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Corridor Niamey-Ouaga-Bamako : Tracasserie et racket des conducteurs et des voyageurs
Publié le jeudi 7 janvier 2021  |  Le Républicain
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© aBamako.com par FS
Les jeunes de Kolokani bloquent la circulation
Les jeunes de Kolokani ont bloqueé la circulation aux véhicule sur la route Nationale No3 pour manifester leur colère face à l`état de la route Bamako-kolokani, le Mardi 18 Septembre 2018.
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L’enquête conduite sous la bannière de la Cellule Norbert ZONGO pour le journalisme d’investigation (CENOZO) et menée par trois journalistes d’investigation, Elie KABORE du Burkina Faso, Boukary DAOU du Mali et Abdoul-Razak IDRISSA du Niger (Montage/ Article racket policier /Elie KABORE/ 22.000 caractères /1 encadré/ 1 tableau) a été publiée le 21 décembre 2020 par L’Economiste du Faso : https://www.leconomistedufaso.bf/2020/12/21/terrorisme-et-controles-routiers-hausse-des-rackets-et-prelevements-illicites/
* Niamey-Ouaga via Dori, au moins 100.000 FCFA de faux frais

* Mali : mairie, syndicat de transporteurs, impôts s’invitent sur les axes routiers

* Lutte contre le terrorisme a aggravé la situation

Le transport et surtout sa fluidité a un rôle prépondérant dans l’économie des États enclavés comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger. D’où la nécessité pour ces États de lutter contre toutes sortes de tracasseries routières sur les principaux corridors déjà affectés par la mauvaise qualité des routes. Mais depuis que ces Etats connaissent des attaques terroristes, ils ont chacun mis en place des dispositifs supplémentaires dont les contrôles sur les axes routiers. Toutefois, ces contrôles ont accentué le racket, les prélèvements illicites aussi bien sur les passagers que sur les transporteurs de marchandises, engendrant de longs délais de route.

Quelle est l’ampleur des rackets et qui sont les acteurs impliqués ? Quels sont les corridors concernés ?

L’enquête a concerné les axes Ouaga-Dori- Petelkole-Niamey, Ouaga-Bobo-Dioulasso-Bama-Faramana-Bamako et Ouaga-Bobo-Dioulasso-Koloko-Sikasso-Hérémakono-Bamako.

Suite à la fermeture des frontières terrestres pour cause de la maladie COVID-19, il a été difficile d’atteindre les villes frontalières qui abritent le dernier poste de contrôle frontalier entre les pays.

Racket systématique

Bouraima Rabo, président de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina Faso (UCRB) : « Le Burkina Faso était un pays exemplaire au niveau de la CEDEAO où il n’y avait ni tracasserie ni racket. Mais avec les attaques terroristes que nous avons vécues dès 2016, le ministre de la Sécurité, en son temps, nous a interpellés qu’il fallait mettre des postes de contrôle en place pour sécuriser la Nation. A un moment donné, nous avons constaté que ces postes de sécurité sont devenus de postes de contrôle documentaire qui font l’objet des rackets et des tracasseries ».

Suite à cette mesure, l’axe Ouagadougou-Dori qui conduit au Niger, qui ne comptait que 4 postes de contrôle se retrouve de nos jours avec une douzaine de postes des PDG (Police, douane, Gendarmerie), s’insurge-t-il. Cet axe semble être le lieu de prédilection du racket. « Sur le trajet Niamey-Ouaga via Dori, c’est un minimum de 100.000 FCFA qu’il faut débourser comme frais de route », raconte Mamoudou B, secrétaire général du syndicat des conducteurs routiers et voyageurs du Niger.

Il note que pour le passage de la frontière Burkina-Niger, les petits véhicules de transport appelés « Toyota Hiace » qui peuvent transporter une vingtaine de passagers déboursent : « Entre 15.000 et 20.000 FCFA ». Le montant peut atteindre 50.000 FCFA notamment au niveau du poste de contrôle douanier pour les bus des compagnies modernes de transport, selon le syndicaliste nigérien.

