Assurément la transition est mal partie. La concertation nationale, convoquée en fanfare dans la première quinzaine de septembre dernier, ambitionnait de placer » le peuple souverain » au centre des orientations stratégiques à opérer et de la détermination, suivie de l’installation des organes en charge de leur mise en œuvre diligente et efficace. Cela pour sortir le Mali du bourbier IBK et le river sur les rails d’un nouveau départ dans un délai acceptable par la CEDEAO et la communauté internationale.
Force est de constater que les fruits n’ont pas porté la promesse des fleurs. Ni le président Bah N’Daw, ni le Premier ministre Moctar Ouane, encore moins les membres du gouvernement de transition n’ont été désignés selon la démarche consensuelle préconisée par ces assises. Ils ont été choisis à la seule discrétion de la junte de Kati et, pour ce qui concerne les ministres, beaucoup d’entre eux seraient des proches de ses membres, si l’on en croit le coordinateur du M5-RFP, l’infatigable et inusable Choguel Kokalla Maïga. Un état de fait, en tous les cas, qui fait dire à certains que IBK est parti, mais que l’IBKisme a encore de beaux jours devant lui.
Le CNSP ne compte pas s’en tenir là. Le retard dans la mise en place du Conseil National de Transition (CNT) censé jouer le rôle d’un organe législatif est expliqué, de bonne source, par son projet d’y placer un grand nombre de militaires ayant participé à la déposition du président IBK (histoire de les récompenser) voire de le faire présider par l’un de ses chefs. S’il est assez fréquent de voir sous nos cieux des militaires ministres (surtout à la défense et à la sécurité) il est plutôt exceptionnel de les rencontrer sous les habits de législateurs. Une pléthore de militaires dans » une assemblée » de surcroit présidée par un de leurs donnerait, à coup sûr, du grain à moudre à ceux qui estiment que nous sommes bien en présence d’un régime militaire à peine déguisé.
A ce train, il faudrait se rendre à l’évidence : une volonté d’accaparement des leviers du pouvoir, afin de tirer jouissance de ses attributs et délices, est en train de prendre le pas sur l’impératif de changement qui a mobilisé, plusieurs mois durant, des millions de Maliens et abouti, le désormais historique 18 août, à la sortie sans gloire d’IBK.
Les voies devant conduire à ce changement ont été montrées par la concertation nationale et résumées dans une feuille de route comme suit : rétablissement et renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, promotion de la bonne gouvernance, refondation du système éducatif, réformes politiques et institutionnelles, pacte de stabilité sociale, organisations des élections générales.
C’est à l’accomplissement de ces grands desseins où réside le salut de la nation que les autorités en place doivent se dédier, de toutes leurs forces et sans retard, au lieu de s’égailler dans des calculs alimentaires et de préséance.
Les Maliens ne sont pas dupes qui commencent à ne plus pouvoir contenir leur impatience et l’expriment par la reprise des grèves qui ont contribué à fragiliser l’ancien directoire du pays. La plus symbolique de la déconfiture de l’Etat est celle de sa propre administration qui revendique plus de sécurité et de bien-être pour ses actifs. Si celle annoncée par l’UNTM, la principale et la plus redoutée centrale syndicale du pays, venait s’y ajouter à partir du 18 novembre, le grand corps malade qu’est le Mali pourrait se trouver en très piteux état. Il n’échappe pas non plus à nos concitoyens que depuis plusieurs semaines leur armée peine à libérer un village de la région de Ségou de l’emprise meurtrière d’une poignée de terroristes enragés. Et que la situation sécuritaire au centre ne cesse de se dégrader. Un recentrage de la transition s’impose donc au plus vite. Pour éviter un pis-aller.