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Comprendre : Morila-Sadiola, pillages de l’or par Rand gold et Anglo Gold
Publié le lundi 30 novembre 2020  |  L’Inter de Bamako
Cérémonie
© aBamako.com par A S
Cérémonie d`Inauguration de la mine d`or de Kofi
Bamako, le 24 Avril 2015, a eu lieu la cérémonie d`inauguration de la mine d`or de Kofi
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À Bamako, l’ONG Guamina tente depuis plusieurs années d’alerter le gouvernement sur les risques de pollution grave qu’entraine ce genre d’exploitation à ciel ouvert. Après inspection du site de Sadiola, cette ONG a déjà pu remarquer des cas de «contamination de l’eau souterraine par le cyanure à la suite d’infiltrations, des déchets liés à des fuites d’huile et au drainage.
Pour Souleymane Dembélé, coordinateur général de Guamina et responsable du dossier «mines d’or», un autre risque provient des parts de plus en plus faibles que les multinationales d’exploitation opérant au Mali reversent au pays comme royalties. «Cette situation résulte de la politique d’attraction des investissements étrangers au Mali menée par le gouvernement depuis le début des années 1990», explique-t-il.

Une politique d’ouverture qui a porté ses fruits. Aujourd’hui, des multinationales comme AngloGold (Afrique du Sud), Randgold, IAMGOLD, Nevsun Resources, African MetalsCorp. (Canada) s’arrachent les concessions. Le manque de transparence concernant les contrats, le respect du code minier ou les conditions réelles d’exploitation du sous-sol malien rend difficile toute tentative de mener un travail critique d’observation du comportement social et environnemental des compagnies minières. Même la liste complète des sociétés présentes et de leur zone d’attribution n’est pas disponible.

Impossible donc pour un citoyen malien de connaitre les activités précises de la multinationale Axmin, dirigée par le Suisse Jean-Claude Gandur et prospectant non loin de Sadiola, à la frontière du Sénégal. Axmin a obtenu, en 2003 quatre (04) concessions d’exploitation dans la zone de Kofi, dans l’ouest du pays, avec des intérêts défiant toute concurrence.

Bamako, octobre 2003. En reportage en Afrique de l’Ouest, j’ai moi aussi envie d’en savoir plus sur l’extraction aurifère en Afrique. Je quitte la capitale pour découvrir le Sud- Est du Mali. Pour cinq heures de route défoncée par endroits, sous une chaleur étouffante, voici la nationale RN7, jusqu’à la hauteur de Bougouni. La bifurcation me plonge en plein cœur de la savane, zone pastorale et agricole traditionnelle. Des hameaux disséminés dans la brousse. Quelques champs de mil et de coton, de maigres troupeaux de zébus.

La vie n’est pas facile pour les cultivateurs et les éleveurs de cette région semi- désertique. Le voyageur serait bien en peine de découvrir le moindre signe extérieur de richesse. De rares charrettes, parfois un camion ou un véhicule tout terrain, pointent à l’horizon, soulevant un nuage de poussière qui enfle peu à peu…

Pendant deux heures qui semblent une éternité, la voiture sillonne une piste tortueuse en direction de Morila. Un ultime virage et soudain, derrière une colline de latérite, se découpe la silhouette imposante d’un site industriel, comme surgi de nulle part dans un paysage lunaire. Dirigé par les multinationales sud-africaines AngloGold et Randgold Resources Limited, le gigantesque chantier d’exploitation à ciel ouvert du gisement de Morila a débuté en octobre 2000. Le sous-sol contiendrait en réserve environ 150 tonnes d’or, selon les estimations officielles.

On parle déjà de Morila comme d’un eldorado, une mine «de classe mondiale», figurant avec Sadiola parmi les dix (10) premières de la planète. Les travaux d’extraction devraient durer jusqu’en 2009. Ils laisseront un cratère de plus d’un kilomètre de long sur 820 mètres de large, atteignant une profondeur de près de 200 mètres. En attendant cette échéance, l’exploitation bat son plein à l’abri des curieux. Tout le secteur est protégé par un vaste réseau de clôtures et de fils de fer barbelés.

Sur la gauche, des remblais grisâtres, aussi élevés que des murailles. Au centre, un bâtiment administratif entouré par un ensemble de grues et de machineries complexes. On aperçoit aussi, de loin, le bout d’une piste d’atterrissage. 500 mètres plus en avant sur la droite, le point d’entrée du site industriel, marqué par de nombreux messages d’alerte. «Armes et caméras interdites», rappellent des panneaux géants. Une douzaine de poids lourds sont garés en rang d’oignons sur l’aire de dégagement.

