Dans le vent qui a agité les cèdres et les roseaux, le régime d’IBK s’effondrait, et sur ses cendres fumantes naquit la transition houleuse, un baobab nommé ATT se couchait, Moussa Traoré était rappelé à Dieu, suivi de Soumaïla Cissé,
Avalanche de crises comme des coups de poing reçus en plein visage et qui atténuent tout pouvoir de résistance. Aux grèves perlées se combinait une foudre qui s’abattait sur les manifestants avec son lot de morts et de blessés. Foudre déclenchée par les irrésistibles contestations électorales nées des dernières législatives alors que la tornade de l’insécurité frisant le cyclone s’amplifiait. Tout comme l’opposition au régime voyait de jour en jour grossir ses rangs. A la pointe du combat, l’imam Mahmoud Dicko entouré d’anciens Premiers ministres et ministres et une flopée d’associations et de partis terrassaient l’hydre avec un coup de main salvateur des militaires.
Gorges chaudes
Le climat était pourri. Et les choses s’empiraient. Tenez ! Les procureurs et poursuivants réunis en association ne sont pas allé avec le dos de la cuillère. Son président, Cheick Mohamed Chérif Koné fixait l’éparpillement des remarques ou extraits d’interventions du tout nouveau ministre de la Justice en une entreprise de démolition de l’Administration où tout semble sens dessous dessus. Dans un brûlot sans précédent, elle s’est insurgée contre « l’imposition d’un magistrat non méritant, voire un néophyte du ministère public à la tête du parquet de la Cour suprême, aux mépris des observations pertinentes du Conseil supérieur de la magistrature, aux seules fins abjectes d’organiser l’impunité des prédateurs de l’économie, convaincus de malversations financières et de détournement de deniers publics. »
Au besoin, elle s’appuyait sur des règles universellement admises régissant le fonctionnement du parquet et la carrière de ses membres pour désapprouver toute nomination à des postes de responsabilité dans le secteur de la Justice, fondée sur des considérations autres que celles tenant au mérite, à la compétence , à l’expérience et la qualité professionnelle. Des pratiques en cours assimilées à un « cafouillage heurtant et l’éthique et la morale, et n’ayant autre but que d’organiser le dysfonctionnement de la Justice, pour les besoins d’une cause manifestement illicite et d’une entreprise profondément immorale. »
Les dieux s’étaient écroulés sur leur tête. Le tout-puissant président de la Commission défense, sécurité et protection civile de l’Assemblée nationale jetait l’éponge. Son char embourbé dans le sable mouvant de son odyssée espagnole où des bordelles de luxe à bord d’un bateau digne de prince massait un zinzin à vous couper le souffle, ne pouvait dans la tempête provoquée reprendre du service. Karim Keïta avait laissé suffisamment de plumes pour reprendre son envol. Flanqué de son frère et des amis, ils trinquaient, besognaient leurs mâchoires dans l’indifférence totale des crises à étages qui sévissent au Mali. Charles Aznavour, auteur d’une célèbre chanson, déclamait: « Il faut savoir quitter la table quand l’amour est desservi. »
Certes, il a fait sienne cette vérité qui n’a pris aucune ride en traversant les temps. Mais des mots sont restés au travers de sa gorge chaude.
Désillusion frappante
Comme un papillon de nuit attiré par les pauvres lumières, le ministre de la Justice d’alors Me Kassim Tapo n’a pas hésité à froisser délibérément la Cour suprême dans l’optique d’un hypothétique gain politique, réduisant le parquet à « sa chose ». Le hic est que ses membres « de par leur statut et leurs missions, n’ont pas d’instructions à prendre auprès du ministère de la Justice, d’avis à recevoir de lui, ou de compte à lui rendre »
La désillusion était frappante, poignante. Me Kassim Tapo ne trouvait plus grâce aux yeux de l’association qui a finalement suspendu toute collaboration avec lui et son cabinet jusqu’à nouvel ordre, annonçait une déclaration en date du 10 août.
L’idylle entre M5 et CNSP sera de courte durée. Le Mouvement du 5 juin donnait de la voix et sonnait la mobilisation de ses troupes dans le dessein de libérer le pays des freins conscients opposés par les militaires aux aspirations légitimes des populations au changement. Son porte-parole Dr Choguel Kokala Maïga, avertissait : « la base du M5 est prête à imposer le changement. Elle n’attend que le mot d’ordre… nous ne voulons pas une rupture avec la transition, mais une transition de rupture ».
