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Sahel: Alger dénonce le paiement de rançons aux terroristes par «des parties étrangères»
Publié le samedi 31 octobre 2020  |  sputniknews
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© Autre presse par DR
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L’armée algérienne a arrêté un terroriste qui faisait partie du groupe libéré récemment par les autorités de Bamako. Sans la citer nommément, le ministère de la Défense accuse la France d’avoir versé des rançons pour obtenir la libération des trois otages européens dans le cadre de cet accord avec des groupes terroristes activant au Mali.
Les autorités militaires algériennes sont en colère. Il n’a suffi que deux semaines pour constater l’effet du deal passé entre la junte malienne au pouvoir et Iyad Ag Ghali, le chef du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM)*.


Mardi 27 octobre, les services de sécurité ont interpellé un terroriste qui faisait partie du groupe de «djihadistes» libéré par Bamako au début du mois. Mustapha Derrar, dit Mustapha el Djazaïri (l’Algérien), a été arrêté à Tlemcen, sa ville d’origine, située à quelques kilomètres de la frontière marocaine.
Il a traversé le Mali et l’Algérie du sud au nord pour revenir chez lui, soit plus de 4.000 kilomètres.

Instructeur armé pour enfants

Dans une vidéo diffusée par la télévision publique, le terroriste revient sur son parcours au Mali. Il affirme avoir intégré, en 2012, un groupe qui activait à In Khalil près de la frontière algérienne. En compagnie d’un Tunisien, Mustapha Derrar dit avoir été instructeur pour enfants.

«Nous leur préparions la cuisine, les faisions manger, leur apprenions le maniement des armes, comment les démonter et les remonter, les positions et comment ramper».
Mais son activité a pris fin quelques semaines plus tard. «Le 26 janvier 2013, nous avons eu un accrochage avec les Maliens. La moitié des hommes est morte, les autres ont été blessés. Ils m’ont emmené en prison, j’y suis resté pendant six ans. Ensuite, j’ai été jugé et condamné à la prison à perpétuité. Après un mois et demi, on nous a transférés dans un pénitencier situé à 60 kilomètres de Bamako. Au total, j’ai été emprisonné sept ans et dix mois», raconte-t-il.


Mustapha Derrar explique ensuite comment il a profité de l’accord qui a conduit à sa libération au début du mois d’octobre.

«Il y a eu cet échange entre Iyad Ag Ghali et la France. [sic] Il portait sur la libération de 207 terroristes et le paiement d’une rançon de 10 millions d’euros. Ensuite, j’ai entendu parler d’une rançon totale de 30 millions d’euros. Cet argent est considéré comme un soutien, un encouragement, une aide pour que le terrorisme se renforce, il permet la dispersion d’armes», précise le terroriste.
Mustapha Derrar affirme «avoir été malade durant huit années».

La France pointée du doigt

Dans un communiqué officiel, le ministère algérien de la Défense (MDN) précise que cette arrestation a été menée «consécutivement à une surveillance permanente dudit criminel depuis son entrée via les frontières nationales jusqu'à la collecte des renseignements relatifs à ses mouvements suspects». Mais le MDN ne donne aucune précision sur les objectifs ni même les raisons de la présence de Mustapha Derrar dans la région de Tlemcen. Par contre, le communiqué dénonce avec force les «négociations menées par des parties étrangères ayant abouti à conclure un accord, via lequel plus de (200) terroristes ont été libérés et une rançon conséquente a été versée aux groupes terroristes contre la libération de trois otages européens».

«Ces pratiques inadmissibles et contraires aux résolutions de l'Organisation des Nations unies incriminant le versement de rançons aux groupes terroristes entravent les efforts de lutte contre le terrorisme et de tarissement de ses sources de financement. Cette opération de qualité réitère l'efficacité de l'approche adoptée par l'Armée nationale populaire pour asseoir la sécurité et la quiétude à travers tout le territoire national et venir à bout du fléau du terrorisme dans la région», note le ministère algérien de la Défense nationale.
Même si l’armée algérienne évite de la citer, l’allusion à la France est claire.

