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18 août 2020 : Rupture ou réforme de l’existant ?
Publié le samedi 7 novembre 2020  |  Mali Tribune
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L’avènement d’un nouveau Mali “le Mali kuraw“ est aujourd’hui, la vive attente d’une majorité de malien. Ce « Mali kuraw » tant désiré et souhaité nous tombera t-il du ciel comme un fruit mûr ? Ou sera t-il le fruit du labeur des hommes et des femmes réunis sur la terre nourricière du Mali ? Le “Mali kuraw“ sera t-il bâti à la sueur du front des fils et filles à l’appel du Mali ? Ou attendrons nous que d’autres viennent nous le bâtir comme dans un conte de fée ? De manière unanime, les Maliens sont d’accord que le changement est la condition sine qua non de l’avènement du “Mali kuraw”. Or nous constatons que les multiples changements et crises, qui ont affecté notre pays ces soixante dernières années d’indépendance, n’ont pas pu le préserver d’un cyclique chaos du retour au point de départ. Enfin, au cœur de cette de scie, quel changement fera émerger le “Mali kuraw” des cendres du Mali?
Changement & Crise

Le changement et la crise relèvent de l’évolution normale de la société. Dans cette dimension sociétale, le changement est un processus continue et progressif qui nous entraine passivement dans son cours et nous amène à nous adapter à diverses situations ou faits socioculturelles. La crise, par contre, envahie la société et, l’arrache parfois brusquement de ses certitudes et convictions. Elle déstabilise la société et la plonge dans le désespoir, le doute et la violence dans certaines circonstances.

Nos changements d’hier à nos jours.

Le changement constaté dans la gouvernance de notre pays, jusqu’à nos jours a consisté à un remplacement des visages, voire une substitution de personnage dans le même système programmé pour générer ce que nous déplorons tous aujourd’hui. Contrairement à ce que pensent plusieurs d’entre nous, le système en question n’est pas spontané, ni improvisé au gré des événements, des régimes ou des acteurs du jour. Le système en place, qui détruit notre nation, régime après régime, est très bien structuré et solidement ancré dans notre culture administrative et de gouvernance. Il tient, par ailleurs, sa force et sa vitalité de son mode d’adhésion à travers des critères rigoureuses de sélections. En effet, les acteurs de notre administration, se dérobent à leurs devoirs et obligations pour s’adonner à cœur joie à la jouissance de ses privilèges. Ainsi, de nos jours, l’administration est convoitée par tous, non pas pour son rôle et son utilité prépondérante dans la vie et le devenir de la nation, mais pour la garantie du salaire mensuel et, pour s’en servir à ses propres desseins. Le résultat nous le subissons tous, y compris les acteurs de cette même administration.

Une solution inédite

Les traitements préconisés, jusque-là n’ont pas pu anéantir ce mal, envahissant comme un cancer et tenace comme une mauvaise herbe, qui emporte notre pays vers sa perte. Le Mali va de mal en pire.

Préoccupé par l’impact de ce mal sur le développement et l’épanouissement de l’Homme dans notre pays, l’Église catholique, au 48ième pèlerinage à Kita, a initié une solution inédite, en implorant dans une prière fervente et confiante l’intercession de Notre Dame du Mali pour l’avènement d’un Mali nouveau, “le Mali Kuraw”, qui était d’ailleurs le thème de ce pèlerinage.

Coïncidence étonnante, à quelques mois du 49 ième pèlerinage, cette problématique du “Mali kuraw”, oubliée presque par les pèlerins de 2019 à Kita, ressurgit au cœur d’une crise socio-politico-institutionnelle singulière, par son contexte, son déroulement, par l’attente et l’attention de la population. Une crise, unanimement saluée par une majorité populaire et, porteuse d’une grande espérance pour un Mali renouvelé.

Fait de Dieu ou événement fortuit

Beaucoup de fidèles, toutes confessions monothéistes confondues, voient en cette crise institutionnelle inédite de notre pays une main tendue de la Miséricorde Divine pour amorcer l’avènement de ce “Mali Kuraw”.

Que cela soit le cas ou pas, n’attendons pas que le ” Mali kuraw” nous tombe du ciel comme un cadeau providentiel. N’attendons pas, non plus qu’il se réalise par des forces occultes ou par un exceptionnel sacrifice satanique.

