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Me Malick Coulibaly, ancien ministre de la Justice : « Au Mali, il y a 3 entraves à l’accès à la justice »
Publié le mercredi 25 novembre 2020  |  Le Pays
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© aBamako.com par FS
Visite d`une délégation de la CNDH à Fana
Une délégation de la CNDH avec à sa tête, le président Malick Coulibaly a rendu visite à Fana le 30 Mai 2018, afin de s`enquérir de la situation des Droits de l`Homme dans la localité.
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L’entrave psychologique, l’entrave économique, l’entrave géographique, ce sont les trois grandes difficultés d’accès à la justice au Mali. C’est en tout cas ce qu’a déclaré l’ancien ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Gardes des Sceaux, Me Malick Coulibaly, lors du lancement de la 3ème édition du Fest Hip Hop Rapou Dôgô kûn dont le thème était « Quelle justice pour un Mali meilleur ?».

Reconnu être un homme de droit intègre et probe, celui-là qui, à la fleur de l’âge, a déposé sa robe de magistrat malgré ses avantages par refus de corruption, Me Malick Coulibaly, était l’invité des organisateurs de la 3ème édition du Fest Hip Hop Rapou Dôgô kûn. Il a fait un brillant exposé sur la justice malienne sur laquelle porte le thème de cette édition du festival initié par le rappeur Master Soumy.

A l’entame de ses propos, l’avocat stagiaire, comme il préfère se qualifier ainsi, a insisté sur l’importance de la justice pour la bonne marche de tout l’État, qu’il soit en difficulté ou non.

L’interdépendance entre la justice formelle et la justice traditionnelle

Si beaucoup de citoyens limitent l’accès à la justice aux Cours et Tribunaux, Me Malick Coulibaly, lui, voit plus loin. Pour lui, l’accès à la justice, au-delà des Cours et Tribunaux, s’étend à la justice traditionnelle et à tous les mécanismes pacifiques de règlement de conflits. « La justice entendue en termes d’accès ne se résume pas aux Cours et Tribunaux. Il y a donc une définition restrictive qui ne voit en l’accès à la justice que l’accès aux Tribunaux et aux Cours. Il y a une définition plus large que j’épouse qui va au-delà des Cours et Tribunaux, peut atteindre la justice traditionnelle », a expliqué l’ancien ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Garde des Sceaux.

Pour Me Malick Coulibaly, il y a une complémentarité entre la justice traditionnelle et la justice formelle, c’est-à-dire étatique. « La justice formelle, justice étatique et justice traditionnelle ne doivent pas être les systèmes parallèles. L’une peut apprendre de l’autre et évoluer en parfaite symbiose. La justice formelle gagnerait en humilité. La justice traditionnelle pourrait gagner de la justice formelle dans le respect des garanties. L’une et l’autre ont à apprendre mutuellement », a-t-il expliqué.

Les entraves à l’accès à la justice au Mali

Beaucoup dénoncent la lenteur de la Justice au Mali. Pour avoir été magistrat, avocat et Garde des Sceaux deux fois, Me Malick Coulibaly connait les difficultés d’accès à la justice au Mali. « Au Mali, il y a 3 entraves à l’accès à la justice », a-t-il indiqué. Il s’agit, selon l’invité de la 3ème édition Fest Hip Hop Rapou Dôgô kûn, de l’entrave psychologique, l’entrave économique et l’entrave géographique.

L’entrave psychologique.

Ce qui est déplorable, mais qui est une réalité, selon l’ancien ministre de la Justice, c’est que la justice fait peur au Mali. « La justice fait peur parce qu’on ignore la justice. La justice fait peur parce que les acteurs de la justice se sont hissés sur pied d’escale superbe », a-t-il laissé entendre avant de donner un exemple touchant qui fait que les citoyens ont peur de la justice : « A moins de 100 kilomètres de Bamako, j’ai vu des justiciables assis à même le sol, le juge perché sur un fauteuil ministériel. Je me suis permis de lui poser la question qu’est-ce que cela pouvait signifier comme symbole. Et dans le lot, il y avait des chefs de village. Il dit, lui, il est le juge… ». Pour ce défenseur des droits de l’homme, les acteurs de la justice doivent intégrer la notion de ‘’public servant’’ en lieu et place de fonctionnaire. « Nous sommes aux services des justiciables. S’il n’y a pas de justiciable, il n’y a pas de juge », a-t-il indiqué.

L’entrave est économique

Même si beaucoup l’ignore, Me Malick Coulibaly affirme que la justice a un coût. Comment ? Selon lui, « Il faut un avocat. Il faut souvent payer une expertise. Il faut se déplacer ». Et tout le monde, dit-il, ne peut pas faire face à ce coût-là. Il y a, dans les normes, une assistance judiciaire. Mais cette assistance judiciaire n’est pas fonctionnelle aux dires de Me Coulibaly. « Nous avons les commissions d’offices à l’occasion des sessions d’assises, mais l’avocat a, à peine, rencontré une seule fois son client et le procès est souvent pipé avant le renvoi aux assises. Or, la commission d’office n’intervient qu’au stade du jugement. L’État n’aide donc pas les plus vulnérables à accéder à la justice d’un point de vue économique », a reconnu l’ancien président de la Commission nationale des Droits de l’Homme.

L’entrave géographique

La distance géographique est l’une des grandes difficultés d’accès à la justice au Mali, selon Malick Coulibaly. A ses dires, certains dossiers peuvent être renvoyés de Kidal à Mopti et jusqu’à Bamako. Avec cette distance, le dossier prendra énormément de temps.

Les défis actuels de la justice malienne

La justice malienne a d’énormes défis à relever selon Me Malick Coulibaly. La lutte incisive contre l’impunité ou le sentiment d’impunité est le premier de ces défis. « Tout ce que nous avons comme violations au nord, au centre et au sud prennent leurs sources dans une réponse pénale très timide avec des liens avec le contexte sécuritaire », a-t-il laissé entendre. Pour le docteur en droit, la justice, même si elle la volonté, elle ne peut pas arriver à bout sans la sécurité. « Il faut engager et réussir de façon incisive cette lutte contre l’impunité pour toutes les violations des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national », a-t-il proposé.

Un autre défi à relever se situe au niveau du problème foncier. Selon Me Malick Coulibaly, 5% des litiges au Mali, même en matière pénale, ont un lien avec le foncier. « Il faut désamorcer la bombe foncière », a-t-il sollicité.

Il propose aussi la célérité dans les procédures, surtout en matière pénale. A son entendement, l’amélioration des conditions de vie et de travail des acteurs de la justice est nécessaire, ne serait-ce que pour éviter qu’ils soient corrompus. « Le magistrat qui se demande, la nuit, comment il va soigner son enfant demain ; comment il va payer la scolarité de son enfant demain, a de fortes chances d’être corrompu. Il faut donc les mettre dans les conditions », insiste l’ancien Garde des Sceaux.

Il faut rappeler que Me Malick a également déploré le budget insuffisant de certaines juridictions.

Boureima Guindo

Source : LE PAYS
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