Gagner une élection sans perdre la démocratie : c’est l’équation qui se pose à Macky Sall qui avait eu pourtant le triomphe modeste, au Sénégal qui a prouvé sa maturité civique, et à l’Afrique en ostentatoire déficit de bonne pratique démocratique. Relever ce défi ne devrait pas être la mer à boire pour le Sénégal qui avait réussi l’essentiel en février, à savoir : l’alternance par les urnes en dépit du contexte violent et anxiogène de l’époque. Macky Sall devrait d’abord le faire pour lui-même, pour ne pas paraître en deçà de son ex-challenger Abdoulaye Wade, auteur d’un exploit rare sur le continent : reconnaître sa défaite et féliciter le vainqueur.
Ensuite, le président sénégalais devrait le faire pour que son pays reste cette exception africaine où les contre-pouvoirs jouent leur rôle. Mais le Sénégal ne peut pas faire école par la chasse aux sorcières, que celle-ci soit réelle ou simplement imaginée ou grossie par la communication de l’équipe sortante.
La belle leçon de gouvernance que Dakar a commencé à envoyer à l’Afrique dès février s’estompera si les Wade se disent persécutés, si le Pds annonce sur tous les toits que ses candidats aux législatives sont délestés de leurs voitures au profit des nouveaux régnants et si une figure aussi emblématique qu’Ousmane Ngom est ramené manu militari de la Casamance à Dakar, en pleine campagne pour les législatives et apparemment en raison des audits en cours des années Wade. Ce n’est pas qu’Abdoulaye Wade et son équipe soient au dessus des lois de la République.
En démocratie, ils ne peuvent être que des justiciables. La norme pour tous devant être la reddition de comptes, pas l’impunité. Mais l’Etat de droit a ses règles et ses procédures. Le nouveau pouvoir de Dakar devrait montrer qu’il se conforme à ces obligations. A défaut, il accréditerait la loi d’airain des démocraties lacunaires du continent qui sacrifient toujours l’essence à la paillette.