Au regard de l’étonnante coïncidence notée plus haut, nous pensons que cette crise nous apporte un message déterminant pour l’avenir de notre nation. Sans jouer au devin ou à l’apprenti sorcier, nous notons le message suivant : “Sur le territoire dénommé Mali, Dieu le Tout Puissant, le Tout Miséricordieux, nous a réuni sans notre consentement ou à notre demande. En réponse aujourd’hui, à nos multiples supplications, venant du fond de nos cœurs, pour sauver notre chère patrie, l’Eternel nous inviterait à nous engager volontairement et activement dans l’avènement de ce ” Mali Kuraw”. En d’autres termes, l’Éternel a fait de nous des Maliens sans demander notre avis ou consentement, mais en réponses à nos prières ferventes, Il ne veut pas faire du Mali, une terre de paix, de fraternité, de savoir-faire et de culture sans la participation active des Maliens, les fils et filles de ce pays. Il semble que l’Eternel ne souhaite pas nous sauver par miracle, mais à travers notre engagement, participation et implication active dans l’édification de notre nation.

Ici, nous pouvons faire mémoire de l’histoire du peuple élu dans son exode de la terre d’esclavage d’Égypte à la terre promise de Canaan. Israël élus et héritier sans son consentement de cette terre, de miel et de lait, par un décret irrévocable de l’Éternel, n’y est parvenu qu’au prix de son engagement, participation, implication active à ce merveilleux projet et, à son obéissance totale et sans partage à l’Éternel. En effet, Sorti d’Égypte par des prodiges sans précédents, il n’en coutait rien à l’Eternel, si toute fois Il en voulait ainsi, de l’introduire à travers les mêmes prodiges dans cette terre promise.

Les exigences de cette crise.

Main Divine ou concours de circonstances, cette nième crise que traverse notre pays ne portera les fruits escomptés qu’à travers certaines exigences dont nous notons entre autre :

Notre faculté et capacité de discerner aussi bien qu’individuellement que collectivement.

En soixante années d’indépendance, notre pays a subi quatre crises politico-socio-institutionnelles majeures de même type ; interruption forcée de la légitimité d’un régime en cours par des militaires. Deux de ces interruptions sont survenues après un exercice de plus de vingt ans et, les deux autres dans moins de dix ans. Trois régimes civils en ont été victimes, contre un régime à caractère militaro-civil ou militaire d’inspiration civile. Toutes ces déstabilisations ont été opérées par des officiers, dont l’âge moyen de deux mentors était moins de quarante années et celui des deux autres de moins de cinquante. Un fait marquant et caractéristique de toutes ces déstabilisations, les acteurs de ces différents coups de force n’avaient pas, au préalable de leurs forfaits, une vision et un programme de gouvernance prédéfinis. Ils ont tous récupéré le pouvoir dans le tas à travers des circonstances favorables et, par la suite l’ont géré au coup par coup, au grès des évènements. Enfin notre pays en soixante années indépendance a expérimenté quatre types de régimes tous interrompus jusque là par des éléments de l’armée nationale.

Le résultat se passe de tout commentaire. D’une nation debout, accédant fièrement à sa souveraineté nationale et internationale, avec l’espoir d’un avenir meilleur, le Mali de 2020 est une nation en déliquescence, aux abois, livrée à ses fils et filles, qui s’adonnent à cœur joyeux à toutes sortes de maux et vices déshonorants voire détruisant notre nature et notre dignité Humaine. Ce petit survol du passé de notre pays nous semblait nécessaire, afin d’attirer l’attention des uns et des autres sur l’impérieuse nécessité du discernement individuel et collectif dans l’avènement du “Mali kuraw”, particulièrement les Forces civiles et militaires sur l’utilité de telle crise dans le développement sociale, politique, économique et culturelle de notre pays.

Le respect de la vie, la personne humaine, de nos valeurs religieuses et socioculturelles.

L’Univers, bien que ne créant pas la vie, la porte et l’entretien de toute sa générosité. Le respect de cette vie ne doit pas se limiter à l’acceptation de sa diversité, mais à œuvrer et favoriser son développement et épanouissement dans le respect de sa vocation Divine. Il est très urgent voire vitale que nous prenons conscience que toutes formes de vie de notre Univers, qu’elles nous soient favorables, rentables ou non, s’avèrent nécessaire et indispensable pour son équilibre. Ce respect doit aussi s’étendre et inclure les relations et corrélations existantes entre chaque individu et son milieu et entre les différentes entités.

