Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Sophie Petronin dite Mariam à propos de ses ravisseurs : « Ce n’est pas la question religieuse qui prime, mais le besoin de développement »
Publié le jeudi 19 novembre 2020  |  Le Matin
L`ex-otage
© RFI par DR
L`ex-otage française Sophie Pétronin
Comment


Fortement critiquée à son arrivée en France pour sa conversion à l’islam et pour sa volonté de retourner à Gao, Sophie Mariam Pétronin est revenue pour « Libération » (Libération du jeudi 15 octobre 2020) sur sa captivité et l’obligation de se faire à la situation pour ne pas sombrer. Et selon elle c’est sa dernière interview dans la presse car elle aspire retrouver « l’anonymat » dans ce refuge en Suisse où elle se trouve désormais auprès de sa famille qui s’est battue pour sa libération. Dans ses propos on sent une grande dame qui n’a aucune rancune contre ses ravisseurs et qui aime réellement le Mali, Gao notamment, sans complexe et surtout sans hypocrisie aucune. Nous avons ramassé les grandes lignes de cet entretien pour nos lecteurs.




Enlevée à Gao (nord du Mali) le 24 décembre 2016, l’humanitaire française Sophie Pétronin a recouvré la liberté le 8 octobre dernier avec Soumaïla Cissé et deux Italiens. Dans un entretien publié dans le quotidien français « Libération » du jeudi dernier (15 octobre 2020), elle est revenue sur sa captivité, les motivations de ses ravisseurs, les réactions par rapport à sa conversion à l’islam et surtout son amour pour le Mali, notamment Gao où elle ne retournera plus finalement dans l’immédiat.

« Dans un premier temps, j’espère retourner un jour avec mon fils à Bamako qui est sécurisée. Mais, dans la situation actuelle, il est clair que je ne peux pas m’engager à retourner tout de suite à Gao », a confié à nos confrères de « Libération » celle qui se fait désormais appeler Mariam après sa conversion à l’islam pendant sa captivité.

Visiblement, la Cité des Askia est désormais une partie de cette dame. « J’ai bien vu qu’il y a eu beaucoup d’émotion après ma libération à Gao », a-t-elle souligné. Sans compter qu’elle y a sa fille adoptive. « Elle n’avait que 14 ans à l’époque de mon enlèvement. Ce fut très dur pour elle d’être privée de sa maman. Aujourd’hui, le gouvernement français est en train de régler les derniers détails administratifs pour qu’elle vienne me retrouver. On se parle tous les jours sur Skype », a déclaré Sophie lors de l’entretien.

Et de poursuivre, « j’appartiens un peu à Gao, j’y vivais depuis tant d’années. Quand j’ai été enlevée, mon ONG sur place s’apprêtait à signer un contrat avec Echo, l’agence de développement de l’Union européenne, pour prendre en charge 25 000 enfants souffrant de malnutrition ». On comprend alors aisément pourquoi l’ex-otage du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn/GSIM-JNIM) d’Iyad Ag Ghali est « plus préoccupée par le Mali que par les querelles hexagonales ». Et curieusement, elle n’en veut pas à ses ravisseurs.

« Je sais que ça peut paraître bizarre, mais je n’ai rien à reprocher à mes ravisseurs. Même si bien sûr, j’étais clairement en captivité », a confié Sophie Pétronin à « Libération ». Mieux, elle comprend leurs motivations, leurs revendications. « Ce sont les mêmes revendications que celles des communautés nomades que je fréquente depuis près de vingt-cinq ans dans cette région. Ils sont touaregs ou bien arabes, et vivent dans des zones reculées. Ça fait des décennies qu’ils réclament le renforcement des structures sanitaires, la construction d’écoles, de puits. Aujourd’hui dans cette zone abandonnée », réagit la Française.

