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Julien Attakla-Ayinon, Coordinateur du Projet d’appui à la Force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre du Cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire : « Mobiliser toutes les ressources pour veiller à ce que la F
Publié le mardi 1 decembre 2020  |  Le Républicain
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Le projet d’appui à la Force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre du Cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire qu’on appelle pour faire court, ‘’Projet Cadre de conformité’’ est un projet du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), visant à intégrer les droits de l’homme dans les réponses militaires qui sont apportées par la Force conjointe du G5 Sahel aux menaces sécuritaires. Financé par l’Union européenne et lancé en mai 2018, le projet couvre les cinq (5) pays du G5 Sahel : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad. Au Mali, le Projet d’appui à la Force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre du cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, travaille sous la responsabilité de la Division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA, dont le Directeur Guillaume Ngefa est le représentant de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet. Son objectif principal – objectif partagé par l’Union européenne tout comme les Nations Unies- est de pouvoir mobiliser toutes les ressources pour veiller à ce que la Force conjointe du G5 Sahel intègre le respect des droits de l’homme de façon générale et celui du droit international humanitaire en particulier dans ses opérations. Ayant observé que les populations civiles paient un lourd tribut dans cette crise sécuritaire qui secoue le sahel en général et le sahel central en particulier, dans la zone des trois frontières, le Liptako-Gourma, le Secrétariat exécutif du G5 Sahel, basé à Nouakchott, a initié avec l’appui du Projet Cadre de conformité, l’élaboration d’une stratégie régionale de protection des civils dans l’espace du G5 Sahel. C’est dans ce cadre qu’un premier atelier a réuni au Grand hôtel de Bamako, du lundi 23 au jeudi 26 novembre 2020, des participants venus de diverses structures, notamment de l’État-Major Général des Armées des FAMa (Forces armées maliennes), de la Force conjointe du G5 Sahel, de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali), de l’UNPOL (Police des Nations Unies), des différentes ONG intervenant dans les régions du Mali, des journalistes, des experts du HCR (Haut commissariat pour les refugiés), des unités de la protection des civils de la Minusma et de nombreuses personnes-ressources et experts. A cette occasion, nous avons rencontré le Coordinateur du Projet Cadre conformité du G5 Sahel, Julien Attakla-Ayinon. Interview !
Le Républicain : Du 23 au 26 novembre 2020, vous avez réuni les communautés locales des régions concernées par l’intervention de la Force conjointe du G5 Sahel, en vue de l’élaboration d’une stratégie de protection des civils dans cet espace sous-régional ; pourriez-vous nous en expliquer les motivations et les objectifs ?

Julien Attakla Ayinon : L’organisation du G5 Sahel a été portée sur les fonts baptismaux depuis 2014, et en février 2017, les 5 États membres du G5 Sahel ont mis en place une Force conjointe constituée à partir de leurs Forces de défense et de sécurité respectives afin de lutter contre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, mais aussi contre le trafic d’êtres humains dans l’espace du G5 Sahel. Dans sa Résolution 2391 de décembre 2017, le Conseil de sécurité des Nations Unies a salué l’initiative et a demandé expressément aux États du G5 Sahel de s’assurer que leurs contingents affectés à la Force conjointe accomplissent leur mission dans le respect des normes les plus élevées de transparence, de déontologie et de discipline. Dans cette veine, le Conseil de sécurité a recommandé aux cinq États d’établir un cadre réglementaire solide (le « cadre réglementaire ») pour prévenir toute violation du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire en rapport avec la Force conjointe. La même résolution du Conseil de sécurité a donné mandat au HCDH (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme), en tant que principal organe des Nations Unies chargé de la protection des droits de l’homme, d’appuyer ladite Force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre de ce Cadre de conformité.

