Durant le laps de temps qu’elles auront à passer dans les familles employeuses, ces petites mains ressortent imbibées de connaissances.
Le travail d’aide ménagère est sans équivoque une période de formation pour ces filles rurales venues en ville pour gagner de l’argent. Chacune d’elle retourne au bercail après avoir acquis des connaissances importantes notamment en matière de cuisine, d’hygiène et de développement personnel que leur milieu d’origine ne peut les offrir. D’autres, grâce à des organisations d’accompagnement, sont encore mieux outillées dans l’exécution de leur métier.
C’est à Sénou, dans une concession située non loin du marché « lôgôkan » que Mariam Soumaoro a déniché le boulot d’aide ménagère. Elle se réjouit d’avoir acquis en moins d’un an une connaissance importante en matière de cuisine. « Je peux préparer plusieurs sauces, à savoir la sauce d’arachide, la soupe et le « sagasaga » (sauce à base de feuilles). Je ne sais pas encore faire le « fagoye », une sauce, originaire des régions de Gao et de Tombouctou », dit-elle avec un large sourire. Et d’ajouter qu’elle peut être fière d’avoir appris les travaux ménagers surtout la lessive.
Assan Sanogo, aide-ménagère, ressortissante de Kôrô : « Ma profession m’a permis d’être davantage propre dans l’exécution de mes tâches ménagères, de découvrir plusieurs recettes pour la cuisine et d’améliorer mon comportement », raconte-t-elle avant d’indiquer que dans sa localité, les belles-sœurs s’occupent des travaux ménagers tandis que les sœurs de leurs époux restent inoccupées. Assa Sanogo se rappelle qu’à son arrivée à Bamako, elle n’avait aucune notion de la cuisine ni de la lessive. Elle adresse sa gratitude à sa première patronne à Faladié Sema. « Depuis que j’ai commencé à travailler chez cette dame, elle m’a appris beaucoup de choses. Maintenant, ça me fait 3 ans à Bamako et je sais faire énormément d’activités domestiques. Un savoir-faire, se réjouit-elle, qui l’aidera suffisamment dans son futur foyer conjugal.
Au-delà de la reconstitution des trousseaux de mariage, les aides ménagères contribuent beaucoup dans la satisfaction des besoins familiaux de leurs parents. « Nous contribuons au payement des dots pour nos frères ainés. Nous achetons pour nos parents des petits ruminants notamment les volailles, chèvres, moutons y compris des engrais et herbicides pendant l’hivernage », indiqueMaïny Keita, une aide-ménagère en compagnie de ses camarades. L’une d’entre elles ajoute qu’elle contribue également à hausser le taux de scolarisation dans leur village à travers l’inscription de leurs frères et sœurs à l’école. Pour elle, une étroite collaboration avec les employeurs est nécessaire pour qu’elles reçoivent une bonne formation et soient des futures mères capables de transmettre une éducation solide et moderne à leurs enfants.
La jeune fille invite ses collègues à être respectueuses et courtoises. Pour tirer les avantages de leur métier, Maïni Kéïta les conseille à être embauchée soit par une personne référente, grande logeuse ou par une agence de placement ou d’orientation. Il est important, poursuit-elle, de ne pas oublier ses objectifs qui consistent à travailler dans le but d’aider les parents.
Mme Diarra Rokia Bagayoko, institutrice dans une école privée à Niamanan, apprennent à son aide ménagère les bonnes pratiques en termes de cuisine et d’hygiène. « Elle prépare le riz et s’occupe des petites tâches de traitement des condiments. J’insiste à ce qu’elle garde ses vêtements propres. Chaque fois qu’elle sort des toilettes, je lui conseille de se laver proprement les mains », explique Mme Diarra. Selon elle, les aides ménagères qui sont à leur première arrivée à Bamako font montre de très peu d’hygiène. « Avec mon mari, on se charge de les habituer à accomplir les prières quotidiennes de l’islam », poursuit l’institutrice.
Antoine Akplogan, président de la Coalition malienne des droits de l’enfant (Comade), égrène un chapelet d’avantages dont les aides ménagères ont accès. Il cite l’éveil de consciences, l’apprentissage des langues locales et le français. S’y , selon lui, l’acquisition des règles d’hygiène, de leurs droits et devoirs. M. Akplogan explique que certaines aides ménagères font preuve de professionnalisme dans leur métier grâce aux expériences acquises, et cela sans avoir vu le chemin de l’école. Grâce au travail d’aide ménagère, signale-t-il, les ajoutefilles rurales bénéficient d’un changement de comportement dans l’habitat. Ils apprennent, explicite-il, à arranger la maison, diversifier les repas et utiliser la nouvelle technologie.
Selon le président de la Comade, ces compétences acquises font de celles-ci des actrices du leadership en milieu locale et des futures dirigeantes de groupements de femmes. À l’endroit des employeurs, Antoine Akplogan, dira qu’ils doivent former ou aider à former les jeunes filles aide-ménagères dans le travail domestique. Il défend que le recrutement des aides ménagères de moins de 15 ans doive être banni dans nos familles. Le défenseur des droits des enfants conseille d’embaucher les filles auprès des associations reconnues et formés dans le travail des enfants.
Selon lui, une campagne d’information et de sensibilisation sur les opportunités du travail d’aide-ménagère doit être menée à l’endroit des filles travailleuses domestiques. Celles-ci, souligne-t-il, doivent chercher à se former et s’initier au travail domestique avant tout engagement à l’emploi.