Dans le cadre de cet échange, «la dernière otage française dans le monde» a pu être libérée (ainsi que le chef de l’opposition malienne et deux otages italiens). Contactés par Sputnik, Ramdane Hamlat et Abdelhamid Larbi Chérif, deux colonels algériens à la retraite, pointent sans détour la responsabilité de Paris dans la libération des terroristes et le versement de la rançon au chef du GSIM. Pour Ramdane Hamlat, analyste politique spécialiste des questions de géopolitique, l’élargissement de ces terroristes est une menace réelle pour l’Algérie.

«La France est la seule bénéficiaire de ces actions. L’objectif étant d’obtenir de l’Algérie des concessions dans le Sahel, la Libye ou encore dans le dossier du Sahara occidental. D’après mes informations, l’accord de libération des terroristes détenus par le Mali et le paiement de rançons pour la libération des otages occidentaux a été mené conjointement par les services français et marocains», accuse-t-il.

Pourtant, en déplacement au Mali les 25 et 26 octobre, le chef de la diplomatie française a affiché un désaccord avec le Premier ministre malien, Moctar Ouane, sur la question des négociations avec les terroristes. «Disons les choses très clairement: il y a les accords de paix […] et puis il y a les groupes terroristes qui n'ont pas signé les accords de paix […]. Les choses sont simples», a-t-il alors lancé, en présence d’un Moctar Ouane désireux de faire valoir les conclusions d’un dialogue national inclusif de 2019 qui ont indiqué «la nécessité d’une offre de dialogue avec les groupes armés».

Des attaques dans un proche avenir

Selon Ramdane Hamlat, l’objectif des terroristes libérés «consiste à se regrouper et à commettre des attentats». Le colonel Ramdane Hamlat estime que le terroriste «qui a été arrêté à Tlemcen s’est infiltré à travers les frontières nationales et avait avec une mission bien définie». Pour sa part, Abdelhamid Larbi Chérif, ancien colonel des services de renseignement à la retraite et analyste politique, explique à Sputnik que le paiement de rançons mis en œuvre par la France n’est pas un fait nouveau… mais ses conséquences s’avèrent souvent dramatiques.

«Le chef terroriste Mokhtar Belmokhtar, éliminé en 2016, a largement profité de cette manne financière pour renforcer ses capacités en armement et tisser des alliances avec les tribus du Nord-Mali.»
Les deux officiers s’attendent à une recrudescence des attaques et attentats dans un proche avenir. L’Algérie, le Mali, le Niger et le Burkina-Faso seront les cibles principales de ces actions. Il faut s’attendre à un afflux de terroristes algériens ayant opéré au Sahel. «Les services de sécurité algériens sont préparés à faire face à cette situation, surtout lorsqu’il s’agira de neutraliser les terroristes fichés. Mais la véritable menace provient des individus non identifiés», note Abdelhamid Larbi Chérif.


Sur le plan politique, Ramdane Hamlat estime que l’argument qui a conduit à l’intervention militaire française au Mali a pour objectif d’assurer la «sécurité intérieure de la France». «Le Président François Hollande n’a cessé de répéter cet argument. En réalité, il faisait référence aux gisements d’uranium du Niger qui alimentent les centrales nucléaires françaises. Ce qui compte pour Paris, c’est de préserver ses intérêts en Afrique.» Selon Ramdane Hamlat, l’affaire de la libération des 200 terroristes a mis à mal les relations algéro-françaises qui sont déjà très complexes.

«L’évacuation du Président Abdelmadjid Tebboune vers l’Allemagne et non pas vers la France, comme cela se fait traditionnellement, est un indice probant de l’existence d’un désaccord sur la politique française au Sahel.»
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