Je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de m’adresser à vous au sujet des femmes et de la paix et de la sécurité, vingt ans après l’adoption, par le Conseil de sécurité, de la résolution 1325 (2000) historique.
La pandémie de COVID-19 est la plus grande épreuve que connaît la communauté internationale, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En mars, j’ai lancé un appel en faveur d’un cessez-le-feu mondial immédiat, afin que nous puissions nous consacrer à un ennemi commun: le virus de la COVID‑19. J’ai réitéré cet appel, dans le discours que j’ai prononcé à l’Assemblée générale le mois dernier.
Dans sa résolution à l’appui d’un cessez-le-feu immédiat mondial, le Conseil a établi un lien précieux et solide avec le programme pour les femmes, la paix et la sécurité.
Premièrement, vous aviez déclaré que la pandémie aurait un effet disproportionné sur les femmes et les filles.
C’est bien ce que nous constatons, dans les zones de conflit et dans le monde entier.
Les femmes subissent déjà une augmentation de la violence fondée sur le genre. Nous assistons clairement à un détournement de ressources qui auraient dû être consacrées à leur santé, notamment à la santé sexuelle et procréative. La pandémie pourrait avoir un effet durable sur l’éducation des filles et l’emploi des femmes.
Cela contribuera à accentuer la marginalisation des femmes par rapport aux prises de décision et au processus de paix, ce qui nuirait à tout un chacun.
Deuxièmement, comme vous l’avez constaté, les femmes jouent un rôle clef dans l’intervention, face à la pandémie.
Elles sont à tous les niveaux en première ligne du combat contre la COVID-19 et dominent dans les secteurs de l’économie qui sont essentiels à la vie quotidienne.
Les auxiliaires de vie, les infirmières, les enseignantes, les agricultrices, les vendeuses de produits alimentaires et autres travailleuses essentielles assurent les services qui permettent aux communautés, aux économies et aux sociétés de fonctionner.
Nous devons rendre hommage aux femmes qui sont des bâtisseuses de la paix au niveau local, dans les communautés du monde entier.
Nous devons également rendre hommage à celles qui intensifient leurs efforts chaque jour dans les zones de conflit pour aider les personnes exposées au danger, négociant entre divers groupes pour permettre l’accès aux civils et à l’aide humanitaire, instaurant la confiance et resserrant les liens sociaux.
Troisièmement, vous aviez demandé dans votre résolution que des femmes soient dans des postes de direction et de décision, partout dans le monde.
Beaucoup de dirigeantes ont réussi avec un succès remarquable à endiguer la pandémie, tout en appuyant les moyens de subsistance des personnes.
Cela confirme une vérité évidente: les institutions, les organisations, les entreprises et les gouvernements fonctionnent mieux lorsqu’ils associent la société dans son ensemble, plutôt que la moitié..
Un rôle de direction et de décision n’est pas une faveur faite aux femmes mais une contribution essentielle à la paix et au progrès de tous.
Nous ne pouvons espérer surmonter la crise climatique, réduire les divisions ou pérenniser la paix sans y associer intégralement toute la société.
Il sera capital que les femmes jouent un rôle de direction dans tous les domaines, afin de trouver le moyen le plus rapide et le plus sûr de surmonter la pandémie et d’édifier un avenir plus pacifique et plus stable.
Monsieur le Président,
Vingt ans après l’adoption de la résolution 1325, nous avons vu des changements importants dans la façon dont l’Organisation des Nations Unies traite des enjeux de paix et de sécurité internationales, dans les ressources que nous investissons et l’expertise que nous déployons.
Le mouvement en faveur des droits des femmes et ses soutiens au sein des gouvernements et des institutions internationales ont permis de modifier des lois discriminatoires, franchir des étapes importantes dans la représentation politique et la jurisprudence internationale et faire bouger les choses dans les processus de paix.
Toutefois, l’égalité des genres est premièrement et avant tout une question de pouvoir et où que nous regardions, ce sont les hommes qui dominent les instances du pouvoir.
Les femmes ne dirigent que 7 % des pays du monde.
Les hommes représentent les trois quarts des membres des équipes et des comités chargés de lutter contre le COVID-19.
Les décisions concernant la paix et de sécurité internationales continuent d’être prises à une écrasante majorité par des hommes.
Même si les femmes sont de mieux en mieux représentées dans les équipes de médiation de l’ONU, elles demeurent largement exclues des pourparlers et des négociations de paix.
Prenons quelques exemples récents. Les femmes sont-elles équitablement représentées dans les discussions sur le futur de l’Afghanistan menées entre les Talibans et le gouvernement ? Ou au Mali, pays qui amorce une transition politique ?
Le Soudan est-il en passe de satisfaire au quota de 40 % de femmes députées, comme énoncé dans la Déclaration constitutionnelle ?
Le Soudan du Sud atteindra-t-il le quota de 35 % de femmes préconisé dans la branche exécutive du pouvoir par l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit ?
Au Yémen, trouve-t-on des femmes à la table des négociations parmi les protagonistes politiques et les parties au conflit ?
