Depuis quelques mois, le transport en commun dans la capitale malienne connait un phénomène étrange. Les motos taxi, à peine créées, ont inondé la circulation avec comme conséquences le bouleversement du transport public urbain en générale. Si certains usagers apprécient à sa juste valeur ce moyen de transport informel, les transporteurs,quant à eux, le trouvent inquiétant. Ces derniers ont invité les plus hautes autorités de l’État à anticiper le « problème » avant qu’il ne devienne incontrôlable.
A peine créées, les motos taxi ont quasiment bouleversé le transport en commun dans son ensemble. Certes, certaines sociétés pratiquent cette activité de façon formelle, mais beaucoup d’autres personnes ou organisations privées le font aussi dans l’informelle. Ce qui fait d’ailleurs la crainte de beaucoup d’observateurs.
Ils estiment que cette activité informelle cause un grand manque à gagner au trésor public en plus de son risque d’insécurité très élevé pour les usagers : « les gens sont beaucoup plus exposés au danger en empruntant les motos taxi parce que, souvent, ce sont juste des jeunes qui prennent leur moto Djakarta en y mettant des casques pour en faire une moto taxi. Dans ce cas, on ne saura pas où se plaindre lorsqu’il y’a problème » a-indiqué Fanta Coulibaly, Une jeune étudiante de la faculté des Droit Privés qui emprunte régulièrement ce moyen de transport. Pour elle, il faut emprunter les engins des sociétés formelles comme Teliman : « Je prends, moi-même la moto téliman parce qu’elle est une société reconnue par l’Etat, comme ça, même en cas de problème je peux à aller à leur siège pour me plaindre », a-t-elle indiqué.
Comme elle, l’entrepreneure Rachel Goïta, explique pourquoi elle préfère les motos de sociétés formelles aux autres motos taxi : « Je prends la moto Téliman au lieu d’autres moto taxi parce que celles-ci ne m’inspirent pas confiance » a-t-elle indiqué.
Pour les conducteurs de moto taxi, cette activité leur permet de gérer le chômage : « Je suis tailleur, mais je pratique ce job pendant mes heures libres parce qu’il n’y’a pas assez de marchés maintenant. Ça me permet de joindre les deux bouts », a indiqué Ousmane Touré, un autre conducteur de la société Bolt, qui ajouter que beaucoup de gens approchent régulièrement sa société en vue d’y travailler.
Ibrahim Sylla est conducteur de ce type de Moto taxi dans la société « CFAO » à Sogoniko. Il est diplômé en licence : « Je pense que ce que ces promoteurs font est bien parce que nous sommes tous jeunes diplômés sans emploi. Donc s’ils ont eu l’idée de faire cette activité. C’est une bonne chose pour un pays comme le Mali où il n’y a pas assez de travail ».
Malgré cette réjouissance des jeunes pour l’arrivée de ce nouveau job, il faut noter qu’ils font face à de nombreuses autres difficultés. Beaucoup d’entre eux n’ont pas de salaire.
« C’est un contrat qui nous lie avec les sociétés. Un contrat après lequel la moto doit nous revenir » a indiqué M. Ousmane Touré, chauffeur à la société Bolt.
Selon lui, pendant toute la durée du contrat, généralement de deux ans, le chauffeur est tenu de payer quotidiennement 3000, 3500, 4000 voire 5000 franc par jour comme recette, selon la société et la capacité de l’engin.
Lassina Coulibaly, employé chez un particulier du nom de Ibrahim Tiokary, trouve cette période de deux années trop longue pour rembourser une moto. Selon lui, les Motos ne sont pas aussi assez solides pour résister après deux années de course intense.
Oumar Sidibé n’a également pas de contrat chez la société Ziggi Go. Selon lui, une première tentative de conclusion de ce contrat n’a pas marché car le contrat qu’avait la société ne les arrangeait pas : « la société dit qu’elle va élaborer un nouveau contrat dans les jours à venir ». Selon lui, les points de non accord sont entre autres, le temps de travail avant que la moto ne revienne au conducteur (2ans), les conducteurs intégralement à leur propre charge, la non reconnaissance de la l’arrêt de travail lorsqu’un chauffeur tombe malade, la gestion des accidents de travail etc.