L’éminence grise de la lutte Mahmoud annonçait dans la foulée sa retraite dans sa mosquée de Badalabougou. Depuis il est l’objet de critiques voire d’insultes. Ces écorchures, ces coups d’épingle à répétition font bondir de leur cage ses lieutenants. L’heure de rompre le silence pesant est arrivé au moment où des « politiques tapis dans l’ombre » font dire et écrire des mots. D’aucuns citent nommément l’ancien Premier ministre Boubou Cissé très remonté contre leur mentor en raison du rôle imminent qu’il a joué dans le renversement du pouvoir. Jusque-là aucune preuve produite sur son implication présumée dans ce qu’on considère comme une cabale dirigée contre celui qu’il appelait encore son père. Le tout sur fond de menaces à peine voilées de représailles contre les auteurs et les commanditaires de ces « bases œuvres ».
Soif et faim mal contrôlées
Signe qu’ils ne sont pas prêts à changer le fusil d’épaule, jour après jour, pour ne pas dire heure après heure, ils scrutent les réseaux sociaux, sonnent l’alerte dès qu’ils sont contrariés, ruminent colère noire sur colère noire, armés de leur courage, de leur soif et faim de l’illustre homme, ils menacent de mener des expéditions punitives. On parle de chausser en la matière les bottes des hamallistes, qui parait-il, sont rodés dans ce genre de pratiques.
L’opinion qui était en délire semble mettre Dicko dans le même sac que les militaires, le premier soutenant les seconds fortement critiqués pour avoir joué en solo dans la composition du Conseil national de la transition. Toutes les convenances établies auraient été balayées par les militaires comme des feuilles mortes. Précédemment, le mouvement est resté sur le quai alors que train du gouvernement embarquait des forces réfractaires au changement, puis a lorgné sans succès le fauteuil de Premier ministre. En sueur certes, mais pas épuisé, ne tremblant point et pas pâle comme un mort, il approche son rasoir au pouvoir en sonnant la mobilisation des troupes. Le branle-bas de combat annoncé et dont la date reste à déterminer se veut une réaction devant un « danger insoutenable ».
Relations aigres-douces
Au milieu de ces relations aigres-douces, ont prospéré des procès d’intention consécutive au rallongement de l’état d’urgence jugé suffisamment préoccupant pour être acceptable de tous. Les déclarations oscillent entre les reproches acrimonieux et une compréhension guidée par le souci d’endiguer la vague déferlante de la pandémie de coronavirus et l’insécurité qui sévit dans les villes et campagnes. Partis politiques, organisations des droits de l’homme redoutaient une manœuvre destinée à museler les libertés individuelles et collectives selon les uns, stratégie visant à redorer le blason terni par la montée en flèche de l’insécurité dans les villes et campagnes de l’avis des autres. A les suivre, toute tentative de juger d’un œil, fut-il impartial, de l’évolution politique, du climat social et sécuritaire du pays, serait interprétée comme un travail de sape de la transition, au lieu d’y voir un miroir où lire les oppositions, les déchirements, les suggestions. On en venait à la conclusion que la nomination de 17 gouverneurs militaires de régions, une cinquantaine de préfets et de sous-préfets y préparaient le lit.
Avis que ne partagent pas certains citoyens rencontrés au hasard dans les rues. Eux acceptent volontiers de se plier à des exigences sécuritaires mais pas au prix de violations des libertés collectives et individuelles.
La suite des événements semblent conforter l’analyse des détracteurs. La vague de personnalités survenue la semaine dernière.
Pr Doulaye Konaté criait seul dans le désert .Si on ne pouvait frapper du sceau de soupçon sa détermination à nettoyer au karcher la propension à la fraude. « J’ai donné la ferme instruction aux surveillants que les examens soient propres ».
Une digue de mots qui n’a pas empêché la fuite à grande échelle des sujets du DEF.
La mort a frappé aux portes
Le soldat bâtisseur et père de la démocratie, Amadou Toumani Touré s’en est allé le 10 novembre à l’âge de 72 ans, laissant derrière lui un peuple inconsolable qui l’a porté dans son cœur et qu’il avait tant aimé. Il n’était pas de ceux qui avaient présidé aux destinées de leur pays pour le pays les change, le rend fortuné, mais pour changer le pays. Ses grands travaux dignes d’éloges, de légende, ont vraiment transformé le Mali dans tous les domaines.
Auparavant Moussa Traoré, qu’il avait renversé en mars 91, était rappelé à Dieu, suivi de l’ancien ministre Soumaïla Cissé.