Faute de contestation du scrutin du 11 août dernier, il n’y aura pas de bataille post-électorale, dont les germes ont été tués dans l’œuf par le candidat Soumaïla Cissé, en faisant le pas de la paix chez son ainé IBK. Les adversaires politiques jurés, par le truchement de leurs partis, le RPM, l’URD et leurs alliés, depuis Bamako jusqu’aux tréfonds du Mali, sont subitement devenus des frères maliens tout court. Depuis, le Président IBK, en attendant la pure ‘’validation formelle’’ de la cour constitutionnelle, boit son petit lait. Sa recréation sera de courte durée, car les priorités sont nombreuses et urgentes. Il faut rapidement se remettre au travail et remettre le pays au travail après une longue période de crise politico-sécuritaire au cours de laquelle, l’auto-conservation a souvent pris le dessus.
Le Président élu doit asseoir un pouvoir démocratique, à l’écoute de tous les Maliens. Une vraie démocratie suppose une majorité et une opposition, et le président IBK qui a certes accompagné le pouvoir ATT en prenant part à la politique consensuelle de celui-ci, a tout de même goûté à la sève de l’opposition, qui lui a valu un amaigrissement comme peau de chagrin, de la représentation de son parti le RPM à l’Assemblée nationale.
Seul député de son parti à être réélu en 2007, c’est au bout d’une bataille de titan que l’ancien président de l’institution parlementaire obtint son ticket d’un deuxième mandat comme élu du peuple. Aujourd’hui la nécessaire réconciliation nationale ne doit nullement empêcher l’exigeante coexistence entre une majorité et une opposition, la première devant librement exercer en reconnaissant à la seconde tous ses droits de critique et de manifestation dans le respect de l’ordre public.
Les Maliens s’interrogent cependant sur la capacité de la classe politique malienne à se prêter durablement au jeu démocratique de l’alternance. De crainte de se retrouver dans l’opposition, l’opportunisme politique et la quête de prébendes ont le plus souvent prévalu sur un engagement résolu dans l’opposition. L’exemple le plus récent est la défection entre les deux tours de l’élection présidentielle, de la plupart des candidats au premier tour qui ont afflué vers le candidat présagé gagnant, alors qu’ils étaient pour certains d’entre eux dans des alliances les engageant à soutenir l’autre candidat.
Des observateurs ont parlé de ‘’vautours politiques’’, qui ne devraient pas d’ailleurs embarrasser IBK outre mesure, d’autant plus que sa victoire se dessinait même sans eux. Toutefois se doute-t-on de la capacité d’IBK de s’accommoder d’une opposition réelle, à mesure de l’empêcher de tourner en rond. L’homme est jugé enclin à l’autoritarisme, au-delà de la nécessaire instauration de l’autorité de l’Etat. Le nouveau président IBK est impatiemment attendu sur sa lucidité à concilier l’autorité de l’Etat et le respect des libertés et droits individuels et collectives des Maliens.
Etat laïc et unitaire
Alors que les signataires de l’accord préliminaire pour l’élection présidentielle et les pourparlers inclusifs de paix, signé à Ouagadougou le 18 juin dernier l’attendent dans soixante jours (au lieu de six mois comme précédemment écrit par erreur) après son investiture, pour trouver une solution définitive à la crise cyclique du nord, IBK est le président élu qui devra pour être crédible, rapidement instaurer la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire malien. Notamment par le redéploiement des services techniques de l’administration, et l’armée malienne dans toutes les régions du nord, particulièrement à Kidal. IBK est fortement soupçonné d’être un tisserand ‘’dealer’’, du fait du soutien du Mnla qu’il a bénéficié à l’élection présidentielle. Accordera-t-il l’autonomie à la région de Kidal, pour laisser s’envoler une bonne partie de l’estime que le peuple malien lui voue à travers son élection ? L’armée malienne qui a soutenu l’accord préliminaire de Ouaga et qui est restée derrière le pouvoir civil pour son application comprendra difficilement une autre évolution de ce dossier du nord au détriment de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale.
Un seul Capitaine dans le bateau Mali
Le défi de construire une armée républicaine soumise au pouvoir civil, et concentrer sur son rôle de défense du territoire et de protection des personnes et des biens, est également une exigence qui attend IBK. Les nominations au grade de général de certains meneurs du coup d’Etat du 22 mars 2012, notamment du Capitaine Amadou Aya Sanogo et du Colonel Moussa Sinko Coulibaly et d’autres membres de la junte qui suivront sans tapage médiatique, en prélude à leur mise à la retraite à la fin de la transition, sont des actes pour permettre à IBK de gouverner sans interférence militaire, à la différence du ‘’triumvirat’’ sous la transition.
Le nouveau président est attendu sur le chantier d’une bonne gouvernance qui ne se limitera pas aux effets d’annonce, comme on l’a vu sous tous les régimes précédents, depuis l’indépendance, de ‘’l’opération taxi’’ au ‘’bureau du vérificateur’’ en passant par la ‘’Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite et le détournement des deniers publics’’. Il s’agir pour IBK de libérer l’école de l’otage des organisations aux pratiques mafieuses en son sein, des primaires à l’Université ; d’instaurer une bonne gouvernance dans l’accès aux fonctions de l’Etat et la gestion des deniers publics. Il doit préserver la forme républicaine et laïque de l’Etat. Avec ses amitiés dans le milieu islamique, qui frise la complicité, IBK saura-t-il raison garder, et rester ferme sur les principes d’un Etat républicain qui tolère et respecte les droits de toutes les confessions religieuses, de tous les individus quelque soient leur religion ?