C’est dans ce contexte global que le Secrétariat exécutif du G5 Sahel qui est basé à Nouakchott a demandé au Projet d’apporter son appui pour l’élaboration d’une stratégie de protection des civils dans l’espace du G5 Sahel, parce qu’il a été observé que les populations civiles payent un lourd tribut dans cette crise sécuritaire qui secoue le Sahel en général et le Sahel central en particulier ; je veux nommer la zone des trois frontières que nous connaissons tous, le Liptako-Gourma. Le Secrétariat exécutif du G5 Sahel a souhaité qu’il y ait une stratégie commune aux cinq pays et demandé au Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, notamment à notre projet, d’aider à élaborer cette stratégie.

Comment vous y prenez-vous ?

Comme première étape, nous avons estimé qu’il était nécessaire de commencer par des consultations des différentes parties prenantes, des différents acteurs impliqués pour écouter leurs opinions, leurs analyses et leurs vécus, leurs ressentis par rapport aux manifestations et conséquences de la crise sécuritaire ; et quel devrait être, selon eux, les axes prioritaires autour desquels il faudra bâtir une telle stratégie de protection des civils. C’est pour cela que nous avons réuni dans cette salle du Grand Hôtel de Bamako, du lundi 23 au jeudi 26 novembre 2020, des participants qui sont venus de l’État-major général des armées des FAMa (Forces armées maliennes), de la Force conjointe du G5 Sahel, de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali)-UNPOL (Police des Nations Unies), des différentes ONG (Organisations non gouvernementales) qui interviennent dans les différentes régions du Mali, des journalistes. C’est vraiment une diversité qui représente très bien en miniature la société malienne. On a fait venir des experts du UNHCR (Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés), des différentes unités de la protection des civils de la Minusma et beaucoup d’autres experts venus ici pour réfléchir sur les voies et moyens pour mieux protéger les civils et ceci, dans le but ultime de contribuer à l’élaboration de cette stratégie régionale de protection des civils.

Parlez-nous de votre Projet, quels en sont les objectifs, les missions ?

Le Cadre de conformité qui a donné son nom au projet est une approche innovante qui combine des mécanismes et mesures concrets, interdépendants et complémentaires visant à prévenir, atténuer et répondre aux violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui pourraient être commises par les forces de sécurité lors des opérations militaires. Il a été conçu pour être un cadre de réduction des risques afin de prévenir les dommages et préjudices aux civils lors de la conduite des opérations militaires offensives, incluant les opérations antiterroristes. L’objectif principal de ce projet du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, c’est de pouvoir mobiliser toutes les ressources pour veiller à ce que la Force conjointe intègre le respect les droits de l’homme de façon générale et le respect du droit international humanitaire en particulier dans ses actions et opérations, et ce, à travers 7 piliers qui ont été bien élaborés.

Quels sont ces 7 piliers de votre projet ?

Le premier pilier, Sélection du personnel, vise à s’assurer que dans le processus de génération de force, les standards et normes des droits de l’homme soient pris en compte, que les membres du personnel militaire, comme le personnel de la police de la Force conjointe soient des gens qui, dans leur passé ne sont pas impliqués dans des violations des droits de l’homme, et s’assurer également du principe de l’équité genre. Que cette force soit constituée aussi bien d’hommes que de femmes.

Le deuxième pilier, c’est la formation. Nous intervenons en appui aux différents États membres dans la formation pré-déploiement, mais également dans la formation post-déploiement. Nous avons aussi assuré et contribué à la formation de nombreux officiers supérieurs de la Force conjointe et même des états-majors des différents pays, qui ont reçu des formations spécialisées en droit international humanitaire. Dans une stratégie de formation en cascade, nous avons soutenu la Force conjointe dans la mise en place de pools de formateurs pour les cinq pays. C’est le Burkina Faso seul qui n’a pas encore reçu cette formation des formateurs.

Le troisième pilier de notre projet nous permet d’appuyer la Force conjointe dans l’élaboration des documents de doctrine et de pouvoir intégrer dans cette doctrine les normes internationales pertinentes, par exemple, dans les règles d’engagements, dans différentes procédures opérationnelles permanentes portant sur les enquêtes internes à la Force conjointe ou le traitement des individus appréhendés par exemple, pour pouvoir intégrer les considérations liées aux droits de l’homme et du droit international humanitaire tout au long de leurs activités et opérations. Vous voyez que tout ce que je dis par rapport au projet converge vers un meilleur respect des droits de l’homme dans les opérations militaires.