Les responsabilités sont partagées dans cette situation. Brahima Rabo informe que plus de 90% des chauffeurs ont leurs papiers au complet. Et malgré cela, celui qui paie une commission est libéré plus rapidement qu’une personne qui a ses pièces au complet. Des propos corroborés par Dramane Konaté, un ancien chauffeur de camion rencontré à Bobo-Dioulasso, deuxième plus grande ville du Burkina Faso. Pendant la saison cotonnière, il conduit un camion qui transporte le coton des champs vers les usines de l’Ouest du Burkina. Il a tous les papiers en règle mais après vérification, les agents de sécurité disent : « Tu ne vas pas donner quelque chose pour le café ? ». Le propriétaire du camion n’ayant pas remis des frais pour cela, il est obligé de puiser dans son salaire de 50.000 FCF le mois pour ces agents. Il a été contraint d’abandonner la conduite du camion pour se retrouver dans un taxi à Bobo-Dioulasso.

Le Mali n’échappe pas à cette situation. Pour Moussa Daou, chauffeur malien : « Sur le territoire malien, qu’on soit en règle ou pas, le camionneur n’échappe pas au paiement d’argent qui peut atteindre 5.000 FCFA par poste pour gagner du temps. Mais tel n’est pas le cas en territoire Burkinabè, où on paie aussi, mais beaucoup moins, 1.000 FCFA pour le même motif. Au Burkina Faso, ce sont les transporteurs de passagers qui peinent beaucoup plus », selon son témoignage.

Les auteurs de ces rackets

Les transporteurs routiers et les usagers des routes rencontrent les difficultés au niveau des postes de contrôle, des postes de péages, des postes de sécurité, nuit et jour. Les vérifications portent normalement sur l’assurance du véhicule, la visite technique, la carte de transport, le permis de conduire. Mais constate Moussa Daou, si tous ces documents sont présentés, les vérifications s’étendent sur la présence des pneus de secours, les tapis de contre-poussière, les feux du véhicule, les triangles de signalisation, l’extincteur, la boite à pharmacie, souvent le fonctionnement des feux rouge, des phares. Même s’il est vrai que le Code de la route oblige le chauffeur à disposer de ces outils, ces vérifications sont un prétexte pour percevoir quelque chose.

Selon Brahima Rabo, depuis l’installation du climat d’insécurité, des sommes allant de 1.000 à 5.000 FCFA sont réclamées par poste de contrôle afin de faciliter le passage des véhicules transportant des marchandises en transit au Burkina pour le Niger ou le Mali. Un véhicule de transport de personnes débourse environ 150.000 à 250.000 FCFA comme frais pour traverser le pays.

Un voyage sur le tronçon Ouagadougou-Bobo-Dioulasso dans un car de transport en commun a donné des résultats sur la présence policière sur cet axe. Une douzaine de postes de contrôle a été dénombrée. A la sortie de Ouagadougou et à l’entrée de Bobo-Dioulasso, outre la police, douane, gendarmerie), on y rencontre également les agents des eaux et forêts, les syndicats de transport et les agents de la mairie.

Dans la zone de Kokologo (50Km de Ouaga), un contrôle de douane est rencontré. A l’entrée de Boromo (190 km de Ouaga), la police et les syndicats des transporteurs assurent un contrôle. Pour un chauffeur d’un car de transport en commun, en plus de ces contrôles, il peut tomber sur au moins 2 contrôles ponctuelles de l’Office National de la Sécurité Routière (ONASER). Mais, regrette-t-il, malgré la présence de l’ONASER pour lutter contre l’insécurité routière, des camions traversent le pays en total surcharge et en ne respectant pas la limitation de vitesse. C’est la preuve que la corruption est donc passée par là.

Poste de contrôle ou poste de sécurité ?

Mais une remarque s’impose. Au sortir des villes de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou, les éléments de la police et de la gendarmerie vérifient les papiers d’identité de passagers des cars de transport en commun uniquement. Les passagers en voiture passent sans contrôle. Selon un passager rencontré dans un car de transport, il a voyagé avec des filles de nationalité étrangères qui se rendaient à l’ouest du Burkina Faso à la recherche de travail. Aucune d’elles ne détenait le moindre papier. Au premier poste de contrôle à la sortie de Ouaga, elles ont été isolées des autres passagers pendant un temps. A leur retour, une d’elles a affirmé avoir remis 1.000 FCFA aux policiers pour pouvoir passer, sans la moindre quittance. Elles ont répété le même geste à l’entrée des villes de Boromo et de Bobo-Dioulasso. Vous avez dit contrôle ?