Si la réponse à ces questions est non, alors il est évident que la tâche devant nous se heurte à de sérieux obstacles.
Prenons la participation significative et efficace des femmes à la médiation. Cette participation élargit les perspectives de paix, de stabilité, de cohésion sociale et de progrès économique.
Mais s’assurer que les femmes prennent pleinement part aux processus de paix exige aussi de renforcer les partenariats entre l’Organisation des Nations Unies, les organisations régionales, les États Membres et la société civile.
Nous devons utiliser toute la gamme d’outils à notre disposition et trouver des solutions innovantes susceptibles d’avoir un impact rapide et déterminant sur la représentation des femmes.
Les mesures temporaires spéciales telles que les quotas peuvent faire une énorme différence. J’en ai été moi-même témoin en tant qu’homme politique dans mon propre pays.
Il est grand temps que l’Organisation des Nations Unies et les États Membres examinent ensemble comment utiliser au mieux notre influence politique, le financement et le soutien dont nous disposons pour encourager et créer les conditions requises pour une représentation et une participation égales des femmes aux pourparlers de paix.
L’inclusion des femmes dès le départ doit être une priorité.
Les processus de paix se déroulant en ligne durant la pandémie, il importe de ne pas ralentir l’action menée en faveur de la participation des femmes.
Monsieur le Président,
Lorsque j’ai pris mes fonctions de Secrétaire général, l’une de mes premières priorités a été de mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes au sein de l’Organisation des Nations Unies.
Nous avons atteint la parité femmes-hommes parmi le personnel de direction employé à plein temps à l’Organisation au début de l’année 2020, soit 90 femmes et 90 hommes. Nous avons atteint la parité également parmi nos coordonnateurs résidents, y compris dans les pays touchés par un conflit. Dans les missions, le nombre de femmes exerçant des fonctions de direction a fait un bond de 21 % à 41 % en trois ans seulement ; dans les missions politiques spéciales, 52 % des chefs ou des chefs adjoints de ces missions sont maintenant des femmes.
Je suis déterminé à plaider pour la parité à tous les niveaux, bien avant les échéances.
La pleine participation des femmes vaut également pour les agents en tenue. Je félicite le Conseil d’avoir adopté cette année la première résolution axée sur les femmes et le maintien de la paix. Le nombre de femmes déployées est encore trop faible, mais il a beaucoup augmenté ces cinq dernières années.
Cela est important, non seulement parce que l’Organisation des Nations Unies doit être le reflet des personnes que nous servons, mais aussi parce que les femmes ont un point de vue et des connaissances sur chaque question – y compris la paix et la sécurité.
L’un des principes fondamentaux du programme pour les femmes et la paix et la sécurité est que les armes n’améliorent pas notre sécurité. La pandémie de COVID‑19 l’a montré une fois de plus.
En 2019, les dépenses militaires mondiales ont atteint 1 900 milliards de dollars, après la plus forte augmentation annuelle depuis dix ans.
Parallèlement, dans certains pays, l’intégrité physique des femmes est la plus menacée là où elles devraient être le plus en sécurité : dans leur propre foyer. Le risque qu’elles soient victimes de violences peut être équivalent ou supérieur à celui d’une zone de guerre. La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’accroître cette menace.
Le programme pour les femmes et la paix et la sécurité remet en question l’accent mis sans relâche sur les conflits interétatiques au détriment des mesures de protection des femmes.
Ces vingt dernières années, la recherche et la pratique universitaires ont mis en évidence les liens étroits entre l’égalité femmes-hommes, la prévention des conflits et la paix.
Le programme pour les femmes et la paix et la sécurité appelle à une réflexion plus large sur les moyens de prévenir les conflits, d’empêcher la violence fondée sur le genre et de bâtir des communautés et des sociétés pacifiques et inclusives.
Dans le cadre de la relève après la pandémie, nous devons faire un choix :
Continuer sur la voie de la militarisation croissante, des conflits et des pertes intergénérationnelles.
Ou œuvrer à une plus grande inclusion, à l’égalité et à la prévention des conflits et des crises de toutes sortes.
Pour les gouvernements et les institutions internationales du monde entier, l’égalité femmes-hommes est l’un des moyens les plus sûrs de renforcer la cohésion sociale et la confiance et d’inciter les citoyennes et les citoyens à une participation responsable.
Monsieur le Président,
Pour les médiatrices, les bâtisseuses de paix, les défenseuses des droits humains et les travailleuses essentielles qui risquent leur vie pour construire la paix ;
Pour les millions de femmes, d’hommes, de filles et de garçons dont les espoirs de paix et de sécurité reposent sur des sociétés plus égales et plus justes ;
Nous ne pouvons pas attendre vingt ans de plus pour mettre en œuvre le programme pour les femmes et la paix et la sécurité.
Commençons ce travail ensemble dès aujourd’hui.
Je vous remercie.
Bureau de la Communication Stratégique et de l’information publique de la MINUSMA