Salif Gaoussou Diarra est le journaliste sportif à avoir couvert la Coupe d’Afrique Yaoundé-1972 pour Radio-Mali. Collaborateur extérieur de Radio Soudan puis de Radio-Mali pendant 23 ans, il a posé le micro en 1981. Les raisons ? Nous en reparlerons. Parallèlement à son statut dans le média national, Salif Gaoussou Diarra fut un grand commis, un administrateur, un financier. Dirigeant sportif, il l’a été aussi : 1er président de l’AS Commune II, trésorier général de la Ligue de football de Bamako, de la Fédération malienne de football (Fémafoot) de 1987 à 2005, 2e vice-président du Djoliba durant tout le mandat de Karounga Kéita dit Kéké. Marié et père de cinq enfants, il porte fièrement ses 86 ans. Il ne souffre d’aucune maladie, hormis la vieillesse qui lui cause des maux de genou. Son alimentation : les tubercules, les légumes, la chair blanche. Depuis 2009, il ne mange plus la viande rouge. Nous avons rencontré ce monument de la presse, dans le cadre de l’animation de la chronique “Que sont-ils devenus”. Qui est Salif Gaoussou Diarra ? Comment il est devenu reporter sportif ? Sa collaboration avec Radio Soudan et Radio-Mali ? Son sentiment sur la Can Yaoundé “72” ? Le dossier mystique de la Can-2002 ? Ce vieux qui est encore un conservateur avec les principes du temps réglementaire d’un match de football, nous a reçus à son domicile à Medina Coura, sur la Rue 14 pour un échange instructif.
Quelque peu en retard pour le rendez-vous, Salif Gaoussou Diarra nous téléphone pour nous accorder un quart d’heure supplémentaire, ajoutant que passé ce délai, il serait dans l’obligation de remettre l’interview à une date ultérieure. Le nonagénaire, précis comme une horloge suisse, reste droit dans ses bottes.
Auparavant, quand nous l’appelions pour la première fois, nous commettions l’erreur de dire Gaoussou Diarra. Il nous rectifia sur le champ et précisa que son prénom est Salif, Gaoussou est celui de son père. Mais puisqu’ils étaient deux Salif au service, il a dû créer la différence en adjoignant le prénom de son père au sien. Message clair et bien reçu. Un rendez-vous est alors fixé après les formules de salutations et les explications à propos de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Gaoussou Diarra (micro) entre Demba Coulibaly et Mamadou Kaloga
Premier sujet avec notre héros de la semaine, la Can Yaoundé-72. Dans son reportage, est-ce la passion, l’amour du métier ou de la nation, l’exploit des Aigles du Mali qui a contribué à tenir en haleine le peuple malien pendant deux semaines ?
“C’est le reporter simple de Radio-Mali qui assurait la retransmission. Je n’ai jamais été dépassé par la passion au micro, mais plutôt déçu par la défaite des Aigles parce que le Mali était étiqueté super favori par les médias camerounais avec Salif Kéita dit Domingo. Cela nous a défavorisés, Salif est devenu la cible et on cherchait à le blesser, d’où le traitement infrarouge afin qu’il joue la finale”.
Autre plat de résistance, la Can-2002 parce que nous savons qu’il a sillonné le pays pour retrouver des marabouts capables d’assurer la victoire finale aux Aigles. Mais il n’a pas voulu s’engager dans ce débat, malgré nos argumentations-pièges. Cependant, il ressort de nos informations que Salif Gaoussou Diarra a joué un grand rôle dans le dossier mystique pour au moins une place honorable.
Des prédicateurs ont dit que les Aigles feront match nul à leur première sortie, ensuite iront de l’avant. Mais jusqu’à quel niveau ? Le temps a révélé les demi-finales. C’est au même moment qu’un marabout en profitera pour dire aux émissaires de la Fémafoot qu’un militaire prendra le pouvoir après Alpha Oumar Konaré. Seulement il n’ira pas au bout de son mandat parce qu’il va mourir. Là aussi les choses se sont passées ainsi avec des variantes près. Toutes ces révélations insinuées n’ont pas fait changer d’un iota le doyen Salif Gaoussou Diarra pour parler le côté mystique de la Can-2002.
Au-delà de ces prédictions des marabouts et autres, Salif Gaoussou Diarra explique l’élimination des Aigles comme la conséquence de la pression sur les jeunes. Pour la simple raison qu’après la victoire du Mali sur l’Afrique du Sud à Kayes, l’on pensait à la finale. Cela a constitué un handicap mental, auquel il faut ajouter le but matinal encaissé par les Aigles contre les Lions Indomptables du Cameroun.
