Au Mali, il est presque devenu ordinaire de dire que l’insécurité s’est généralisée dans tout le pays. Le plus étrange dans cette affaire c’est que cette situation se déroule sous un régime d’exception qui a vu les militaires s’emparer du pouvoir. On a comme l’impression que la situation sécuritaire malgré des événements douloureux était meilleure sous le président déchu.
Certes, aujourd’hui, le cas qui interpelle le plus l’opinion c’est surtout l’embargo qui sévit dans le cercle de Niono qui ne se trouve qu’à quelques centaines de kilomètres de Bamako. Ici, il y a bien une dose de tension intercommunautaire, mais c’est surtout du terrorisme qui sévit empêchant la population de vivre et de vaquer à ses occupations en toute quiétude. Le cas dans le cercle d’Ansongo est différent de celui de Niono.
Dans cette localité de la région de Gao, les militaires sont cantonnés dans leurs camps et ne s’aventurent même pas à 15 km de leurs bases. La plupart du temps s’ils le font c’est en collaboration avec Barkhane ou la MINUSMA. La population a beau appelé nos militaires au secours, ceux-ci n’hésitent à les renvoyer balader ou à s’adresser aux forces étrangères. Pourtant, l’espoir avait été suscité au mois de mai dernier lorsque les militaires ont signé leur retour à Labezzanga, situé à quelques kilomètres de la frontière nigérienne. Ils avaient quitté ce camp au mois de novembre 2019 après l’attaque du camp d’Indeliman où une cinquantaine de militaires avaient été tués. Mais cet espoir des populations du retour des militaires n’a été que de courte durée.
Selon une source digne foi, la violence s’est étendue de la localité d’Ansongo jusqu’à la frontière nigérienne. Ainsi, plus de 90% des usagers de cet axe ont été victimes de braquage, d’enlèvement ou parfois même de meurtre. Et que dire des autres localités de ce cercle comme Ouatagouna, Fafa, Talataye, Bentia, Seyna, même Labbezanga où les militaires disposent d’une base. Les populations de ces localités sont les victimes collatérales des affrontements meurtriers opposant deux entités terroristes rivales. Il s’agit du « Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans » (GSIM) et l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS). Lesquels se livrent une guerre sans merci pour le contrôle du territoire. Très souvent c’est Barkhane qui y mène quelques raids aériens neutralisant des leaders comme c’est le cas d’un chef militaire du GSIM en la personne du Colonel déserteur Bamoussa Diarra abattu le 10 novembre dernier dans la zone. Il y était pour planifier des opérations contre l’EIGS qui prend de plus en plus pied dans la zone. Outre les autres types d’exactions énumérés plus haut, c’est terroristes mettent aussi en scène des exécutions publiques de personnes pour collaboration avec les forces loyales comme cela se passait en Irak ou en Afghanistan. Sans compter le paiement d’impôts appelé aussi « zakat » qu’ils exigent à tous les citoyens obligés de céder une partie de son bétail et même parfois l’une de ses épouses ou filles pour servir d’esclaves sexuelles. Ces faits se déroulent sous l’œil impuissant des autorités et des militaires cantonnés autour des grandes agglomérations.
Ainsi, c’est donc un drame humanitaire sans précédent qui guette le cercle d’Ansongo. La situation risque d’être hors de contrôle si rien n’est fait. Déjà, la confiance entre les populations et les dirigeants souffrent énormément du fait de certaines pratiques malsaines comme la corruption et le racket imposés à d’honnêtes citoyens. De plus ces derniers n’arrivent même plus à se rendre dans les champs alors qu’actuellement c’est la période des récoltes. Sans compter le bétail décimé par les terroristes qui s’en servent pour s’alimenter ou pour acquérir des armes. Au regard de cette situation, on assiste aussi à un déplacement massif des populations. Déjà, on compte dans le cercle d’Ansongo des milliers de personnes déplacées internes. A cela s’ajoutent les personnes qui ont fui soit vers d’autres localités maliennes légèrement épargnées par l’insécurité ou au Niger voisin.
Il urge donc pour les militaires à la tête du pays d’arrêter de tronquer leurs uniformes contre les basins et de privilégier le terrain plutôt que les bureaux climatisés. On se rappelle qu’en 2012 c’est la prise du pouvoir par le capitaine/général Sanogo et sa bande qui a précipité la chute du Nord du pays. Les mêmes causes produisant les mêmes effets aujourd’hui encore leur action bien qu’ayant été au départ saluée par une grande partie de l’opinion laisse un goût amer puisque l’insécurité n’a jamais été aussi préoccupante dans tout le pays.