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Violence basée sur le genre : Sidiki Diabaté condamné à porter la croix de notre démission collective ?
Publié le jeudi 26 novembre 2020  |  Le Matin
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«Si vous ne connaissez pas, ne jugez pas. Si vous ne savez pas, ne dites riens… Et surtout si vous ne comprenez pas, n’inventez pas», dit une sagesse africaine. J’ai été embarrassé, parce que cette histoire me touche de près puisque l’accusé est un fils du virtuose de la kora qui a beaucoup d’estime, de respect et de la considération pour ma modeste personne : Madou Sidiki Diabaté ! Un homme dont la modestie et l’humilité sont à toute épreuve. Tout ce qui touche ce «jeune frère», me touche aussi d’une manière ou d’une autre. Ne serait-ce qu’en reconnaissance de ce profond respect qu’il a pour ma modeste personne.

Embarrassé parce que la lutte contre la violence basée sur le genre (VBG) est un engagement personnel. Et la jeunesse consciente qui a mené cette lutte acharnée pour qu’une suite judiciaire soit donnée à cette histoire est essentiellement constituée de femmes et d’hommes pour qui j’ai un respect réciproque. Autant dire que je suis doublement concerné par cette affaire.

Embarrassé par la gravité des accusations. «Coups et blessures volontaires, séquestration et violence corporelle» ! Et pourtant, je ne suis pas surpris par la virulence des attaques contre le jeune artiste. En effet on se dit que, surfant sur l’argent et le succès, nos jeunes stars poussent aisément le vice à la limite du sadisme ne voyant aucune limite morale ou humaine à leurs actes. Et je vous dis qu’il y a pire aujourd’hui dans le showbiz malien que ce pourquoi la carrière de Sidiki Diabaté est compromise aujourd’hui.

Loin de moi toute volonté d’absoudre quelqu’un de ses péchés ou de faire l’avocat du diable. Mais, en âme et conscience, je pense qu’il y a beaucoup de zones d’ombre dans cette affaire. Comment une jeune dame saine d’esprit et qui a des parents à Bamako a pu endurer ce «châtiment» pendant 7 années sans avoir aucune opportunité de s’échapper, de confier son malheur à quelqu’un ?

Cela me surprend d’autant plus qu’elle s’affichait heureuse en public aux côtés de son amoureux traité aujourd’hui en démon pour les sévices qu’il lui a fait subir. Mais tout est possible dans ce pays, surtout que depuis qu’on a vu des otages revenir de plus de six mois de captivité plus reluisant qu’au moment de leur enlèvement.

Sans compter que notre société est de plus en plus pourrie au niveau de presque toutes les couches d’âges. Il n’y a plus de repère, donc plus de retenue. On rivalise dans le vice, dans la débauche. Aujourd’hui, pour satisfaire leur goût du luxe, des jeunes filles et garçons sont prêts à tout, à tout supporter. Y compris au sado-machisme. Et je vous assure que pour assouvir leur goût du luxe, elles sont prêtes à supporter des pratiques et des traitements plus humiliants et plus avilissants que les blessures physiques, que les châtiments corporels. Et malheureusement, ces jeunes ne s’imposent aucune ligne rouge à ne pas franchir.



Entourés de ceux qui font embellir leurs erreurs afin de profiter de leur succès

Sous l’emprise de la drogue et des fortes liqueurs, ces jeunes branchés sont capables de tout, des pires atrocités. Ceux qui ont encore le courage de se rendre dans les discothèques fréquentées par cette nouvelle Jet-set bamakoise ne diront pas le contraire. Financièrement indépendants, ce sont des jeunes qui vivent loin des parents et qui sont entourés souvent par des gens plus vicieux qu’eux et qui profitent de leur fortune. Comme le dit Kery James, «il faut que tu choisisses tes amis parmi les meilleurs, pas parmi ceux qui ne font qu’embellir tes erreurs» !

Vous ne me croirez pas sans doute qu’elles sont nombreuses nos filles qui endurent plus ou qui sont prêtes à tout endurer pourvu que cela leur garantisse une vie sans soucis, une vie de branchées que nous, les parents, n’avons sans doute pas les moyens de leur assurer. Ne voyez pas sans doute une tentative de justifier le sadisme qui se développe et qu’aucune cupidité ou complexe ne saurait expliquer.

Facile de blâmer les parents pour n’avoir pas su donner une bonne éducation à leur fils ou à leur fille. Mais, combien d’entre nous ont su relever ce défi ? Nous sommes combien à savoir avec qui nos enfants sortent, que font-ils dans notre dos ? Comme le rappelait si bien l’humoriste française, Camille Chamoux, «ma génération se doit de bien éduquer, de bien aimer, alors que nos parents ou nos grands-parents ne se posaient pas la question».

