Cheick Boukadary Traoré, est le fils aîné de l’ex-Président de la République, le Général Moussa Traoré (GMT). Il est né à Kayes en 1962 et a passé les premières années de son enfance à Sébétou, le village de son grand-père. Il a fait ses études primaires à l’école Plateau II, à Kayes ensuite à Bamako. Il a quitté le Mali en 1983 avec une bourse du gouvernement canadien, pour le Canada où il a fait son premier cycle universitaire avant de poursuivre ses études aux États-Unis. Il est diplômé d’un DEC en administration générale et d’un Master en Business administration. Cheick Boucadry Traoré a été recruté par le cabinet Vallot International Consultants en 1992 en tant que Consultant et Conseiller principal en investissements. Dans ses fonctions, il a aidé 7 gouvernements africains et des entreprises étrangers à établir des partenariats privés, en matière commerciale et financière et à nouer des contacts politiques aux États-Unis. Au sein de la société Automated Research Systems (ARS), il a occupé les fonctions de responsable commercial et vice-président chargé du Département des relations internationales. Depuis quelques années, il est établi à son compte. Il est fondateur et Directeur général de Tanex Corporation (Tanexco) une société d’ingénierie financière. Pour Mali-Tribune, il revient sur ses convictions et ses ambitions pour le Mali. Entretien.
MALI-TRIBUNE : Vous vivez au Mali, au Rwanda ou aux Etats-Unis ?
Cheick Boucadary Traoré: Je vis au Mali présentement. C’est vrai que pendant longtemps, je faisais des va et vient car mes enfants étaient aux études aux USA. Dieu merci, ils ont tous fini et sont devenus indépendants.
MALI-TRIBUNE : Pourquoi n’avez-vous pas milité au MPR qui revendiquait l’héritage politique de votre père ?
C. B. T. : J’ai toujours été un activiste et tout le monde me connait pour ça. J’ai un idéal et je ne vais pas le trahir. Je n’ai jamais milité à l’UDPM. Ce que je sais par contre, c’est que l’héritage social de mon père m’appartient car je suis son fils, son sang coule dans mes vaines. Comme j’ai l’habitude de le dire, on ne choisit pas son parent comme les parents ne choisissent pas un enfant. Je suis fier de mon père, je suis fier d’être son fils sauf qu’il y a des différences politiques entre nous. S’il y avait à refaire, je ne changerais rien à cela. Je ne vais pas suivre quelqu’un parce qu’il se réclame du régime de Moussa Traoré et de sa philosophie politique.
On ne m’a jamais consulté pour la création du MPR et jusqu’à aujourd’hui, on ne m’a pas consulté. Nous, nous avons créé un parti politique tel qu’on n’a jamais vu dans l’histoire du Mali : la Convergence Africaine pour le Renouveau (CAR) dont je suis le président. C’est le seul parti jusque-là qui demande à ce que les politiques de gouvernement soient mieux harmonisées, que les gouvernements soient liés à nos cultures, à notre identité. Depuis la création du Mali, aucun parti n’a été créé comme tel. La CAR c’est un parti malien, c’est un parti culturel.
MALI-TRIBUNE : Vous avez été arrêté lors des grèves de l’Uneem, aujourd’hui encore, on se demande qu’est-ce qui poussait un privilégié comme vous à épouser la cause des autres étudiants de l’époque ?
C.B. T. : Moi, j’étais un étudiant comme tous les autres étudiants. Certes, mon père était Président de la République mais, j’ai grandi au village et j’y ai fait mes études primaires. J’ai vu comment les gens vivaient dans le village. Quand je suis venu à Bamako, je ne me voyais jamais comme fils d’un homme d’Etat, la preuve tout le monde me voyait marcher à pieds avec les autres enfants pour rentrer à la maison et tous mes amis venaient des quartiers populaires, notre grin c’était à Bolibana.
Donc, je ne pouvais qu’épouser les causes des jeunes de ma génération. Si j’étais aveuglé par le pouvoir, oui j’aurais pu me soustraire de cela, mais ça ce n’est pas moi. J’ai grandi avec un idéal, c’est la raison pour laquelle j’ai milité et c’est pourquoi j’ai toujours refusé de les suivre dans leurs aventures politiques. Il faut toujours savoir mesurer les choses.
MALI-TRIBUNE : Quel est aujourd’hui votre positionnement politique ?
C.B. T. : La CAR est un parti culturel. Comme je viens de vous le dire, il n’y a jamais eu de parti comme la CAR. Nous ne sommes ni de la droite, ni de la gauche. Un jour, on m’a posé la question en France sur Africa 24, j’ai répondu que nous sommes des Africains, ce que vous ignorez «le Mali depuis l’empire du Ghana, du Songhaï, tout le système reposait sur des économies de marché. Il y’avait un système, je ne dirais pas le capitalisme, mais l’économie de commerce, c’est ce qui a fait connaitre le Mali à l’extérieur.