Notre constitution de 1992, en son article 1er consacre la sacralité de la personne humaine en ces termes, “La personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à l’intégrité de sa personne.”

Le drame de notre nation, ces vingt dernières années n’a-t-elle pas été sa source dans le traitement sociopolitique et culturelle du Malien? Est-il exagéré de s’interroger aujourd’hui, si toutefois le Mali existe pour le peuple malien dans sa totalité ou pour le personnel chargé de la gestion de son administration civile et militaire ? Soit 1 % environs de la population.

Le Malien dans son pays est il traité comme une personne ou un sujet ?

Sommes-nous vraiment dans une République, royauté ou une oligarchie ?

Si la personne du Malien est ainsi martyrisée, que dire donc de la situation de notre environnement. Nos :

-villages et villes envahies par des déchets n’offrent de l’hospitalité qu’aux rats, souris, cafards, reptiles et autres bestioles,

-routes sont devenus des labyrinthes d’embuscades meurtrières.

-forêts sont sauvagement massacrées pour quelques sacs de charbons, bouts de bois de cuissons.

-terres de culture sont décimées par des herbicides, insecticides, engrais et autres semences OGM,

-fleuves et marigots qui ne charrient que de la pourriture, la teinture, mercure, huiles de moteur et autres déjections chimiques de nos usines,

La pluie nourricière ne tombe plus d’elle même sans être nourrie par des avions.

Enfin, les réalités socioculturelles de notre nation en cette année 2020 ne sont elle pas en totale contradiction avec les principes cardinaux de notre loi fondamentale?

Notre Foi et notre Espérance en Dieu Éternel, Tout Puissant, Tout Miséricordieux, Tout Clément. Terre de rencontre et de brassage notre pays, dans le concert des nations, est reconnue et respectée pour sa conviction religieuse millénaire, la richesse, la diversité, l’originalité de sa culture et de son savoir faire séculaire.

De nos jours, le nombre de nos lieux de cultes toutes confessions (chrétiennes, musulmanes et traditionnelles) comprises dépassent numériquement le nombre de nos entreprises publiques et privées rassemblées. Le très Saint nom de l’Éternel est évoqué dans toutes les circonstances. Par contre ces lois et commandements révélés sont loin d’être respectés et appliqués. Aussi, cherche-t-on à justifier toutes sortes de maux, vices et infractions par la volonté Divine et, obtenir par conséquent l’acquittement souhaité sans réparation.

“Dieu est Puissant et Bon sans doute, mais le pouvoir satanique est facilement accessible et immédiatement profitable-t-elle semble être aujourd’hui la devise de bon nombre d’entre nous”. Ainsi on se fait valoir à l’église et à la mosquée en digne fidèle et, on agit et opère à travers les règles et moyens sataniques. N’est-il pas temps que ceux qui partagent la Foi en Dieu unique se valorisent en se démarquant clairement de ceux qui vacillent entre différents sacerdoces ?

Dans la marche d’une nation de Foi en la Toute Puissance de son créateur, Allahou soubahana Wa -Tah – A-la, la crise est comme une escale forcée dans la marche d’une telle nation afin qu’elle puisse reprendre ses esprits, faire le point, s’approvisionner si nécessaire et, discerner la présence sensible de la Miséricorde Divine dans sa marche et se laisser conduire par la suite par cette même Miséricorde Divine.

Dans un tel contexte, la crise est vécue comme un haut moment de piété, de sincère repentance, de fervente communion des esprits et des cœurs, des fils et des filles du pays. Un temps de reconnaissance, et d’espérance du peuple envers son Dieu et son Créateur. Alors de la crise jaillira la patience, l’obéissance, la confiance et surtout une grande joie dans l’attente de jours meilleurs.

Les constances de nos régimes.

L’analyse de la gouvernance de notre pays de 1960 à nos jours fait ressortir que, mis à part les dirigeants de la première République, les acteurs des autres régimes ont fondamentalement manqué à la fois de vision, programmes et, de principe de gouvernance préalablement définis avant leurs accessions au pouvoir. Au regard de l’historique de l’accession de notre pays à l’indépendance, éclatement de la fédération du Mali suite à une crise politico-sociale, on constate que les pères de l’indépendance ne disposaient pas eux aussi de vision, programme et principe de gouvernance prédéfinis. Mais leurs capacités et qualités d’homme d’État leurs permis de très vite corriger cette situation. Nous devons, aujourd’hui encore à ce régime les fondamentaux de notre développement socioéconomique et politique. Ce régime à notre avis, doit sa chute à son principe de gouvernance qui n’a pas su ou pu s’adapter à l’évolution du contexte sociopolitique.

