Si dans de nombreux pays industrialisés, où l’âne a pratiquement disparu comme moyen de transport, la traction animale est devenue anecdotique, cet animal a encore de beaux jours devant lui dans les pays en développement, comme le Mali, où il demeure un porteur sûr, fort et efficace, parfois pour la survie de familles entières.
Ici, l’histoire de l’âne, comme le cheval, est intimement liée à la vie des populations de la contrée. L’animal a été, très tôt, utilisé pour le transport des individus et de leurs biens. Sa domestication a permis aux hommes de s’affranchir de la vie sédentaire et de favoriser les échanges et le commerce. Dans ces régions, chaque famille sédentaire ou nomade possède un à deux ânes qui jouent un rôle important pour le chef de famille.
Abdou Assagaïdou est un vendeur d’ânes sur le marché de Wabaria. Depuis plus de 10 ans, il exerce ce métier. « Avant, quel que soit l’état de l’âne, son prix ne pouvait dépasser 35.000 Fcfa. Mais aujourd’hui, sur le marché de Wabaria, l’âne atteint facilement 75.000 Fcfa par tête. Parce que des étrangers viennent faire leur marché ici, pour ensuite revendre les animaux au Niger et au Burkina Faso. Souvent, je peux vendre 30 à 40 têtes, par jour, à raison de 75.000 Fcfa par bête », a déclaré Abdou Assagaïdou.
Il est loin le temps où l’âne n’avait pas de valeur. De nos jours, son prix a grimpé par apport à d’autres animaux, notamment la chèvre. Sur le marché de Wabaria, les variations à la hausse du prix d’un spécimen (50.000, 60.000, jusqu’à 75.000 Fcfa) expliquent cette évolution. Des acheteurs maliens, qui viennent au marché de Wabaria, utilisent l’âne pour plusieurs activités, par exemple les travaux champêtres. Dans le Sud du Mali, on travaille beaucoup plus avec les ânes que le Nord du pays. Cet état de fait entraine le prix de l’animal, à la hausse, parfois de façon subite.
Moussa, que nous avons rencontré sur le marché à bétail de Wabaria, est propriétaire de deux ânes mais ce jour-là, il était venu au marché pour vendre ses deux bêtes. Il les a achetés, en 2004, à 80.000 Fcfa les deux soit 40.000 Fcfa chaque bête. Mais à l’approche de la crue, il revend ses ânes. Parce que, selon lui, son travail, c’est de transporter de l’argile dans les champs durant la décrue, pour 2.500 à 5.000 Fcfa par charrette et en fonction de la distance. Moussa est affirmatif : c’est grâce à l’effort de ses ânes qu’il a pu économiser pour se marier.
Aboubacar Yoro est vendeur d’ânes au marché de Wabaria, depuis 15 ans. « Tous les animaux sont utiles mais l’âne l’est plus que les autres », dit-il. Parce que, selon Aboubacar, en brousse, l’éleveur qui n’a pas d’âne ne pourra pas faire abreuver son troupeau.
Dans le cadre de l’élevage, l’utilité de l’âne est multiple. Parmi lesquels, on peut citer le transport des éleveurs d’un site à un autre, l’exhaure des puits très profonds.
Ismaguel Ag Aljoumagat est un pionnier de la traction par l’âne dans la Région de Gao. Selon lui, depuis le temps du premier président, Modibo Keita, à l’époque de sa petite enfance, à aujourd’hui, il n’a connu aucun autre métier. Pour lui, l’âne est « le véhicule du pauvre ». Il a acheté son premier âne à 2.000 Francs maliens (FM). C’était au temps de Modibo Keita. C’est, d’ailleurs, sous ce régime que le prix de l’âne a grimpé de 2.000 pour atteindre 4.000 FM. « Avec le régime de Moussa Traoré, il y a eu un peu de variations sur le prix des ânes. L’âne était vendu de 10.000 à 15.000 Fcfa. Mais la valeur marchande de l’animal n’a véritablement connu une hausse que sous le régime de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita. Le prix de l’âne, sur le marché de Gao, a alors varié de 45.000 à 50.000 Fcfa. En ce moment, pour avoir un âne bien portant, il faut débourser 75 000fcfa », raconte Ismaguel Ag Aljoumagat.
Pour lui, l’âne est un équipement pour les pauvres parce qu’il permet de faire tout ce qui vous vient en tête. Sauf que, s’il meurt, on ne peut pas consommer sa viande.
Le directeur régional de la production industrielle animale de Gao, Aboubacar Abba Maiga, indique qu’en 2020, ses services ont enregistré 220.746 ânes dans la Région de Gao.
L’exportation de l’âne n’a pas atteint des proportions importantes mais, il y a un petit nombre qui va vers les pays côtiers. Dans certaines zones pastorales, on peut retrouver des ânes à l’état sauvage et qui se reproduisent en brousse.
Au Mali, où elle opère depuis 1996, la Société pour la protection des animaux à l’étranger (Sapana-Mali) est une antenne de l’Ong britannique créée, en 1923, par Kate Hosali et sa fille Nina. Son but est de dispenser des soins vétérinaires aux équidés appartenant à des personnes démunies.