Les rois et les empereurs ont fait l’expansion de ce commerce à travers le monde. Donc, nous avons cela en nous, mais aussi dans notre culture, si votre voisin n’a pas à manger, vous devez partager avec lui ce que vous avez. Il y a un collectivisme naturel que certains peuvent penser que c’est du socialisme, mais nos pères de l’indépendance se sont trompés. Ils ont voulu imposer un socialisme au Mali en oubliant que ce pays ou ces entités de l’Afrique de l’Ouest ont été connues à travers le monde grâce à l’économie de marché. Nous avons nos valeurs et on ne peut pas enlever ces valeurs là pour imposer un socialisme.
C’est à nous de mieux définir qui nous sommes, en tout cas nous disons que nous sommes des Maliens et nous voulons que nos politiques de gouvernance et celles démocratiques soient harmonisées, mais que cette harmonisation soit mieux liée à notre identité et c’est ça la CAR.
MALI-TRIBUNE : Pourquoi ne vous a-t-on pas vu dans un gouvernement malien ?
C.B. T. : Comme je vous l’ai dit, moi, je ne me trahi pas car j’ai un idéal. Tout juste avant la formation du premier gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita, nous nous sommes entretenus et j’ai été très clair en lui disant que je ne veux pas être ministre, mais si vous avez besoin de moi en tant que citoyen, vous m’appelez et les 3 heures qui suivent, je suis dans votre bureau si je suis au Mali, et si je suis à l’extérieur, les 3 jours qui suivent. Je n’ai pas milité avec ces gens et nous ne partageons pas les mêmes valeurs politiques, mais il y a certaines personnes qui pensent qu’il faut tout faire pour avoir une position. Nous ne sommes pas à la recherche de reconnaissance ou d’honneur, ce que nous voulons, ce sont de bonnes politiques de gouvernance pour notre pays. Nous pouvons attendre et nous avons attendus et maintenant il faut le changement.
MALI-TRIBUNE : Que pensez-vous de la dernière irruption des militaires sur la scène politique ?
C.B. T. : Pour moi, une bonne démocratie ne peut reposer que sur les forces de défense et de sécurité, mais des forces de sécurité modernes. Regardez les grands pays du monde, la démocratie à travers le monde. Au Mali, qu’est-ce que nous avons fait depuis l’avènement de la démocratie, on a détruit nos forces de sécurité soit disant pour ne pas leur permettre de faire des coups d’Etat. Mais ces gens ont oublié qu’une vraie démocratie ne peut se reposer que sur un Etat de droit et la consolidation de notre nation. Mais quand l’Etat de droit est menacé, cela ne peut se reposer que sur la force de sécurité.
Vous avez vu ce qui s’est passé au Mali ces dernières années, on a détruit notre armée, on a détruit notre tissu social. Un moment, les Maliens ont dit assez et ont voulu qu’IBK quitte le pouvoir et l’armée a pris ses responsabilités en mains. Dans une vraie démocratie, un coup d’Etat peut ne pas être accepté, mais elle peut être une nécessité et tel a été le cas cette fois-ci au Mali.
MALI-TRIBUNE : Avez-vous eu des contacts avec la junte ?
C.B. T. : Je suis en contact avec le président Bah NDaw parce que je le connais très bien et j’ai eu des entretiens avec le vice-président Assimi Goïta. J’ai vu en eux des gens compétents et à l’écoute qui laissent leurs ambitions de côté pour aider le pays.
MALI-TRIBUNE : Si on doit relire la constitution, quels sont, selon vous, les aspects importants à prendre en compte ?
C.B. T. : Nous voulons que l’on passe à la quatrième République, mais pour cela nous voulons prendre du temps. Ce n’est pas à la transition, mais au Président élu et au peuple malien de revoir la constitution. Si cela doit prendre deux ans, qu’il en soit ainsi, mais nous voulons cette fois-ci que nos politiques de gouvernance soient liées à nos traditions. Pour cela, même s’il faut aller dans chaque village et traduire les textes dans toutes les langues afin que chacun comprenne, il faut le faire.
MALI-TRIBUNE : Serez-vous candidats à la prochaine présidentielle ?
C.B. T. : En 2013, j’ai été mis en minorité quand j’ai demandé au parti de ne pas aller à la présidentielle. Je ne peux pas m’exprimer sur cette question car nous sommes en train de redynamiser le parti.
Dans les mois à venir, nous serons partout dans les différentes communautés. Après, il y aura un congrès pour savoir d’abord en tant que parti, si nous allons à la recherche du pouvoir ou bien continuer avec nos autres activités.
Une chose est sûre, notre parti existe pour aller à la conquête du pouvoir.