Le voyage sur le tronçon Niamey-Petelkole-frontière Burkina Faso a permis de documenter des mauvaises pratiques. De nombreux usagers parmi les conducteurs et les voyageurs ont affirmé avoir l’habitude de payer des faux frais aux agents de la douane, de la police et/ou de la gendarmerie pour pouvoir franchir les divers postes de contrôle. Avec ou sans les documents officiels de voyages, les frais varient de 1.000 à 2.000 FCFA, selon le cas.

Nouroudine H. est un étudiant nigérien vivant à Ouagadougou. Il est passé à plusieurs reprises par Petelkole en l’aller comme au retour de Ouaga. « Avec mon passeport, il m’est arrivé de donner de l’argent à des policiers. Ils (les policiers) demandent en général « pour le café ». Et c’est au voyageur de voir ce qu’il peut leur donner. Les voyageurs qui possèdent des cartes nationales d’identité payent systématiquement. « Je ne me souviens plus du nombre de 1.000 FCFA qui m’ont été pris », a dit tout souriant le syndicaliste nigérien Mahamadou A. parti à plusieurs reprises en émigration en Côte d’Ivoire via le Burkina Faso. Au niveau des postes frontaliers, il n’y a pas de discussion même avec ta carte nationale d’identité : « tu payes », avance-t-il.

A l’approche des fêtes, les agents de sécurité redoublent d’ingéniosité pour financer leurs festivités. C’est le cas des gendarmes maliens de la sécurité routière à moto qui luttent contre l’excès de vitesse. « Ils sont en équipe mobile et s’installent pour 24 heures, là où ils veulent. Ils interpellent les transporteurs, qu’il y ait excès de vitesse ou pas. Ils ne vérifient même pas les documents et exigent le paiement de 2.000 FCFA chaque fois qu’un camion passe », explique Moussa Daou. Ce qui fait dire à Siaka Ousmane Coulibaly, Secrétaire général du Syndicat des Entreprises de Transport : « Le Mali est en tête de peloton de la mauvaise gouvernance routière dans l’espace UEMOA ». En effet, selon le témoignage de Moussa Daou : « Au Burkina Faso comme au Sénégal, le chauffeur descend de son véhicule pour se rendre auprès des agents au niveau du poste. Au Mali, c’est l’agent qui vient vers le véhicule, pressé de racketter ». Même si dans tous les cas, le racket est systématique, le zèle des gendarmes maliens trahit leur avidité.

Dramane Konaté dénonce ces contrôles inopinés au Burkina Faso. Chaque commissariat de police et chaque brigade de gendarmerie installés sur l’axe Bobo-Dioulasso-Faramana procèdent à des contrôles de pièces. On rencontre également des postes de contrôle spontanés dont certains sont devenus des postes fixes. Mais au Mali : « On rencontre même des structures qui sont installés illégalement pour des contrôles comme le cas de la mairie, du Conseil malien des Transporteurs Routiers (CMTR), les impôts. C’est illégal », s’insurge Siaka Ousmane Coulibaly.

Longues attentes, embouteillages, retards et des pertes de temps

Qu’il s’agisse des opérateurs économiques, des conducteurs ou de simples voyageurs ces pratiques anormales sont décriées par tous depuis longtemps. Elles nuisent au principe de la libre circulation des personnes et à celle de leurs biens. En plus des rackets, les plaintes portent sur la lenteur dans les procédures de contrôle aux différents points d’arrêts. Cette lenteur engendre des embouteillages provoquant de longues attentes et du même coup, des retards et des pertes de temps pour arriver à destination. Ismaïla Lah est le superviseur et point focal de l’Observatoire des Pratiques anormales (OPA) au Mali, mise en place par l’UEMOA et point focal corridor Lomé- Ouaga- Bamako. Il explique que pour lutter contre ces irrégularités l’UEMOA a mis en place en 2005, l’OPA, un instrument de facilitation pour suivre et dénoncer toutes pratiques anormales sur les axes routiers inter-Etats. Les résultats de l’OPA depuis sa création révèlent une persistance de ces tracasseries routières sur les axes des États, soutient son point focal à Bamako, Ismaïla Lah, approché dans ses bureaux sis à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali.

