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Le Mali contre la France ? Le défi des négociations avec « les terroristes
Publié le dimanche 6 decembre 2020  |  Orient XXI
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© aBamako.com par AS
La ministre Florence Parly reçue en audience à Koulouba
Bamako, le 02 novembre 2020. En visite à Bamako dans le cadre d`une tournée au Sahel, la ministre française des Armées, Florence Parly, a été reçue en audience à Koulouba par le président Bah N`Daw.
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Faut-il négocier avec les groupes djihadistes qui contrôlent une partie des territoires du nord et du centre du Mali ? Longtemps taboue, la question ne fait désormais plus débat à Bamako, et l’exécutif malien a dû s’y résoudre. Mais un obstacle de taille se dresse face à lui : la France, qui refuse catégoriquement cette option — du moins officiellement. Quitte à la saboter ?

Comme un disque rayé, le refrain des ministres français qui se succèdent à Bamako depuis des années semble se répéter à l’infini. Il est assez simple, pour ne pas dire basique : « On ne négocie pas avec les terroristes ». Point. La ministre des armées Florence Parly l’a rappelé début novembre : « On ne peut pas dialoguer avec les groupes djihadistes qui n’ont pas renoncé au combat terroriste ». Avant elle, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait été plus direct : « Disons les choses très clairement : il y a les accords de paix […] et puis il y a les groupes terroristes qui n’ont pas signé les accords de paix […]. Les choses sont simples ».

Même l’ancien président François Hollande y est allé de son couplet le 13 novembre 2020 sur France Inter : « Il faut être intraitable avec le terrorisme, mais il faut être aussi extrêmement ferme à l’égard du pouvoir malien ». « L’idée que l’on pourrait avoir des négociations avec ceux-là mêmes qu’on cherche à frapper me paraîtrait un manquement par rapport aux engagements qui avaient été pris au moment du départ de cette opération ». Feint-il d’ignorer que l’opération Serval, qu’il avait déclenchée en toute hâte en janvier 2013, a été remplacée par l’opération Barkhane ? Et que les missions de celle-ci sont différentes — du moins sur le papier —, la réalité du terrain n’ayant rien à voir aujourd’hui avec celle qui prévalait il y a sept ans ?

DES GROUPES EN CONCURRENCE AVEC L’ÉTAT

Ces dernières années, les groupes djihadistes ont évolué. Certains d’entre eux mènent désormais plutôt des insurrections rurales que des déclinaisons locales d’un djihad global. Leurs combattants, y compris leurs chefs, sont tous ou presque des enfants du pays qui ont pris les armes pour des raisons qui n’ont souvent rien à voir avec la religion. Même leurs méthodes ont changé : s’ils font toujours régner la terreur dans certains villages où les populations leur résistent, ils tentent la plupart du temps d’administrer les zones qu’ils contrôlent par le dialogue et en proposant des services que l’État est incapable d’assurer — notamment la justice. Ce modèle qui entre en concurrence directe avec celui proposé depuis des décennies par les États sahéliens issus des indépendances a séduit une partie de la population. L’insurrection a ainsi gagné du terrain : du nord du Mali où elle était cantonnée en 2013, elle s’est étendue au centre du pays, puis au nord et à l’est du Burkina Faso, et dans le sud-ouest du Niger.

La donne a également changé à Bamako. Durant plusieurs années, l’idée de nouer le dialogue avec les chefs de certains de ces groupes relevait du tabou. Seules quelques personnalités osaient l’évoquer — et encore, avec des pincettes. Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (dit « IBK ») y était pour sa part farouchement opposé. Mais depuis près de quatre ans le débat est engagé. Aujourd’hui, la posture intransigeante de la France entre en contradiction avec celle, beaucoup plus souple, du gouvernement malien. Face à Le Drian, Moctar Ouane, le premier ministre du gouvernement de transition issu du coup d’État militaire du 18 août 2020 qui a abouti à la démission forcée d’IBK, ne s’est pas laissé intimider. Évoquant une « opportunité d’engager une vaste discussion avec les communautés », cet ancien diplomate a rappelé une évidence qui semble échapper aux officiels français : ce n’est pas seulement l’exécutif malien qui envisage de discuter avec les djihadistes, mais tout un pan de la société.
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