Le quatrième pilier nous permet également d’injecter des éléments relatifs à la protection des civils dans la phase planification et la conduite des opérations militaires. Nous collaborons avec les officiers et experts de la Force conjointe à l’élaboration de modèles standard portant sur le résumé des règles d’engagement, lequel est annexé à chaque ordre opérationnel de la Force conjointe. On s’assure ainsi que dans les règles d’engagement qui sont dissimilées au sein de la Force conjointe, intègrent les considérations de protection des civils pour pouvoir minimiser les dommages causés aux civils. Quant au cinquième pilier c’est ce qu’on appelle le retour d’expériences. C’est une forme de séance de débriefing après chaque opération au cours de laquelle la Force conjointe fait une évaluation pour savoir l’impact de ces opérations sur la population civile et nous nous joignons à la Force conjointe pour ce genre d’exercice qui permet une évaluation critique des opérations militaires afin d’apprendre et intégrer les leçons apprises dans les futures opérations. Le sixième pilier consiste pour le projet à appuyer la Force conjointe à mettre en place en son sein des mesures et des mécanismes de redevabilité. Nous travaillons en partenariat avec une ONG internationale qu’on appelle « CIVIC » (Civilians in Conflict) qui a aidé la Force conjointe à mettre en place ce qu’on a appelé le MISAD qui est le Mécanisme d’identification, de suivi et d’analyse des dommages causés aux civils et qui a été mis en place en juin dernier, par suite d’une décision du Commandant de la Force conjointe, le général Oumarou Namata. A l’heure actuelle, l’ONG CIVIC est en train de conduire des formations au sein de la Force pour qu’elle puisse utiliser ce mécanisme qui va faire le suivi à chaque fois que les civils sont touchés dans une opération. Il faudrait évaluer, voir quelles sont les mesures à prendre pour pouvoir prendre soin de ces civils, de les dédommager au besoin, etc. Le septième et dernier pilier de notre projet consiste à établir des mécanismes et procédures pour situer les responsabilités pour violations des droits de l’homme. Pour la Force conjointe, il s’agit d’un appui fort pour l’opérationnalisation de la Composante police de la FC-G5S à travers le développement de sa doctrine et la formation pour garantir la judiciarisation effective du champ des opérations de la FC-G5S. De l’autre côté, pour le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) ceci consiste en la mise en œuvre de son mandat de monitoring des droits de l’homme et d’élaboration de rapports dans le cadre des opérations militaires.

Dites-nous quelle coordination existe-t-il entre le projet Cadre de conformité du G5 Sahel et la Division des droits de l’homme et de la protection de la Minusma ?

Très bonne question ! Elle (la question) me permet de confirmer ici que le Projet d’appui à la Force conjointe du G5 sahel dans la mise en œuvre du Cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire travaille sous la responsabilité, ici au Mali, de la Division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA. Parce que c’est le Directeur de cette division qui est le représentant de la Haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme ici au Mali et nous sommes intégrés à cette division. De la même manière, dans les 4 autres pays, l’équipe du projet est intégrée aux Bureaux-pays du HCDH.