L’OPA documente le phénomène à travers 03 indicateurs à savoir, le nombre de contrôles aux 100 km, les perceptions illicites (en FCFA) aux 100 km par camion et par voyage (en dehors des frontières et aux frontières) et le retard ou temps de contrôle (en minutes) aux 100 km par camion et par voyage.

Les résultats du 24ème rapport OPA publié en juillet 2017 relèvent que les frontières du Mali, du Burkina et du Sénégal exposent les usagers des transports au racket. Le nombre de postes de contrôles varie entre 3 à 4 postes aux 100 km le long des corridors. Le quatrième corridor qui subit le plus de contrôle en Afrique de l’Ouest est le corridor Bouaké (Côte d’Ivoire) -Niamey (Niger) via le Burkina Faso qui totalise 39 contrôles sur une distance de 1.371 km soit 3 contrôles aux 100 km.

Ces contrôles engendrent de nombreuses heures d’attente aux différentes frontières sans oublier la hausse des perceptions illicites. Le rapport évalue à 47.222 FCFA la moyenne de perception illicite observée au 1er trimestre de 2017, en nette hausse comparée à la moyenne 26.562 F CFA observée en 2016. En désagrégeant les données, on note que les montants les plus élevés sont perçus sur le corridor Dakar-Bissau. Sur Ouagadougou-Bamako via Hérémakono, le montant des perceptions moyennes est de 22.488 FCFA dont 11.963 FCFA enregistrés au poste frontière du Mali et 10.525 FCFA enregistrés au poste du Burkina Faso.

Au poste frontière du Mali avec le Burkina Faso sur les corridors Ouagadougou-Bamako via Koury, le montant des perceptions illicites est de 13.888 FCFA en moyenne pour le Mali et de 9.638 FCFA en moyenne pour le Burkina Faso. Sur le corridor Bouaké (Côte d‘Ivoire) -Niamey (Niger) via le Burkina Faso, les prélèvements n’excèdent pas les 10.000 FCFA en moyenne par voyage.

Par ailleurs, le rapport OPA 2017 indique qu’aux frontières, toutes les administrations et les autres corps qui interviennent perçoivent illégalement des sommes. Les corridors impliquant le Mali et le Burkina sont indexés comme percevant : « les montants les plus importants ».

Une entrave à la libre circulation des biens et des personnes

Ces 3 pays appartiennent à deux espaces communautaires, à savoir la CEDEAO et l’UEMOA, qui font la promotion de la libre circulation des biens et des personnes. Ces pays ont même ratifié les nombreux textes communautaires et les ont même internalisés dans leur dispositif interne. Malgré tout, le phénomène persiste.

Ces textes confèrent des droits, notamment celui d’entrer et de séjourner, aux citoyens des différents états membres. Pour la jouissance de ce droit, le citoyen de la communauté doit simplement détenir : les documents de voyage en cours de validité (passeport national, carnet de voyage CEDEAO) et un carnet de vaccination à jour comportant les vaccinations internationales requises, en cours de validité. Une fois ces conditions remplies, aucune somme d’argent ne doit être versée pour le franchissement de la frontière.

La directives n°08/2005/CM/UEMOA relative à la réduction des points de Contrôle sur les axes routiers inter-Etats de l’UEMOA et la décision N°15/2005/CM/UEMOA disposent que chaque pays ait 03 postes de contrôle : si le premier se retrouve au pays de départ, le deuxième se trouve à la frontière et le troisième à destination. Les textes de l’UEMOA prévoient aussi 05 services seulement dédiés pour le contrôle (gendarmerie, police, douane, eaux et forêts, zoo et phytosanitaire), tous regroupés à un même poste de contrôle.

Mais sur le terrain, c’est le contraire. De Bamako à la frontière du Burkina Faso, on rencontre un nombre incalculable de postes de contrôle. Erigés par les policiers et les gendarmes, ils se mêlent de la vérification de surcharge qui est du ressort des postes de pesages.