Nous sommes loin de cette époque où les parents étaient assurés qu’en leur absence, la société veillait rigoureusement sur leur progéniture pour qu’elle ne s’éloigne jamais de la voie de l’honneur et de la dignité tracée par l’éducation familiale. Mais, il faut néanmoins comprendre ceux qui jettent la pierre à la famille du jeune artiste. Mais, je suis également convaincu qu’aucun parent digne de ce nom ne peut être fier que son rejeton soit l’auteur des sévices inhumains infligés à cette pauvre fille.



Anw bè no don ! Tous coupables !

La violence, quelle que soit sa forme, est le plus souvent une question d’éducation. C’est pourquoi c’est notre société qui est entièrement interpellée aujourd’hui par cette affaire. Les parents, surtout les nantis, pensent que les cadeaux et l’argent suffisent à donner la meilleure éducation familiale à un enfant.

Et nous avons si peur de nos enfants (parce que conscients que nous avons quelque part failli à notre devoir de père ou de mère) que nous sommes incapables de les contraindre au respect des valeurs fondamentales de la vie en société. Il est pourtant clair que la façon dont on éduque nos enfants fera d’eux les adultes qu’ils deviendront. Ainsi, l’impact de notre éducation, qu’il soit positif ou négatif, est considérable sur la vie future. Autrement, dit Victor Hugo, «chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme».

Aujourd’hui la violence a été banalisée par la jeunesse sous toutes les formes. Dans un précédent article, nous avons attiré l’attention des Maliens sur le fait que la violence est devenue aujourd’hui le moyen de règlement des différends privilégié par les ados et les jeunes. Pour un oui ou un non, ce sont les couteaux et les pistolets qui sortent pour régler les comptes. Et c’est cette même violence qui se fait ressentir dans les relations amoureuses puis conjugales plus tard.

Les homicides liés à la violence conjugale sont surtout fréquents dans les jeunes couples. Et pourtant, ce ne sont pas généralement des mariages arrangés, donc forcés ; mais de vraies histoires d’amour qui tournent au drame une fois que le couple est confronté aux contraintes de la cohabitation au quotidien.

Comme le dit un film des années 80 du regretté Falaba Issa Traoré, «An bè no don», autrement «nous sommes tous coupables». Et cela d’autant plus que la démission parentale est presque collective de nos jours. Pour ceux qui n’ont pas vu ce chef d’œuvre, il s’agit d’une fiction autour du problème de l’infanticide et des enfants adultérins au Mali.

La jeune Aminata, malgré ses brillants résultats, est renvoyée de l’école parce que ses parents ne peuvent s’acquitter des frais de scolarité et son sort n’a apitoyé personne pour voler à son secours. Obligée de travailler pour aider sa famille à joindre les deux bouts, elle tombe sous le charme d’un garçon chassé de son foyer familial et qui l’enceinte. Privée de soutien familial et financier, elle donne la mort à son nouveau-né… Ce qui lui coûtera des démêlés judiciaires. Et pour son avocat, Aminata n’est pas la seule fautive, mais la société porte la lourde responsabilité de son échec.



Le succès est une lourde responsabilité à porter

Ici, même s’il ne s’agit pas d’infanticide, nous sommes toujours dans les affaires de mœurs. Mais, contrairement à Aminata, ceux qui défraient les chroniques judiciaires aujourd’hui sont issus de la bourgeoisie et de milieux aisés. Ils ont presque tout pour réussir dans la vie, pour mener une vie exemplaire… Tout sauf l’éducation familiale. Et c’est cela le drame de notre société où les enfants manquent très tôt de repères moraux, de références sociales pour déjouer les pièges de la vie.

Avec un succès phénoménal depuis des années ; une fortune qui ne cesse de croître et que tous les jeunes de la génération lui envient sans doute, courtisé par les femmes de tous les âges et de toutes les catégories, les tentations ont été sans doute trop fortes pour la jeune star. Avec une telle réussite à la limite de l’insolence, il est facile de se prendre pour le nombril de la terre, surtout pour un jeune de 28 ans (né le 9 février 1992 à Bamako).

Dans la vie, dans les instants de bonheur, il faut souvent savoir faire preuve d’une maturité précoce pour garder la tête sur les épaules et les pieds sur la scène. Et malheureusement, rares sont les stars précoces qui parviennent à gérer leur phénoménal succès en Afrique et dans le monde. Ce sont généralement leurs dérives qui font généralement le buzz sur les réseaux sociaux et alimentent les colonnes des faits divers de la presse people (mondaine).

