Semble-t-il que l’Accord d’Alger entre Bamako et les groupe armés a créé plus de problèmes qu’il n’en a réglés. Pour Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, « il est urgent de réviser le compromis signé en 2015 ».
Les nouvelles autorités de la transition seront à l’épreuve de l’application de l’accord d’Alger signé avec les groupes armés, a signalé Africa Intellegence ce 13 novembre 2020. « Le 16 novembre se tiendra à Bamako la première réunion du comité de suivi de l’accord de paix d’Alger depuis le putsch du 18 août, sous le regard attentif de l’ONU et de l’Union européenne » selon la même source.
Sous le président de la transition Bah N’Daw, son premier ministre Moctar Ouane et son gouvernement qu’il se tiendra donc le 16 novembre prochain, la toute première réunion du comité de suivi de l’Accort d’Alger depuis le coup d’Etat militaire qui a conduit à la démission de l’ancien chef de l’Etat malien Ibrahim Boubacar Keita, en présence de l’organisation des nations unies et de l’Union européenne.
Nous notons que, depuis plus de sept ans, l’armée française combat au Mali des bandes djihadistes qui contrôlaient le nord du pays en 2012. Et voici cinq ans qu’un accord issu d’une négociation à Alger avec une partie des groupes armés est censé ramener la sécurité dans la région avec l’appui de trois forces : les 12 000 casques bleus des Nations unies, les 5 100 hommes de la force offensive française « Barkhane », et la Force conjointe du G5 Sahel d’environ 5 000 soldats africains. Cependant, la situation n’a cessé d’empirer, l’insécurité s’étant même étendue à de nouveaux territoires. Il y a de quoi s’interroger sur les remèdes apportés.
Pourquoi l’accord de 2015, toujours en cours d’application, n’a-t-il pas ramené « la paix et la réconciliation au Mali », comme le promettait son intitulé ? Est-ce le résultat d’une inadéquation profonde entre les méthodes militaires et l’aide apportée ? La gouvernance locale est-elle en cause ? Ou est-ce l’accord lui-même qui pose problème ?
Selon Lemonde, l’idée reçue est qu’une application plus volontariste, par Bamako, du compromis signé en 2015 améliorerait grandement la situation. C’est même devenu une idée fixe de la diplomatie française et onusienne, d’autant que sa mise en œuvre accuse de nombreux retards. Pourtant, il devient de plus en plus évident, comme nous allons le préciser, que l’accord crée plus de problèmes qu’il n’en a réglés.
« Syndicalisme de la kalachnikov »
Pour commencer, le texte prévoit que les groupes armés signataires, placés au même niveau que le gouvernement, bénéficient d’une impunité totale, malgré leur rebellion et les exactions commises. Cette disposition a encouragé les autres factions touareg restées loyales à l’Etat malien et les communautés non touareg à se venger, en se faisant justice elles-mêmes, a mentionné Lemonde.
L’impunité s’est également doublée d’avantages divers, et notamment la nomination à des postes de dirigeants et à des promesses d’intégration dans la fonction publique. Ce « syndicalisme de la kalachnikov » a fait des jaloux. Peuls et Songhaï, majoritaires, ont compris qu’ils avaient tout intérêt à prendre les armes pour obtenir des gratifications dans une région de chômage de masse.
Mais un autre facteur a considérablement alimenté l’insécurité : le désarmement différé des groupes signataires. Prévu comme l’aboutissement final d’un interminable marchandage, il a favorisé l’apparition, au nom de l’autodéfense, de nombreuses milices tribales ou ethniques, en plus des milices touareg. Certaines se sont rapprochées des djihadistes pour se procurer des armes, d’autres simplement pour se protéger et parce que des raisons de solidarité communautaire pèsent plus que la distinction occidentale « laïcs-djihadistes ».
Il serait bienveillant voire urgent de réviser l’accord signé en 2015 en redonnant la primauté à l’Etat, en associant les diverses composantes de la nation malienne, sans pression extérieure d’acteurs bien intentionnés mais ignorant la complexité locale.