Décédé le samedi, le contrôleur général de la police à la retraite, Ifra Oumar Ndiaye a été conduit à sa derrière demeure, le dimanche 28 novembre 2020, par une foule nombreuse. Il repose désormais au cimetière de Niaréla. Nous vous publions l’hommage que lui a rendu son fils Alioune Ifra Ndiaye, opérateur culturel et président de la Fédération des Artistes du Mali.
Ancien de l’ENA, de l’Emia et de l’Ecole de police de Toulouse, mon père, Ifra Oumar Ndiaye, contrôleur général de police, faisait partie d’un groupe de jeunes intellectuels que Tiécoro Bagayogo avait organisé au sein de la police nationale du Mali pour apporter une certaine modernité.
Il avait été ainsi, depuis 1969, au cœur du pouvoir militaire en tant que chef de la Sûreté nationale et chef de l’immigration et de l’émigration au Mali jusqu’à la purge qui a emporté tous les officiers proches de Tiécoro Bagayogo et compagnie en février 1978. Sa photo était d’ailleurs en première page de L’Essor parmi les officiers exposés avec une ardoise au cou portant son nom.
Après un bref passage à Taoudéni et sauvé de la purge parce que considéré comme un “Officier pas méchant” et surtout par un intelligent lobbying conjugué de son beau-père Beydi Traoré (une des plus grandes fortunes de l’époque), de son beau-frère Moussa Sy (le plus grand pétrolier de l’époque) et de ses oncles Isma Ndiaye, Mountaga et Seydou Nourou Tall (de la grande famille maraboutique Tall), Papa a été gardé dans l’armée parce qu’il lui a été fait comprendre qu’il ne devrait pas envisager de démission, car ce serait considéré comme une désertion.
Réhabilité concrètement à la fin des années 80 et début des années 90, il a occupé des responsabilités dans les services de renseignement, les commissariats et les services spécialisés de la police. Il a pris sa retraite quand il occupait les fonctions de directeur de l’inspection générale de la police nationale (la police de la police).
Etant son aîné, Papa m’a donné une éducation très sévère tout en me permettant une totale liberté de choix de vie. Issu d’une famille descendant d’El hadj Omar Tall, le passage à l’école coranique était une obligation pour son aîné. Il m’a ainsi inscrit au vestibule coranique de la famille Tall à Ségou où j’ai suivi, avec mon cousin Thierno Ndiaye, l’école coranique toutes les vacances scolaires pendant 6 ans.
Parallèlement, il nous a inscrits dans l’une des meilleures écoles fondamentales du Mali, l’école de la Cathédrale, dirigée par l’Eglise catholique. Je lui dois ma liberté de pensée, mon amour de la lecture et de l’écriture. Quand il a su mon penchant pour la culture et surtout mon ambition d’être réalisateur dans ma vie active, j’ai bénéficié d’un accompagnement sans faille : livres, projecteurs Ciné super 8 et tous les magazines d’actualités sur le secteur cinéma et culturel, sans parler de mes collections de bandes dessinées.
Sévère et d’une discipline militaire, Papa a été un homme de devoir : de devoir envers sa famille et envers son pays. Depuis adolescent, il m’a toujours préparé à sa mort. Très souvent quand je lui servais de chauffeur, il me rappelait son statut d’officier des forces de sécurité susceptible d’aller à tout moment au front et de ne pas y revenir ; et que je dois être fort pour assurer derrière lui la cohésion familiale. C’est pourquoi, il m’a très vite confié beaucoup de responsabilités dans la famille.
Monogame assumé, Papa m’a toujours déconseillé la polygamie, source, à son avis, de toutes les déconstructions de la société malienne. Papa était père de 7 enfants (3 garçons et 4 filles) et était le point focal des cousins et cousines qui venaient faire leurs études supérieures à Bamako.
La vie de Papa est un exemple pour moi. Il a vécu avec ce qu’il a ; jamais au-dessus de ses moyens. Il n’a jamais cherché à acquérir plus que nécessaire. J’ai aussi vécu auprès de lui l’attitude des gens quand tu es au pouvoir ou en dehors. Les militaires au pouvoir aujourd’hui doivent s’inspirer de sa vie.
Quand il a pris sa retraite, Papa a tout de suite partagé son héritage matériel et de responsabilité entre ses enfants et certains de ses neveux. Ce que j’ai hérité de lui, je l’ai investi dans BlonBa à 100 % avec son accord. Pour les responsabilités confiées à moi, j’espère ne pas le recevoir. Et puis Papa s’est retiré de toute vie publique et s’est entièrement consacré à sa famille et à lui-même.
Devenu très plaisantin, il tenait aux visites de ses petits-enfants qui le lui rendaient bien. Il approchait ses 80 ans. Il a eu une vie tumultueuse, mais très heureuse ! Sa bénédiction préférée était que “Dieu nous aime tous !”