Transportées à dos d’âne, les femmes finissent par mourir lors de leur accouchement

« Les femmes y meurent encore en couches, après avoir été transportées à dos d’âne au dispensaire le plus proche, parfois à plus de 40 kilomètres de leur campement. Ça arrive tout le temps. A Gao, où se trouve mon ONG, j’ai dû accueillir tellement d’orphelins », indique-t-elle. Et de rappeler que « le nord du Mali a connu beaucoup de soulèvements, de rébellions. Il y a eu des accords de paix mais rien n’a changé et la colère n’a fait que s’accroître ».

Certes les « revendications ont évolué » sous l’angle religieux mais, avoue « Mariam », «je n’ai pas l’impression que la question religieuse soit réellement centrale. Evidemment, … On est de toute façon en terre d’islam. Mais, ce qui prime, c’est le besoin de développement, ne plus être délaissés ». Sinon au fond, l’humanitaire est convaincue que ces présumés jihadistes « préféreraient que la guerre cesse ».

Comment a-t-elle tenu pendant ces quatre années de captivité ? « Tu as deux solutions. Ou tu te places dans l’acceptation et tu vas moins souffrir. Ou tu résistes, et là, ma vieille, tu vas morfler », répond Sophie Pétronin. Et donc, naturellement, elle s’est mise dans l’acceptation et, reconnaît-elle, « ça a marché » !

Dans l’entretien accordé à « Libération », Mme Pétronin a évoqué de nombreux camarades de captivité, notamment la sœur Gloria, la religieuse colombienne a été enlevée le 7 février 2017 à Karangasso, au sud du pays. « J’aimerais qu’on la sorte de là. Sa santé physique est bonne. Mais, elle est insomniaque, très nerveuse. Et c’est quelqu’un qui a déjà un peu basculé. Elle est perturbée psychologiquement. Il est donc urgent de faire tout ce qui est possible pour la libérer », s’est-elle inquiétée.

La conversion à l’islam, les premières déclarations après de Sophie après sa libération… ont suscité la polémique en France. Mais, elle n’en a cure. « Les polémiques ne m’ont pas touchée. Je ne veux pas créer de conflits, simplement je ne sais pas mentir », déclare Sophie Mariam Pétronin. Et de conclure, « moi, la seule chose qui m’intéresse désormais, c’est de servir, peut-être pas l’humanité, ce qui serait un peu grandiloquent pour mon 1,57 m. Juste me concentrer sur mon objectif : continuer à soulager la souffrance de ces enfants dont je me suis occupée à Gao. Je vais continuer avec mon assistant sur place. Quitte à le faire à distance » !

« Une vie sauvée est une vie qui vit… »

Née à Bordeaux le 7 juillet 1945, Sophie Pétronin avait eu « un déclic » en 1996 en se rendant avec une amie à Gao, à 1200 km au nord-est de Bamako, a raconté son fils Sébastien Chadaud-Pétronin dans un article publié sur le site de son comité de soutien. En 2000, elle suit une formation médicale, tout spécialement en médecine tropicale, avant de s’installer définitivement l’année suivante au Mali où elle dirige un centre d’accueil pour orphelins.

« Ce que je vais faire dans votre océan de misères n’est pas grand-chose, mais une vie sauvée est une vie qui vit. Les enfants sont innocents, ils ont le droit de grandir », a écrit Sophie Pétronin dans un livre publié en 2013, « Le fil de lumière ». En 2012, quand notre pays a commencé à sombrer sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaeda, l’humanitaire a échappé de justesse (en avril 2012) à des islamistes armés qui avaient pris pendant plusieurs mois le contrôle de Gao.

Elle avait été exfiltrée vers l’Algérie grâce à l’aide de rebelles touaregs. Rentrée quelques semaines dans une maison de famille du sud de la France, elle est rapidement revenue à Gao où elle a été enlevée le 24 décembre 2016 par des hommes armés. La suite est, on la connait !

Que Dieu bénisse longtemps Sophie Mariam Pétronin pour le bien-être des orphelins de la Cité des Askia, à Gao !

Naby

Source : LE MATIN
Commentaires