«Je ne suis pas la voix autorisée pour répondre aux questions relatives aux bâtiments administratifs vendus, car cela relève du domaine de la direction générale de l’administration des biens de l’état (DGABE). Il est bien vrai que le ministre chargé du patrimoine de l’état à l’époque avait consenti un mandat à l’ACI, pour aménager et vendre certains immeubles de l’état», confie le directeur national des domaines de l’état, Ibrahim Simpara, qui estime que la DGABE qui a vocation à mettre à la reforme les biens matériels de l’état, aurait dû être impliquée afin de constituer une base de données. à la DGABE, on est formel : «Nous n’avons été informés de rien au sujet de la vente des bâtiments administratifs».
L’on se rappelle qu’en 2014, la directrice générale de l’administration des biens de l’état avait, par lettre confidentielle n° 00009/MDEAFP-DGABE du 23/12/2014, saisi son homologue des domaines et du cadastre, afin que cette dernière lui communique la liste des bâtiments administratifs hypothéqués au profit de la construction de la Cité administrative. Pour, disait-elle, «me permettre de satisfaire à la requête du président de la Commission des finances, de l’économie, du plan et de la promotion du secteur privé de l’Assemblée nationale formulée lors de la séance d’écoute du 20 décembre 2014».
Requête à laquelle la directrice des domaines et du cadastre a répondu le 24 décembre. Sur la liste communiquée à cet effet, figurent plusieurs immeubles (des ministères en majorité). La valeur estimative totale de ces immeubles a été évaluée à 21,434 milliards de Fcfa «suivant rapport d’expertise en date du 6 décembre 2002». Existe-il un lien entre cette requête et la vente d’immeubles de l’état ? Mystère. Mais ce chiffre n’est pas loin des 20 milliards de Fcfa annoncés par le ministre des Domaines et des Affaires foncières, intervenant lors de son interpellation par les parlementaires en octobre 2019.
Des sources estiment à une vingtaine le nombre de biens fonciers (immeubles et parcelles non bâties) de l’état vendu de 2013 à nos jours. Selon le ministre intervenant devant l’Assemblée nationale, l’état a mis à la disposition de l’ACI un lot de 28 bâtiments sur lesquels 23 ont déjà été vendus. Les recettes issues de ces cessions des immeubles s’élèvent à 20,621 milliards de Fcfa. Les immeubles vendus ont été expertisés et toutes les opérations ont été soldées, précisait le ministre, ajoutant que l’état n’a pas mis en vente les parcelles.
Au cours des débats à l’hémicycle, le député Zoumana N’tji Doumbia, a déploré des manquements dans la procédure de cession et dénoncé «l’absence de répertoire clair et précis par rapport aux immeubles de l’état». Il a soutenu qu’il y a eu «des ventes de gré-à-gré», «des expertises douteuses» et même du «bradage». «Dans la mesure où la procédure n’a pas été respectée, il reste à déduire que les montants de ces cessions sont erronés et que ces immeubles ont été bradés», insistait l’élu à Bougouni. Pour lui, il serait difficile de dire exactement combien d’immeubles administratifs ont été vendus.
En ce qui concerne les immeubles cédés par l’ACI, la responsabilité entière incombe à cette structure et à l’état, estime Me Zoumana N’Tji Doumbia. «J’ai dit au ministre que si l’état savait que l’ACI avait outrepassé ses compétences, le gouvernement ne devrait pas accepter les produits issus de la vente de ces bâtiments. L’état a cautionné cette vente illégale donc, sa responsabilité ne fait l’ombre d’aucun doute», souligne notre interlocuteur.
Concernant le mandat de l’ACI, relève-t-il, il était question de reloger les services qui allaient être touchés par l’opération d’embellissement de la ville. Il s’agissait, selon l’ex-député de Bougouni, de réaménager ces immeubles pour donner plus de beauté à la capitale. En la matière, ces bâtiments devraient être mis en bail.
Le mandat a été détourné, accusait Me Zoumana N’Tji Doumbia à l’hémicycle. Même si la procédure devrait aboutir à une cession, il fallait d’abord reloger les services touchés, réaménager ces immeubles et les donner en bail, ajoute-t-il, en précisant que la cession devait se faire à la criée, selon le code domanial. Une vente aux enchères publiques devait être organisée pour l’égalité des chances pour tous les citoyens. «Nous savons que non seulement toutes ces étapes ont été brûlées, même la dernière étape qui n’était pas l’objectif recherché a été savamment détournée parce que ça été des ventes de gré-à-gré», déplorait-il.
Une commission d’enquête pour «atteintes graves aux biens publics» a été mise en place. Son rapport n’a toujours pas été rendu public. Wait and see.