En termes d’internalisation de ces textes, on peut citer le cas du Niger. En effet, la législation nationale du Niger a aussi consacré le principe de la libre circulation en 1981 en adoptant une ordonnance relative à l’entrée et au séjour au Niger. Elle énonce à son article 3 que : « Tout étranger doit, pour entrer au Niger, être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales, auxquelles le Niger est parti, et par les règlements en vigueur ».

Réaction des autorités

Au Mali, les dispositions de l’arrêté interministériel N° 00-2492/MET-MEF-MJMSIPC-SG du 11 décembre 2002, fixe les taux des amendes forfaitaires en matière de circulation routière : « les taux des amendes forfaitaire sont fixés compte tenu du classement des contraventions comme suit : les contraventions de première classe : 300 FCFA pour les cycles et cyclomoteurs ; 500 FCFA pour les autres véhicules. Les contraventions de deuxième classe : 2.500 FCFA pour les véhicules légers ; 3.000 FCFA pour les véhicules poids lourds ; les contraventions de troisième classe : 6.000 FCFA pour les véhicules légers ; 6.500 FCFA pour les véhicules poids lourd. Le versement opéré entre les mains de l’agent verbalisateur donne lieu dans tous les cas à la délivrance immédiate d’une quittance à souche du Trésor Public. Par conséquent, tout paiement sans reçu ou quittance est formellement interdit et doit systématiquement être refusé ». Abdoulaye Makan Kéita, chef Division Etudes et Planification à la Direction nationale des transports terrestres, maritimes et fluviaux (DNTTMF) informe que le Mali a créé des Postes de sécurité temporaires (Arrêté N°04- 1400/ MSIPC- SG du 21 Juillet 2004, Portant création de Postes de Sécurité Temporaires), mais ils sont différents des postes de contrôle. Le contrôle documentaire revient au poste de contrôle routier. Le poste de sécurité n’est habilité que lorsqu’il a l’information sur un véhicule particulier, qui peut être un véhicule de transport de marchandises (contenant des marchandises frauduleuses) ou de personnes suspectes.

Face aux différentes dénonciations de racket, le Mali a procédé à la suppression de plusieurs postes de sécurité temporaire, à travers un arrêté.

Au Burkina Faso, le ministère de la Sécurité rassure. Suite aux plaintes récurrentes des usagers de la route à propos des rackets des forces de sécurité, une commission de réflexion a été mise en place pour faire des propositions de solutions en vue de réduire la corruption, les tracasseries et les rackets routiers. Mais les chauffeurs routiers du Burkina Faso attendent toujours l’application des conclusions de la commission. Las d’attendre, l’Union des chauffeurs routiers du Burkina (UCRB) a observé une grève de 96 heures (du 14 au 17 octobre 2020) dont un des points visaient à « protester contre les tracasseries routières dont les chauffeurs sont victimes ». Cette grève fait suite à d’autres observées dont les dernières datent de février 2017, aout 2017, octobre 2017, aout 2018, juin 2019. Un des points communs de ces revendications est la fin des tracasseries routières.

En réponse au phénomène, le gouvernement burkinabè a mis en place depuis 2016 le Service de contrôle des services de sécurité (SCSS), une sorte de « Police des Polices », dont l’objectif est de lutter contre toutes les formes de mauvaises pratiques et améliorer l’image de la police. Composé d’une quarantaine d’agents, ce service comprend aussi bien des éléments de la police et de la gendarmerie.

L’existence de ce service n’a jusque-là pas un impact sur les mauvaises pratiques des forces de l’ordre. Les autorités burkinabè ont fait preuve de leur impuissance face au phénomène. C’est le cas du directeur régional de la police nationale de la région du Centre burkinabè, le Commissaire divisionnaire de police, Désiré Ouédraogo. « Il ressort des plaintes que certains policiers s’adonnent à des actes de racket lors de ces opérations », écrit Désiré Ouédraogo, il a décidé qu’à la date du 12 octobre 2020 jusqu’au 15 décembre 2020, les contrôles de documents afférant à la circulation des véhicules sont suspendus sur toute l’étendue de la région du Centre en général et dans la ville de Ouagadougou en particulier. Le directeur régional déplace le problème. Sans lutter contre les mauvaises pratiques, elles reprendront dès le retour des contrôles.

