Appelé à diriger la transition de dix-huit (18) mois à la fin de laquelle les Maliens choisiront des hommes acquis au véritable changement à la suite d’élections libres, crédibles, transparentes et propres, le président Bah N’Daw, à moins de trois (03) mois d’exercice du pouvoir, vient de décevoir une bonne partie de l’opinion nationale avec sa déclaration de Bissau: «Je ne suis pas politique. Je suis au-dessus de la mêlée. Je m’en tiens au décret signé». Ce pavé dans la mare n’est autre qu’une fuite de responsabilité.
Les propos qu’il a tenus à Bissau, capitale de la Guinée-Bissau, dernière étape d’une tournée ouest-africaine qui l’a conduit au Ghana, Togo et au Sénégal, laissent planer le doute sur les intentions de l’homme dont la nomination à la présidence de la transition n’a fait l’objet d’aucune contestation à mener à destination le bateau Mali.
En répondant à la question d’un journaliste sur les frustrations nées du décret fixant la clé de répartition des membres du Conseil national de transition (CNT) aux composantes des forces vives, le président Bah N’Daw déclare: «Je ne suis pas politique. Je suis au- dessus de la mêlée. Je m’en tiens au décret signé». Cette réponse du président de la transition ne saurait convaincre aucun citoyen malien, anxieux d’une nouvelle turbulence politique dont le pays n’a nullement besoin en cette période d’insécurité généralisée incarnée par le siège de Farabougou (région de Ségou) dont la population est sous menace permanente des djihadistes, depuis plus d’un mois.
La déclaration de l’homme dont l’unanimité a été faite sur son choix à la tête de la transition pour sa rigueur, son sens élevé de l’État, son honnêteté provoque polémique dans l’opinion publique nationale.
Pour les uns, le président Bah N’Daw est déjà à bout de forces face aux multiples problèmes chauds auxquels il ne s’attendait pas à gérer en dehors des deux (02) missions de la transition à savoir l’organisation des élections générales et l’application de l’accord d’Alger. Et pour les autres, il n’aurait pas les coudées franches face à une junte qui continue de dicter sa loi dans l’ombre. Quoiqu’il en soit elle est tombée à un moment où la vie politique de notre pays est en pleine ébullition. Et quand le dernier recours d’un citoyen parle ainsi, il y a de quoi s’inquiéter.
Aujourd’hui, le colonel-major à la retraite dont la nomination a fédéré les Maliens quant à la réalisation du changement réel prôné par le peuple malien, depuis le 26 mars 1991 vient de faire découvrir son vrai visage aux Maliens: celui d’un homme qui n’est pas prêt à aller au charbon pour écrire une autre page de l’histoire politique de notre pays. Cette fuite en avant de Bah N’Daw ne saurait se justifier en aucune manière. À un moment où le Mali a besoin de ses enfants les plus valeureux et courageux pour le faire sortir de l’abîme dans lequel d’autres enfants l’ont plongé pour leurs propres intérêts privés, égoïstes et haïssables. Sa déclaration ne saurait le dédouaner de la gestion des autres dossiers brûlants du pays. S’il a été préféré à d’autres Maliens, c’est parce qu’il réunit les qualités de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
Pourtant, Lénine avait prévenu les gens. Il disait avec juste raison: «Il est plus facile de prendre le pouvoir, mais il est difficile de le gérer.» C’est ce que Bah N’Daw vient de comprendre avec les réalités du pouvoir. En déclarant qu’il n’est pas politique et qu’il est au- dessus de la mêlée, le président de la transition fuit ses responsabilités de chef de l’État et sait maintenant que la gestion du pouvoir est la plus difficile.
Après avoir occupé le poste de ministre de la Défense et des Anciens combattants, de 2013 à 2014, il serait incongru d’entendre qu’on n’est pas politique. On peut ne pas être de la politique politicienne et n’avoir pas comme profession la politique à l’image de beaucoup de nos leaders politiques, mais quand on est nommé ministre dans un gouvernement, on est appelé à traduire en actes la vision politique intérieure et extérieure du président de la République en fonction. On ne saurait se cacher derrière la signature des décrets et autres documents, accorder des audiences à des personnalités du monde extérieur sous les projecteurs des caméras de la télévision nationale. Il est de votre devoir d’affronter tous les problèmes du pays pour donner un avis favorable ou défavorable aux questions posées. Si tel n’est pas le cas, le Mali va droit au mur. Ce qui nous amène d’ailleurs à dire que la grève de trois (03) jours de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) a été exécutée pour la simple raison que le président Bah N’Daw n’est pas politique.
On comprend ainsi l’attitude du président de la transition à ne pas encore rencontrer aucune force vive de la nation, depuis sa prise de fonction. S’il se dit qu’il est au-dessus de la mêlée, cela veut dire qu’il n’y aura aucun contact avec la classe politique, les Organisations de la société civile (OSC) à plus forte raison d’aller à la rencontre de nos compatriotes de l’intérieur pour mesurer le degré de pauvreté de ceux-ci, créée de toute pièce par les régimes précédents pour maintenir une grande majorité de Maliens dans la dépendance.
En dehors de l’organisation des élections et de l’application de l’accord d’Alger, il urge partout. On ne saurait rejeter d’un revers de main les attentes nombreuses et urgentes du peuple malien au nom de ces deux (02) missions citées plus haut. Le Mali n’est pas à sa première transition. Celle de 1991, en plus des missions qui lui avaient été confiées, a apporté des solutions aux problèmes posés pour apaiser la tension sociale et baliser le terrain pour les nouvelles autorités issues des premières élections dites démocratiques dans notre pays.
Il serait loisible que le président de la transition, Bah N’Daw prenne ses responsabilités pour faire face aux défis afin de mériter le nom de l’homme rigoureux qu’il fut et de mériter cette citation «L’homme qu’il faut à la place qu’il faut.» Sinon, l’histoire retiendra qu’il était un tigre en carton.