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À cause de l’impact de la Covid-19 sur les envois de fonds de la diaspora africaine : «L’activité économique en Afrique subsaharienne connaît son plus bas niveau jamais connu»
Publié le mardi 10 novembre 2020  |  le Temoin
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La pandémie du siècle frappe le monde de plein fouet. Selon l’économiste et analyste financier, Dr. Modibo Mao Makalou, les pays africains au sud du Sahara pourraient connaître le niveau le plus bas de leurs activités économiques. Cela, à cause des envois de la diaspora. Lisez plutôt !
«Personne ne sait combien de temps cela va durer.» «Nous ne pensons pas avoir la réponse à toutes les questions.» «L’ampleur et la persistance des effets» du coronavirus demeurent «très incertaines», a notamment déclaré Jerome Powell, le Président de la Banque Centrale des États-Unis d’Amérique (Federal Reserve Bank). En effet, le nouveau Coronavirus, Covid-19, est en train d’avoir un impact négatif sur l’économie mondiale et pourrait, selon les estimations du Fonds Monétaire International (FMI), engendrer des pertes supérieures à 12 000 milliards $ en 2020 et 2021, soit l’équivalent du Produit Intérieur Brut (PIB) de la Chine, la deuxième plus importante économie au Monde (FMI, octobre 2020). De plus, une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent menace les vies et les moyens de subsistance, rendant la réalisation des Objectifs de Développement Durables (ODD) encore plus difficile selon le Secrétaire Général des Nations-Unies, Antonio Guterres.

Selon les projections du Fonds Monétaire Internationale (FMI, octobre 2020), l’activité économique en Afrique au sud du Sahara en 2020 devrait subir une contraction de 3%, son plus bas niveau jamais observé. Cela représente une diminution du revenu réel par habitant de 5,3 % et ramène ainsi le revenu par habitant à sa proportion de 2013. Les pays d’Afrique au sud du Sahara subiront de plein fouet la plus grande récession économique depuis environ 25 ans selon l’étude de conjoncture économique de la Banque Mondiale (African Pulse, 2020), avec la baisse importante des
volumes de transferts unilatéraux et des investissements directs étrangers (IDE) en 2020.
Les envois de fonds ont connu un essor remarquable ces quarante dernières années et apporté un appui financier à d’innombrables familles dans le monde entier. Selon la Banque Mondiale, les envois de fonds en Afrique ont atteint 85 milliards $ (44 8800 milliards FCFA, 1$=560 FCFA) en 2019. Toutefois, la baisse de la croissance économique dans tous les pays du monde, suite à la pandémie de la Covid-19, pourrait faire baisser d’environ 21% soit 18 milliards $ (10 080 milliards FCFA) pour atteindre 67 milliards FCFA (37 520 milliards FCFA) selon la Commission Economique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA).
Les transferts des migrants constituent une source cruciale de revenus pour certains pays africains. Selon le Directeur du Groupe des indicateurs mondiaux de la Banque mondiale : « Les envois de fonds des migrants constituent une source importante et relativement stable de revenus pour des millions de familles, mais aussi de réserves de change pour de nombreux pays en développement. Si le montant de ces transferts continue de baisser, surtout de façon aussi spectaculaireo que dans les pays d’Asie centrale, des familles pauvres du monde entier seront confrontées à des problèmes graves de malnutrition et d’accès aux services de santé et à l’éducation».
La diaspora africaine est actuellement composée d’environ 50 millions d’adultes. Elle expédie des ressources financières considérables par an aux familles et aux communautés locales dans les pays d’origine. Les transferts des migrants constituent une source importante et stable de financement pour le développement de l’Afrique. Ces envois de fonds des migrants constituent pour les pays africains en grande partie une source de financement extérieur d’une importance considérable comparable aux investissements directs étrangers et l’aide publique au développement. Selon certaines études de la Banque Mondiale et de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE), les transferts des migrants constituent la deuxième source de capitaux étrangers vers l’Afrique au Sud du Sahara derrière l’investissement étranger direct (IDE) et devant l’aide publique au développement (APD).
En effet, non seulement, les montants en jeu sont très importants en termes absolus et relatifs, mais les migrants sont en réalité des véritables « acteurs du développement » à travers le financement de projets individuels et collectifs grâce à leurs envois de fonds réguliers. Les transferts effectués de manière informelle vers l’Afrique, correspondraient à un chiffre supérieur ou égal aux transferts officiels. Ces importantes sommes d’argent acheminées par des canaux informels ne sont pas comptabilisables au niveau des comptes nationaux macroéconomiques; il devient par conséquent d’estimer leurs valeurs réelles.
Au Mali, pays enclavé, à faible revenu et à vocation agro-pastorale, la diaspora est plus concentrée et la migration reste majoritairement d’origine rurale. Les systèmes de transferts informels y sont donc à priori très développés et bien organisés. Ce marché est qualifié par les banques commerciales à tort de faiblement rentable. Les Nations-Unies estimaient les transferts de la diaspora vers le Mali à environ 900 millions $ (540 milliards FCFA) par an en 2013. La Banque Mondiale dans une étude sur les migrations et le développement estimait que le Mali occupait la dixième place en Afrique dans le montant des transferts de la diaspora en Afrique en 2017 avec environ 538 milliards. Quant à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), elle estimait les transferts unilatéraux au Mali à 565 milliards FCFA en 2018.
Enfin, il est important de rappeler l’imprécision de ces chiffres (officiels ou informels). Nombreux sont en effet les pays africains qui ne disposent pas d’agences et/ou d’instruments statistiques adaptés pour évaluer avec précision ces transferts d’argent de façon régulière et/ou rigoureuse. Selon l’interprétation du Fonds monétaire international (FMI), les transferts de fonds sont comptabilisés dans trois parties différentes de la balance des paiements, ce qui ne facilite pas non plus la comparabilité des flux financiers entre pays au niveau de la balance des paiements.
Diverses études indiquent que les transferts de fonds des migrants prennent une importance croissante dans les économies des pays à forte migration et font ressortir l’importance sociale, économique et financière des transferts de migrants dans les pays récipiendaires. Cependant, malgré leur poids, les flux financiers générés en direction des pays africains demeurent mal connus et surtout mal exploités par la plupart des pays récipiendaires. Leur volume représente entre 9 et 24 % du PIB des pays étudiés. Les pays à forte migration comme le Mali pourraient profiter de cette opportunité pour utiliser les transferts des migrants comme catalyseur du développement de leur secteur financier, mais aussi de l’investissement, de la croissance et de l’emploi.

Bamako, le 8 novembre 2020
Modibo Mao MAKALOU

MBA /Gestionnaire Financier et Economiste

Ancien Sherpa de la Commission de l’Union Africaine et du NEPAD

Ancien membre du Groupe de Travail sur l’Efficacité de l’Aide de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE)

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