“La maîtrise de l’éthique (le respect des valeurs de la société) et de la déontologie (le respect des règles qui régissent la profession de journaliste) par les journalistes des différents journaux de la place peut contribuer à réduire et éviter les dérapages “. C’est ce qu’a compris l’Association des éditeurs de la presse privée (Assep) qui a organisé, du 28 au 29 octobre 2020 à l’hôtel Kamadjan de Siby, une formation à l’intention de 80 directeurs de publication, grâce au financement du Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage (Fafpa).
Animée par l’ancien ministre de la Communication Manga Dembélé, Sadou Abdoulaye Yattara (ancien président de l’Assep et de la Maison de la presse) et Mamadou Dabo (modérateur), la formation portait sur les thèmes “Ethique et déontologie du journalisme” et “Ethique et déontologie du journaliste : quels défis pour la profession ?”.
Développant le thème “Ethique et déontologie du journalisme”, Manga Dembélé a rappelé le rôle crucial que joue la presse dans la démocratie. “Appelée parfois” 4e pouvoir”, la presse joue un rôle dans la mise en œuvre des différentes libertés publiques dont la liberté d’expression. Les journalistes sont incités à obéir à une déontologie dont l’interprétation est à polémique. C’est ainsi que des chartes (les 10 devoirs et les 5 droits) des journalistes ont été rédigées.
Les 10 devoirs de la charte des journalistes : “Le métier de journaliste ne doit jamais être confondu avec celui de publicitaire ou de propagandiste”
Les 10 devoirs de la charte sont, entre autres, le respect de la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour le journaliste et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité ; défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique ; publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ; ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ; s’obliger à respecter la vie privée des personnes ; rectifier toute information publiée qui se relève inexacte ; garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ; s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information ; ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou de propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ; refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Les 5 droits de la Charte des journalistes
Comme droits, les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés. Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est déterminée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience. L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise. Elle dot être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste. En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale, ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.
Les problèmes et les remèdes de la presse malienne
Concernant la déontologie et l’éthique de la presse au Mali, l’ancien ministre Manga Dembélé a fait savoir que l’explosion des médias à la faveur de la révolution de mars 1991 a entraîné 3 problèmes qui sont, entre autres, le problème de la qualité des ressources humaines ; le problème du fonctionnement interne des rédactions et le problème de la viabilité économique des entreprises de presse. Ces problèmes, à ses dires, s’interpénètrent et accentuent la vulnérabilité de la presse aux dérapages.
“Après deux décennies, le constat montre la persistance des mêmes problèmes. Les formes de dérapages d’antan sont encore réelles de nos jours : la confusion entre l’information et la publicité, la violation de l’esprit de confraternité, le traitement délibérément politique de l’information. Ces pratiques se constatent dans les médias publics en période de tension politique et sociale. Et pour la presse privée, elles résultent de la vulnérabilité économique des organes de presse, les rendant encore plus fragiles aux sollicitations des acteurs politiques ou aux relations trop étroites entretenues avec certaines personnalités. Cela constitue un obstacle à l’indispensable prise de distance des journalistes pour éviter la confusion entre sympathie et accointance”, a-t-il souligné. Comme remèdes à ces pratiques, Manga Dembélé a insisté sur les dispositions relatives aux délits de presse, plus précisément aux sanctions contre les violations les plus graves de la déontologie journalistique. Il s’agit des conditions d’obtention et de retrait de la carte de presse, condition d’obtention, de suspension et de retrait d’autorisation de création de radio privée. Il a proposé la formation des journalistes et une plus grande explication des règles de déontologie à l’intérieur des rédactions, une condamnation morale des dérives suscitées à travers l’autorégulation.
Ethique et déontologie : quels défis pour la profession de journaliste
Sur les défis de l’éthique et la déontologie pour la profession du journaliste, Sadou Abdoulaye Yattara (un doyen de la presse privée malienne) dira que la mission du journaliste dans la recherche, le traitement et la diffusion de l’information comportent nécessairement des limites qu’il s’impose soi-même ou en rapport avec les règles d’éthique ou de déontologie professionnelle. A ses dires, la perméabilité du journalisme et surtout les enjeux des informations et certains dérapages exposent le journaliste à la critique du premier venant. Et l’application des Codes pose énormément de problèmes car les médias fonctionnent selon leurs propres directives sous forme de codes, de règles établies. Et ceux qui y travaillent doivent respecter ces critères.
Il a reconnu que les dérapages peuvent diminuer. Mais, a-t-i insisté, “à condition que tous les acteurs des médias comprennent que leur confiance et leur crédibilité dépendent in fine de la manière dont ils traitent l’actualité, mais aussi et surtout de l’observation de la déontologie. Un code ne peut être efficace que lorsque la volonté et la détermination des cibles y sont réellement. Sinon, il deviendra une coquille vide, un engagement dont nul ne tient compte. Mieux que cela, nul code déontologique ne saurait prévoir toutes les situations à la place du bon sens, des principes éthiques. Il est admis qu’aucun code ne saurait être efficace lorsque les organisations professionnelles ou patronales chargées de l’appliquer présentent des signes de faiblesse, de désunion”.
Les principes de travail du journaliste
A son entendement, les organisations professionnelles patronales peuvent être d’une efficacité notoire si elles se dotent de moyens de faire respecter un code en développant une synergie avec les associations des journalistes et tous les acteurs qui comptent dans le paysage médiatique (organes de régulation, autorégulation, commission de carte de presse, usagers des médias, écoles de formation…). “La liberté de la presse fait partie des libertés fondamentales qui offrent aux individus les moyens, les armes de lutte pour améliorer leur condition de vie. Mais cette liberté acquise en même temps qu’elle a conféré des droits aux journalistes pour l’exercice de leur profession en toute quiétude, les a assortis des devoirs largement répertoriés dans les chartes, déclarations ou codes”, a-t-il fait savoir. Pour lui, le journaliste, dans l’exercice de sa profession, doit rester attaché aux principes de travail qui sont, entre autres, l’exactitude ou la précision ; la crédibilité ; l’impartialité ; la responsabilité. Dans l’exercice de sa profession, le journaliste peut utiliser les Moyens non autoritaires d’assurer la responsabilité sociale des médias (Mars).