Comme le disait un activiste, ces jeunes stars précocement propulsées au sommet des hits veulent toujours avoir raison sur les autres, étaler leur intelligence (mécanique), leur savoir, leurs biens matériels ou même leurs relations. Et généralement, leurs actes sont des manifestations insidieuses de l’orgueil réputé être un ennemi déclaré de l’humilité.

Si les faits sont avérés, Sidiki n’a pas d’excuse parce qu’aucun amour ne s’exprime par la violence. Mais, n’oublions pas aussi qu’il est un jeune obnubilé par un succès précoce. Il est lui aussi victime d’un système, d’un mode de vie dont les victimes anonymes sont plus nombreuses qu’on ne l’imagine. A commencer par ceux qui se retrouvent dans le triste rôle d’accusés.

Une perte matérielle et financière n’est rien à côté des conséquences sociales et psychologiques de la violence endurée par Mamasita. Mais, nous ne pensons pas non plus que détruire la vie et la carrière de Sidiki l’aidera à se refaire. Nous sommes convaincus que le jeune homme a compris que, dans la vie, quels que soient les sommets sur lesquels on a réussi à se hisser, il faut tout relativiser parce que tout peut basculer en un clin d’œil.

Il est en train de malheureusement de vivre cela en ce moment de la façon la plus dramatique car confronté aux annulations de ses contrats et exclu de tous les concours musicaux pouvant booster davantage sa carrière à l’international. Faut-il noter que ces accusations continuent de porter un coup à la carrière artistique de Sidiki. Après son retrait du concours AFRIMMA et sa suspension au compte des PRIMUD, la maison de production du prince malien de la Kora a, elle aussi, suspendu toute collaboration avec lui, jusqu’à nouvel ordre.

Plus que toutes les peines de justice, cela est aussi un énorme coup psychologique qu’il aura du mal à surmonter dans sa jeune carrière.

Si Sidiki a déconné, il faut se dire aussi que cela peut arriver à tous les jeunes de son âge pris dans le tourbillon du succès, de la réussite professionnelle et sociale. Nous, ne dirons pas qu’il faut lui donner une seconde chance, mais que Mamasita lui accorde le pardon lui permettant de se retrouver avec lui-même, avec sa conscience, pour méditer sur le sens qu’il souhaite donner désormais à sa vie.



Jamais lâché par ses fans

Le pardon de la victime permet d’élever davantage la victime au-dessus de son bourreau. «On est plus heureux en pardonnant qu’en exigeant la réparation des torts qu’on a reçus», disait Thomas Wilson (Les maximes de la piété et du christianisme, 1781). Et Thomas Fuller, dans «Gnomologia, adagies and proverbs» (1732) rappelait que «la plus noble revanche est de pardonner».

A défaut, on ne peut miser que sur la clémence de la justice qui ne manquera pas de trouver des circonstances atténuantes à ce jeune talentueux condamné par la vindicte populaire aux dépens même de la présomption d’innocence.

Comme le disait si bien un confère de la place à propos de cette affaire Sidiki-Mamasita, puisse «Dieu permettre à chacun de comprendre et de savoir pardonner, même après la punition». Mieux encore, nous sommes d’accord avec la jeune et talentueuse artiste Naba Aminta Traoré Touré (la sœur cadette de Rokia Traoré) qui est convaincue que «pour une société solide, pour nos enfants, apprenons leur à être honnêtes, probes et responsables envers eux mêmes et les autres, apprenons leur à construire la confiance. Conduisons nous bien pour une meilleure société avec des valeurs sûres».

Et de conclure, «n’éduquons pas nos enfants dans la peur, en les tyrannisant. Montrons leur plutôt l’amour et le respect ; apprenons leur l’amour et le respect. Responsabilisons-les en montrant l’exemple… Soyons donc de bon modèles pour eux».

En attendant que nous ayons le courage de nous remettre en cause et se comporter comme tel (modèle), les fans qui n’ont jamais tourné le dos à leur idole se régalent de l’œuvre du précoce virtuose en laissant des commentaires affectueux sur son immense talent. «Génie de la kora, Sidiki a un don naturel. J’aimerais qu’il fasse un album 100 % instrumental», a commenté un fan sur Youtube.

«Sidiki est incroyablement talentueux. Je viens du Ghana mais un grand fan. J’ai cherché le titre de cette chanson en particulier (Kora Freestyle). J’espère l’avoir sur Spotify. Si c’est juste une session studio (c’est effectivement le cas), alors je suggère qu’il l’ajoute à un album. Ce titre instrumental célèbre le riche patrimoine de l’Afrique», renchérissait un autre sur le même support.

BOLMOUSS

Source : Le Matin
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