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Mali : « La France ferait mieux de reconsidérer sa position face aux djihadistes »
Publié le mardi 27 octobre 2020  |  lacroix
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© aBamako.com par A S
Visite du Ministre Français Jean Yves Le Drian au Mali
Bamako; Le 27 octobre 2020 Le Ministre Français Jean Yves Le Drian a rencontré les autorités de la Transition
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À l’occasion de la visite du ministre des affaires étrangères français à Bamako, lundi 26 octobre, la France et le Mali, par la voix du chef du gouvernement de transition, ont affiché leur désaccord sur un éventuel dialogue avec les djihadistes. Jean-Yves Le Drian a jugé cette option impossible et Moctar Ouane a évoqué une « opportunité. » Le directeur du projet Sahel à l’International Crisis Group (ICG), Jean Hervé Jezequel, décrypte ces positions.


La Croix : Existe-t-il une divergence entre les approches française et malienne ?

Jean Hervé Jezequel : Oui, cette divergence est assez récente. Les Maliens sont convaincus depuis plusieurs mois qu’il faut explorer la voie du dialogue avec une partie des djihadistes. La France n’envisage, pour l’instant, que de combattre ces djihadistes à travers l’opération Barkhane. Au mieux, la France espère affaiblir ces groupes jusqu’à les pousser à la reddition.

Cette divergence vient d’une perception différente. La France est restée sur une lecture de la menace terroriste qui date de la première moitié des années 2010 : face à des terroristes liés à des groupes étrangers venus du Maghreb et de plus loin encore, la seule option était le combat.

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Côté malien, on observe que les terroristes gagnent du terrain, recrutent très largement au sein de la population locale, par la propagande ou la force. Pour Bamako, il ne s’agit plus de combattre des étrangers mais ses propres citoyens, mobilisés dans de vastes insurrections rurales. Les autorités maliennes estiment qu’elles ont les outils pour discuter avec ces « groupes armés » pour reprendre les termes de Moctar Ouane.

Comment analyser la position de la France ?

J-H. J. : La France sait parfaitement que la nature de la menace a évolué ces dernières années mais jusqu’ici elle se refuse à en tirer des conclusions sur le plan des réponses politiques.

Côté militaire, il est également difficile d’accepter le principe d’un dialogue avec un adversaire contre lequel on a engagé un bras de fer et qui a causé des pertes parmi les soldats français. Mais dialoguer dans une situation de guerre impose nécessairement de parler à son ennemi à un moment ou à un autre. De ce point de vue, les Maliens, qui ont perdu plus d’hommes que les Français, semblent s’y résoudre.

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La France ferait mieux de reconsidérer sa position plutôt que de s’opposer à une évolution qui semble de plus en plus probable. Sa stratégie de stabilisation au Sahel est en panne : l’option militaire ne fonctionne pas, l’appui au redéploiement de l’État malien dans des territoires toujours hostiles a échoué. Il va donc falloir changer ou ajuster sérieusement cette stratégie. Si la France ne s’y résout pas, elle finira par s’isoler elle-même et d’autres prendront le relais.

Les Français redoutent que la voie du dialogue ne débouche sur un compromis politique, qui inclurait leur départ, comme cela a été demandé par les djihadistes. À défaut de victoire, la France est soucieuse de sortir la tête haute, comme elle est entrée dans ce conflit la tête haute, en 2012, quand le président François Hollande s’était déplacé à Tombouctou. Elle redoute maintenant que le dialogue entre Maliens ne se fasse sur son dos.

Quel pourrait être le scénario pour les prochains mois ?

J-H.J. : D’abord, la position française est susceptible d’évoluer vers plus de souplesse, on en voit déjà quelques discrets signaux annonciateurs. Il y a encore quelques années l’option du dialogue avec des insurgés djihadistes semblait une utopie absurde. Aujourd’hui, l’exemple des négociations entre les États-Unis et les talibans montre que l’option du dialogue peut être posée sur la table, sans être ni une reddition complète, ni une solution miracle…

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Ensuite, il faudra voir comment concrètement un dialogue pourra s’organiser entre Maliens et même entre Sahéliens et sur quoi il va porter. Il faudra sans doute choisir un pays tiers où les discussions auront lieu en terrain neutre. Les interlocuteurs pourraient inclure les deux figures du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), aujourd’hui liées à Al-Qaida, Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa, ou leurs représentants.

Des dialogues politiques finiront par s’ouvrir, ils ne mettront pas de suite un terme à la guerre mais vont faire changer les lignes sur le terrain et permettront peut-être d’entrevoir une sortie heureuse à l’embourbement actuel.
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