Malgré cette grande difficulté des conditions de travail, ces employés sont appelés à faire face aussi à la difficulté de collaboration avec les taximen (voiture).
« Franchement, les taximan nous dérangent souvent, ils pensent que nous les prenons la clientèle alors que chacun peux faire son travail sans que ça n’impact sur l’autre » a indiqué Omar Sidibé conducteur à Zigi, et d’ajouter que : « beaucoup de fois, ils nous disent des mauvaises choses ou nous coincent dans la circulation. Il sont à la source de beaucoup de nos problèmes ».
De son côté, Adama Koné chauffeur de taxi (voiture) indique que : « non seulement les motos taxi ont bouleversé les prix, ils n’ont également plus encore la chance d’avoir des clients à l’allée et retour nulle part » a-t-il indiqué.
Mamadou Fofana dit Seyba, un vieux taximan en activité depuis 1980, trouve pour sa part que la question de mototaxi est devenue un phénomène inquiétant au Mali.
Selon lui, le problème n’est pas au niveau des sociétés régulières, mais de ceux qui le font de façon informelle car, selon lui, ces derniers sont en train de s’enrichir sur le dos de ceux qui paient les taxes normalement. « On n’est pas contre eux, mais on ne peut pas accepter que certains s’enrichissent dans une activité à laquelle d’autres paient les taxes ». « Soit on paie tous les taxes, soit on arrête tous de payer » a indiqué le vieux chauffeur de taxi.
Pis, le vieux a indiqué qu’aucun taxi ne prendra de vignette l’année prochaine.
Par la même occasion Seyba a signalé que la vignette que prennent les taximen n’est pas celle des taxis.
A le croire, c’est la vignette des « Dourouni », un véhicule de transport en commun de 16 places qui n’est plus dans la circulation. « On prenait cette vignette pour les Dourouni à 88 000 f, à l’époque. Comme ces véhicules ne sont plus dans la circulation, les autorités l’ont transféré vers les taxis. C’est pourquoi on ne va pas prendre de vignette l’année prochaine tant que cette situation n’est réglée. On ne va pas accepter cette injustice l’année prochaine », a-t-il indiqué.
A croire Seyba, il suffit d’avoir six personnes dans un taxi pour qu’un policier te taxe de surcharge lorsqu’on paie pour 16 places ».
Selon lui toujours, le transport était bien organiser sous le président Moussa Traoré : « j’ai même été une fois enfermé pour avoir refusé de prendre un client, mais aujourd’hui ce n’est pas possible et tout le monde fait ce qu’il veut » a indiqué le vieux Taxi man.
De ce fait, Chaka konaté, également chauffeur de taxi a invité le gouvernement à chercher des voies et moyens afin que le problème ne prenne une autre proportion.
Il a signalé qu’en plus de la vignette à 88 000f, les taxis voiture paient également le stationnement à 36 000f par an.
A noter que pour lutter contre cette prolifération anarchique des motos taxi et de mieux régler le secteur, le Ministère des transports et des infrastructures, à travers la direction nationale des transports terrestres, maritimes et fluviaux, a pris récemment des dispositions afin que les conducteurs des motos taxi puissent être facilement identifiables (moto avec plaque ; conducteurs avec gilet et casque obligatoire).
Cette mesure oblige les promoteurs de moto taxi à s’inscrire à la mairie du District de Bamako et à la compagnie de la circulation routière.
Cette mesure vient dans une circonstance où la mairie est en grève occasionnant une véritable tracasserie entre conducteur de mototaxi et force de l’ordre : « je suis même en train de rentrer à la maison puisque c’est impossible de travailler aujourd’hui. Les policiers sont partout » a indiqué au moment de notre passage à la tour de l’Afrique un conducteur.