Elie KABORE/Burkina Faso

Boukary DAOU/Mali

Abdoul-Razak IDRISSA/Niger

Cette enquête sur « racket policier dans un contexte de libre circulation dans l’espace UEMOA » a été réalisée en collaboration avec la Cellule Norbert Zongo pour le Journalisme d’Investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO).

Encadré

Siaka Ousmane Coulibaly est le Secrétaire général du syndicat des entreprises de transport

« 37 postes de contrôle au Mali : Tu viens, tu paies et tu passes, c’est la règle »

Siaka Ousmane Coulibaly est le Secrétaire général du syndicat des entreprises de transport. Il explique comment le Mali est resté à la traine dans l’application des dispositions communautaires transposées dans la législation nationale.

Le Mali respectent-ils les dispositions communautaires sur la libre circulation ?

Siaka Coulibaly : La directive n°8 de l’UEMOA définit les points de contrôle comme au départ dans le pays côtier, à la frontière dans les postes juxtaposés, et à l’arrivée. Les dispositions de la Décision n° 15 portent sur les modalités pratiques du contrôle routier inter États sur les Corridors de l’UEMOA et sur les services habilités à contrôler aux postes de contrôle.

Le Mali a transposé ces textes communautaires dans les textes nationaux. Mais ces textes ne sont nullement appliqués.

Combien de postes de contrôles entre Bamako et les frontières du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal ?

Plusieurs et c’est ça qui n’est pas normal. De 48, on a supprimé 11 pour ramener le nombre de postes de contrôles au Mali à 37. Quand on parle de réduction de postes de contrôle, je n’arrive pas à m’entendre avec les autorités.

Par exemple, si tu quittes Abidjan, arrivé à Zégoua (Frontière Mali-Côte d’Ivoire), tu as un contrôle. De là jusqu’à Bamako, les autres postes de contrôle ne doivent être que des postes intermédiaires où on ne doit pas faire de contrôle. Mais ce n’est pas le cas. Ma conclusion est que le nombre des postes de contrôle n’a pas été réduit. Je remarque aussi que les services habilités à contrôler ne sont pas dans les postes de contrôles qui d’ailleurs ne sont pas conformes aux normes. Dans les textes de l’UEMOA, il n’y a pas un service non-étatique ou non-militaire qui doit être au poste de contrôle. Les textes citent 05 services dont la gendarmerie, la police, la douane, les eaux et forêts, les services zoo et phytosanitaire. Ils sont tous regroupés au poste de contrôle. Mais au Mali, ces services ont chacun son poste de contrôle séparés. On rencontre même des structures qui y sont, illégalement, sans être prévues dans les textes.

La manière de contrôler préoccupe également. Par exemple, quand on vient de frontière malienne avec ses papiers à jour, les agents t’obligent à payer de l’argent sans une quittance. Si tu ne payes pas, tu ne passes pas.

En réalité, ceux qui sont en règle énervent davantage les agents, parce qu’ils cherchent et trouveront toujours un alibi pour les rendre fautifs et soutirer de l’argent. Tu viens, tu paies et tu passes, c’est la règle. Ils n’ont pas besoin que tu sois en règle ou pas.

Dans les postes de contrôle, les policiers exigent la carte de vaccination qui doit être exigée à la frontière que par les agents de santé. La décision n°15 de l’UEMOA dit que s’il y a une épidémie, une maladie contagieuse, les pays membres de l’UEMOA prennent des décisions. Quand il y avait eu Ebola, ils ont mis des quarantaines au niveau des frontières. En outre, l’acte additionnel 4 de l’UEMOA par rapport aux produits du cru n’est pas du tout respecté au niveau des douanes. Quand un produit du cru arrive à la frontière, son article 10 exempte de toute taxe. Mais contrairement à ces dispositions, ces produits subissent toutes les taxes au Mali. Et les douaniers s’arrangent pour prendre l’argent sans quittance. Ces tracasseries de tout genre, ces perceptions illicites, ces incitations à user de la corruption au niveau des postes de contrôle sont courants. Tout cela engendre des pertes de temps au moment des contrôles, la lourdeur de traitement des documents des frets aux frontières.

Entretien réalisé par Boukary DAOU/Mali
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