Aliou Diop du Sénégal, l’idole
Comment il a été une sommité du micro alors que nous savions qu’il a travaillé à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) durant 32 ans, dont 20 comme agent comptable ? C’est par amour pour le sport en général et le football en particulier qu’il est devenu un collaborateur extérieur de Radio Soudan en 1958.Le reporter sénégalais, Aliou Diop en est pour beaucoup. Il l’écoutait tous les dimanches et tentait de l’imiter. Pour rester dans cette admiration, Salif Gaoussou Diarra faisait le tour des terrains d’entraînement des clubs soudanais pour improviser un commentaire de match, sous la forme d’une retransmission.
Les responsables de Radio Soudan lui proposèrent l’animation de chroniques sportives, toutes disciplines confondues. Le vendredi soir il annonçait les programmations sportives du week-end et le lundi était consacré aux résultats des compétitions. A l’époque, Pierre Campmass assurait les retransmissions des matches à la radio. L’homme était rédacteur en chef du journal “Soudan-Matin” et attaché de presse d’Idrissa Diarra, secrétaire politique de l’US-RDA, alors le parti-Etat au pouvoir.
Si tout le monde était unanime sur sa valeur intrinsèque, le risque de le perdre à tout moment était grand parce que de nationalité française, il pouvait rentrer dans son pays. Aussi fallait-il penser à la relève, en formant d’autres jeunes. Salif Gaoussou Diarra et Cheick Diabaté sont mis à l’épreuve en direct à la radio lors d’un match de football. Quand Salif prit le micro pour ses commentaires de match, le public trancha aussitôt avec des applaudissements et des cris d’approbation.
Dès le lendemain, notre héros de la semaine devint l’adjoint de Pierre Campmass pendant cinq ans (1963-1968).
La chute du président Modibo Kéita précipita le départ de Pierre Campmass. Celui-ci était parvenu à la conclusion que la chasse aux sorcières pouvait le précipiter dans une zone d’insécurité. Il plia armes et bagages et rejoignit son pays. Du coup Salif Gaoussou Diarra devient le reporter attitré de Radio-Mali jusqu’en 1981. Date à laquelle il va déposer définitivement le micro, au terme d’une carrière riche en événements. La raison ?
Poussé à la sortie
“J’étais un collaborateur extérieur de Radio-Mali, c’est-à-dire payé à la tâche. Il m’est arrivé de former les jeunes Demba Coulibaly, Mamadou Kaloga, Karim Doumbia et Cheick Tigui Coulibaly. Ce dernier a animé par la suite les chroniques sportives, il produisait des billets d’avant et d’après-match. Ces jeunes à un moment donné devraient assumer des postes de responsabilité au desk sport de Radio-Mali, ce qui me placerait automatiquement sous leurs ordres. Il serait difficile pour moi de supporter, que mes stagiaires deviennent mes patrons. J’ai pris la décision difficile, mais importante de déposer le micro pour de bon et sans regret”.
Véritable autodidacte, Salif Gaoussou Diarra décroche le CEP en 1949 à l’Ecole Jean-Louis Maunod. Après un an et demi au lycée Terrasson de Fougères, il est victime d’une circulaire de l’administration coloniale qui décida de l’exclusion de tous les auditeurs libres. Il retourna à la maison le cœur meurtri. Pour apaiser sa douleur, le vieux Gaoussou Diarra recruta un enseignant pour lui dispenser des cours à domicile.
Devenu un intellectuel sans diplôme (le seul CEP était insuffisant pour décrocher un emploi), son père, par ses relations, le fit recruter aux Etablissements Peyrissac et Compagnie comme commis aux écritures en 1955. C’est de là que son oncle le plaça à l’INPS le 1er juillet 1957.
Après 20 ans de service, il est nommé agent comptable en 1977, un poste qu’il ne quittera qu’à sa retraite en 1990. A partir de ces temps, il se concentra sur la gestion des ressources financières du football malien, en sa qualité de trésorier général.
Parmi sa pléiade de bons souvenirs, nous retenons trois : la victoire des Aigles contre le Zaïre en demi-finale de la Can Yaoundé-72, la qualification du Djoliba contre le Bendel Insurance du Nigeria en Coupe d’Afrique des clubs champions et la victoire finale du Stade malien en Coupe Caf.
Au rayon de ses mauvais souvenirs : la Can de Yaoundé, l’élimination du Djoliba en Coupe d’Afrique en 1977 par la Confédération africaine de football (Caf), suite à un incident provoqué par Tiécoro Bakayoko lors d’un match des Aigles à Bamako contre les Eléphants de Côte d’Ivoire, la Can-2002.
Dans la vie Salif Gaoussou Diarra aime la vérité, le respect dû à autrui, la simplicité. Il déteste le mensonge, le vol.