L’accès est barré par de lourdes grilles métalliques, flanquées d’une guérite. Un sas dissuasif. Des gardes armés filtrent les arrivants et fouillent quotidiennement les affaires personnelles des employés. Malgré une recommandation du ministère du Tourisme, impossible de jeter un coup d’œil-même dument escortés-sur la zone d’exploitation. J’essaye de discuter avec différents gardiens de l’accueil. Je réitère la demande à un responsable. En vain.

Après de longues minutes de palabres, on veut bien montrer sur papier un plan général des lieux, mais pas davantage. «Le mieux serait que vous retourniez à Bamako pour vous inscrire à une visite organisée», me conseille un gardien, sourire aux lèvres.

À la sortie, mon regard se fixe sur un large écran à diodes lumineuses rouges surplombant l’entrée. En grandes lettres, défilent les chiffres de production du jour, en alternance avec des slogans incitant les ouvriers à se plier aux règles de travail en vigueur. «Tolérance zéro du non-respect». Le rappel clignote encore, tandis que je rebrousse chemin.

Le site de Morila est connu partout à la ronde pour imposer à ses ouvriers des cadences infernales. Les dirigeants de l’exploitation se montrent très stricts dans la gestion de leur entreprise. Ils ne sont certes pas aussi méthodiques lorsqu’il s’agit du respect de l’environnement et des populations locales.

À un jet de pierre du site industriel, le village traditionnel de Morila observe en silence l’extraction de l’or malien. Assis à l’ombre devant son école et tout en corrigeant les cahiers de ses élèves, un jeune instituteur veut bien me dresser le bilan mitigé de cette étrange coexistence.

Sur les centaines d’employés du site industriel, les deux tiers travaillent pour Anglo Gold et Randgold, un tiers (environ 600 employés, dont 530 ouvriers) pour la SOMADEX (Société malienne d’exploitation, filiale du groupe Bouygues spécialisée dans l’extraction), auxquels il faut encore ajouter les effectifs de MDM (Metallurgical Design and Management, contractant pour les installations), Shell, etc.

L’industrie minière a généré des emplois dans la région, principalement pour les hommes de 18 à 20 ans: «Chaque village a son quota. Ici c’est dix, là entre trente ou cinquante… De nombreux jeunes hommes des villages voisins de Sanso, Domba et Fingula sont aujourd’hui employés à la mine. Ils gagnent plus de francs CFA que ce qu’on aurait pu imaginer posséder. Ils ont acheté des mobylettes ou des toits en tôle ondulée pour leur maison, ce qu’on n’avait jamais vu ici auparavant.

Depuis deux (02) ans, la direction d’Anglo Gold a installé un réseau pour électrifier certains villages, favorisé l’adduction d’eau, creusé des puits, fait construire de nouvelles écoles. La participation à la construction d’infrastructures routières, sanitaires et scolaires pour les villages avoisinants faisait partie des clauses figurant sur le contrat d’exploitation signé avec le gouvernement malien. Tous les engagements n’ont pas été tenus. «Nous attendons toujours la réfection de la route, qu’ils ont promise depuis leur arrivée. Le passage des camions soulève une poussière-incroyable». Les problèmes respiratoires se multiplient en conséquence. Dans les environs de la mine industrielle, les éleveurs apprennent aussi à se méfier du «gaz qui tue. Le cyanure, ça tue directement. L’an passé, il y a eu un écoulement. Une demi- douzaine de bœufs sont morts».

Trois (03) ans après le début des extractions, l’étude officielle d’impact environnemental qui devait être menée par gouvernement n’est toujours pas à l’ordre du jour. Le dernier gisement découvert dans le périmètre ne profitera pas aux habitants de Morila. Le chef du village en a récemment interdit l’exploitation, de peur de mettre en cause la mine mère, explique l’instituteur.

À coup de pressions politiques et économiques, les dirigeants d’Anglo Gold et de Randgold ont fait comprendre aux autorités maliennes qu’ils entendaient extraire l’or africain suivant leurs propres règles, et s’accorder quelques prérogatives. La course au profit était déjà perceptible le jour de l’inauguration en grande pompe de la mine industrielle, en février 2001, au fil de discours officiels marqués par une belle polyphonie.

Le président malien de l’époque, Alpha Konaré, s’était déplacé en personne pour ouvrir les festivités. Il eut ces mots: «Cette mine ne laissera pas juste un grand trou dans la terre, elle apportera aussi le développement. Cette mine nous aidera à construire plus d’écoles. Elle nous aidera à combattre la malaria et le sida. Elle nous aidera à construire des routes.

Source: L’or africain
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