Cette intégration s’explique par le fait que dans le cadre du septième pilier de notre projet, il y a tout un travail de monitoring des incidents ou allégations de violations des droits de l’homme qui surviennent lors des opérations conduites par la Force conjointe. Ce monitoring se fait par la Division en collaboration avec nos collègues du projet et lorsque nous avons des conclusions par rapport à des investigations, à ce monitoring, nous les partageons avec la Force conjointe pour que des actions correctives soient prises. Le deuxième sous-volet de ce pilier sept, comme indiqué tantôt, concerne ce qu’on a appelé la judiciarisation du champ des opérations militaires. Ça permet donc à la Composante police de la Force conjointe de pouvoir suivre les opérations militaires et de pouvoir donner une suite judiciaire lorsque cela s’avère nécessaire. Donc si des allégations de violations des droits de l’homme sont rapportées lors des opérations militaires, si des individus sont appréhendés lors des opérations, les unités prévôtales intégrées au sein des bataillons de la Force conjointe, font leurs constats et enquêtes préliminaires en tant que Officiers de police judiciaire, élaborent leurs rapports qui sont soumis au Commandant de la Force conjointe pour transmission aux unités d’investigations spécialisées, au niveau de chacun des Etats membres pour les suites judiciaires à donner selon les dispositions pertinentes du droit positif de chaque État. Ici, au Mali, il y a également une unité d’investigation spécialisée au sein des FAMa qui prend le relai et fait les investigations judiciaires approfondies afin que des poursuites soient exercées contre ceux qui, éventuellement, auraient commis des violations graves de droit de l’homme ou du droit international humanitaire, lors des opérations militaires contre le terrorisme, etc.

Monsieur le Coordonnateur, quelles sont les régions ou zones concernées par votre projet ?

En fait, le projet couvre les cinq pays du G5 Sahel : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et le Tchad. Et dans chacun des pays, les zones frontalières sont privilégiées conformément au mandat de la Force conjointe. Nous appuyons donc le respect du droit international humanitaire, des droits de l’homme par la Force conjointe en travaillant dans ces zones d’opération. Ici au Mali, il y a un bataillon de la Force conjointe basé à Boulkéssi, et il y a aussi un détachement qui est à Tessit. C’est donc seulement dans ces zones là qu’il y a les opérations, quoi que parfois, ils se déplacent loin des ces bases pour mener leurs patrouilles et leurs différentes opérations. Au Mali, il y a des opérations régulières contre les groupes armés en général et des patrouilles également pour pouvoir assurer une meilleure protection des civils.

Quel est le positionnement de votre projet dans le cadre du G5 Sahel ?

En fait, le projet Cadre de conformité du Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme n’est pas un organe du G5 Sahel. Le HCDH étant une entité indépendante des Nations Unies, vient en appui au G5 Sahel et plus spécifiquement à sa Force conjointe et à ses démembrements opérant dans chacun des cinq pays (Fuseaux Centre, Ouest et Est). Nous sommes donc une organisation partenaire qui appuie grâce à un financement de l’UE (Union Européenne) que je profite ici pour remercier chaleureusement. Nous essayons donc de soutenir l’initiative des cinq pays du G5, de mettre en commun, de mutualiser leurs ressources en termes de force de défense de sécurité, afin de les soutenir et de leur permettre de mieux répondre aux menaces sécuritaires en conformité avec les normes internationales applicables. Nous sommes essentiellement là pour pouvoir intégrer les droits de l’homme dans les réponses militaires qui sont apportées aux menaces sécuritaires.

Le Cadre de conformité relève de quelle structure ?

Le Cadre de conformité a été mis en place par les cinq Etats membres du G5 Sahel avec l’expertise et l’appui technique du HCDH et grâce au financement de l’Union européenne. En fait, le G5 Sahel est propriétaire de ce Cadre de conformité. Vous aurez compris que ce sont en réalité les obligations internationales de ces différents Etats, du point de vue droit international humanitaire et des droits de l’homme, qui sont résumées, condensées et déclinées en mesures concrètes et pratiques dans ce cadre de conformité. Et donc, le HCDH appuie les pays du G5 Sahel en tant qu’institution onusienne pour la mise en œuvre de ce cadre de conformité. Pour rappel, un Arrangement technique conclu entre le G5 Sahel, l’Union européenne et les Nations Unies, le 23 février 2018 à Bruxelles précise la nature, l’étendue et les conditions de l’appui apporté par l’Union européenne au G5 Sahel à travers les Nations Unies.

Pour plus d’information sur le travail du Projet Cadre de conformité vous pouvez consulter les fiches d’informations sur le projet ainsi que notre premier rapport public qui a été lancé le 5 août 2020 à l’adresse Internet : www.ohchr.org

Propos recueillis par B. Daou
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