’est le lieu de citer le cas de l’ex-député du cercle d’Abeïbara, Ahmada Ag Bibi qui, bien qu’étant élu sous les couleurs de l’ancien parti au pouvoir (RPM), est aussi un membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA). Un mouvement dont il est membre fondateur après avoir milité dans les rangs d’Ançar Dine et du Mouvement Islamique de l’Azawad (MIA). Ahmada Ag Bibi, usant de ses liens assez privilégiés avec Iyad Ag Ghali, a aussi été le principal médiateur dans la libération d’otages dont la plus récente est celle de Soumaïla Cissé et trois otages Occidentaux, survenue le 8 octobre dernier. S’y ajoute le fait que parmi les 200 prisonniers dont la libération était réclamée par le GSIM d’Iyad Ag Ghali figurent aussi de nombreux membres des mouvements armés impliqués dans le processus de paix au Mali. Autant de faits qui prouvent que la rupture entre ces mouvements et les extrémistes n’est sûrement pas pour demain et que les premiers pourraient bien convaincre les seconds à renoncer à la lutte armée.