Tous les régimes qui l’ont succédé y compris la démocratie de 1992 et ses variantes ont en commun des acteurs qui ont appris la gérance de l’État dans le tas au gré des évènements et des circonstances.

Après cinq ans de régime d’exception, et cinq ans de forme républicaine, ceux qui restaient des acteurs de 1968 se sont lancés dans l’aventure politique à travers l’instauration ou institution de l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM). Avec la création de ce parti unique se voulant démocratique, la gestion de l’État qui avait remplacé sa gouvernance depuis novembre 1968 devint promotion et gestion du parti, parfois au détriment même de l’intérêt général de la nation.

Le régime républicain de 1992, d’option démocratique, avec sa variantes de 2012, poursuivi la même philosophie avec la particularité que le paysage politique n’était plus constitué d’un seul parti mais de plusieurs, ce qui compliqua la situation, car chaque parti, à travers ou au détriment de l’État, cherchait à faire sa promotion. Ainsi à son paroxysme, ce régime républicain substitua la gestion de la famille ou du clan à celle du parti et de l’État.

Parmi nos démocrates, à partir de 1992, nous décernons la couronne de mérite au président Amadou Touré qui, en plus de la promotion et gestion de son mouvement, a apporté une réponse à certains problèmes socioéconomique majeurs, notamment :

-la mobilité intra et extra urbaine à travers son programme d’extension et de réhabilitation du réseau routier,

-l’accès au logement descend à travers le programme de logements sociaux et,

-l’amélioration de l’accès aux soins de santé à travers l’assurance maladie obligatoire.

Réforme ou Rupture.

Selon un dicton populaire, jamais un sans deux, deux sans trois, trois sans, quatre, ou donc s’arrêtera le cycle infernal de remise en cause des institutions de notre pays ?

Au cœur de la crise que traverse notre pays se trouve le manque de vision, de programme et de principe de gouvernance préalablement définis, par nos dirigeants. L’apprentissage dans le tas et au coup par coup, au gré des évènements et des circonstances a fondamentalement perverti, le concept et la finalité de la politique. Ainsi la politique ;

“l’art de rendre possible ce qui est nécessaire” selon un député français de 1954 suite à l’appel de l’abbé Pierre,
“stratégie de gestion de la cité”, selon tonton Amadou Djicoroni de l’US-RDA ou,
“La forme supérieure de la charité”, selon sa sainteté le Pape François.
La politique est ramenée dans notre société africaine malienne à l’hypocrisie, le mensonge, la trahison, l’opportunisme, le népotisme, en un mot à l’incarnation de tout ce que la nature humaine a de perverse et d’ignoble.

Le 18 août 2020 fût un mardi, le 22 mars 2012 était un jeudi, par contre le 26 mars 1991 était un mardi, le même mardi que le19 novembre 1968. Le 18 août fût avec son lot de joie, de douleur, de rêve brisé et d’espoir. Deux mois après, nous constatons que l’habitude tenace et vivace reprend progressivement ses droits ? Les mêmes méthodes, solutions et options sont mises en place pour amorcer un prétendu changement, mais avec la certitude de sauver le système en place, et renouveler par ce fait ses acteurs. Ainsi sans tambour, ni bruit, l’existant se reforme pour se faire valoir pour un avenir meilleur.

Au fond, cette crise du 18 août, n’est-elle pas l’expression de notre peur de changer pour que vive et prospère le “Mali kuraw” ? Cette Terre des Hommes de Foi, de Paix, de justice, de culture et de savoir-faire.

Le Changement comme la crise fait certes toujours peur, mais en son cœur ne se trouve-t-il pas la main Divine à saisir ?

L’avènement de notre “Mali kuraw” tant espéré et souhaité adviendra-t-il à la suite d’une crise politico institutionnelle ? Nous n’y pensons pas.

Par contre nous, fils et filles de ce Mali, devrions bâtir ce “Mali kuraw” debout sur le rempart, à la sueur de nos fronts et, cela à la condition que nous soyons capable de :

discerner,
se repentir et,
mettre toute notre confiance et espérance en Dieu Souverain, Miséricordieux et Clément!


Diallo Sébastien
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