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Affaire dite « atteinte à la sureté de l’état » : Des avocats français et maliens dénoncent l’insuffisance de preuves et des violations graves des droits de la défense
Publié le lundi 11 janvier 2021  |  Le Prétoire
Conférence
© aBamako.com par A S
Conférence de presse des avocats de Boubou Cissé
Bamako, le 8 janvier 2020 Les avocats de Boubou Cissé ont organisé une conférence de presse
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Kassoum Tapo dénonce une « procédure inquisitoire »

Les avocats de l’ancien Premier ministre Boubou Cissé et ses coaccusés ont révélé que le dossier contre leurs clients ne repose que sur du vide. Face à la presse le vendredi dernier à Bamako, l’avocat français Me. Marcel Ceccaldi a affirmé n’avoir jamais traité un dossier aussi absurde de toute sa carrière d’avocat. Selon Me. Kassoum Tapo, avocat de Aguibou Tall, cette affaire va bien au-delà de la personne des mis en cause. Il s’agit du glissement du Mali vers un danger qui pourrait frapper n’importe quel autre Malien.


Dans la salle de conférence de la Maison de la presse, les avocats maliens et français ont surpris les journalistes avec des détails sur les ratés du dossier. Kassoum Tapo a pointé du doigt une ‘’procédure inquisitoire, une justice’’, rappelant les procès en sorcellerie du Moyen Age. Selon lui, il s’agit de défendre la justice, les plus faibles contre les dérives autoritaires.

Quant à Me Ceccaldi, l’avocat de Boubou Cissé, a indiqué qu’il n’est pas étonné de voir de graves violations des droits des personnes poursuivies dans la procédure. La première chose est que la Constitution malienne de 1992 garantie des droits d’assistance des personnes inculpées par un avocat.

Mais ce droit est violé par ceux qui accusent Boubou Cissé de vouloir déstabiliser la transition à travers un complot présumé. Selon Me. Ceccaldi, les accusés devraient être entendus d’abord par un magistrat au lieu d’être enlevés par des hommes cagoulés. C’est là le danger pour tous les citoyens maliens, estime l’avocat français, soulignant la possibilité que d’autres citoyens soient poursuivis sur la base de simples soupçons.

Tour à tour, les avocats se sont relayés au micro pour expliquer les conditions dans lesquelles leurs clients sont privés de liberté en violation flagrante des lois de la République. A en croire l’avocat français de Vital Robert Diop, son client n’a jamais déboursé de l’argent pour un quelconque projet de trouble à l’ordre public. L’avocat s’est particulièrement dit surpris de constater que le dossier n’apporte aucune preuve de l’implication de son client dans une transaction douteuse.

Même son de cloche de la part de l’avocat de Sékou Traoré, le secrétaire général de la Présidence de la République. Le plus choquant dans cette histoire est la manière dont Sékou a été enlevé, déshabillé et mis en isolement par des hommes qui sont censés être sous sa responsabilité en tant que collaborateur direct du président de la République, chef des renseignements généraux.

L’avocat du secrétaire général de la présidence de la République a été on ne peut plus clair sur le fait que son client est accusé à tort par les autorités. « On lui reproche d’avoir transmis des confidences de la présidence à Ras Bath, c’est faux. Sékou n’a jamais rencontré Ras Bath », a raconté l’avocat de Sékou Traoré. Cet avocat est en effet le trait d’union entre Ras Bath et son client, puisqu’il a appelé le chroniqueur au début de la transition lorsque ce dernier s’était attaqué au secrétariat général de la présidence.

L’avocat a affirmé que Ras Bath s’était attaqué à son client à cause des décrets de nomination signés par le président. Par ailleurs, il a été clair que les enquêtes des gendarmes et de la Sécurité d’Etat n’apportent aucune preuve des allégations sur l’implication de son client dans un complot contre la transition. Pour lui, l’offense au chef de l’Etat est un délit de presse et devrait faire l’objet d’une plainte de la part du président contre le chroniqueur.

La même vacuité du dossier a été constatée par les avocats des accusés Mamadou Koné et Souleymane Kansaye qui ont aussi été traités sur la base du faux. Leurs avocats estiment que la moindre des choses serait de présenter des preuves ou des témoins de l’implication de leurs clients dans le présumé complot contre la transition. En attendant la suite, les avocats préviennent que ces violations graves des droits de l’Homme ne resteront pas impunies.







Me Marcel Ceccaldi : « Quand la politique se mêle de la justice, c’est la catastrophe »

Pour la première fois depuis l’éclatement de l’affaire dite complot contre le gouvernement, les 13 avocats (maliens et français) des six personnes accusées avec comme principal présumé instigateur Dr Boubou Cissé, ancien Premier ministre, étaient face à la presse le vendredi 8 janvier 2021, à la Maison de la presse pour partager avec les journalistes leur lecture de l’affaire. Cette première sortie des avocats des accusés met fin au monopole de la guerre médiatique sur cette affaire pleine de zones d’ombre.

Le vendredi matin, ils étaient au total treize avocats à répondre présents à la Maison de la Presse, tous prêts à engager la bataille judiciaire auprès de leurs différents clients. Parmi les avocats présents dans la salle, on peut citer, entre autres, Me Kassoum Tapo, Me Marcel Ceccaldi et Me Eric (avocats français), Me Abdourahamane Ben Mamata Touré, Me Mamadou Traoré.

Tour à tour, ces éminents avocats ont fait un décryptage complet de l’affaire qui continue de défrayer la chronique au Mali.

Dans son mot introductif, Me Kassoum Tapo a d’abord tenu à préciser que les avocats de la défense sont au même niveau d’information que la presse à ce jour sur cette affaire. « Nous n’avons pas plus d’éléments que vous dans ce dossier. Notre analyse d’avocat se fonde sur le communiqué du Procureur de la République sur l’affaire qui a ouvert une information pour complot contre le gouvernement. L’auteur principal de ce complot serait Dr Boubou Cissé qui aurait des ambitions présidentielles qu’il n’a d’ailleurs partagées avec personne. Et le premier élément contradictoire vient justement de là. Car on ne peut pas avoir des ambitions présidentielles et vouloir s’en prendre aux institutions chargées d’organiser ces élections. Cela est absurde », s’étonne le conférencier.

Selon Me Tapo, on accuse aussi Boubou Cissé d’avoir tenu des réunions secrètes avec ses coaccusés. « Ce qui est faux aussi. Aucune réunion secrète n’a été faite entre lui et ces personnes. Aguibou Tall est le demi-frère de Boubou Cissé. Va-t-on lui reprocher d’avoir rencontré son frère ? Quant à Ras Bath, il n’a jamais rencontré Boubou Cissé. Ses rapports avec Boubou remontent à trois ou quatre ans. S’agissant du juge Sékou Traoré, il est accusé d’avoir introduit de la viande sacrificielle au palais, sur recommandation du marabout Lassane Kané qui n’est autre que son oncle. Depuis des années, Sékou Traoré, en croyant pieux, se rend au zihara de son oncle. Le juge Sékou est aussi accusé d’avoir empêché le chef de l’Etat de rencontrer des personnes. Mais ce que le Procureur ne sait peut être pas, c’est que ce n’est pas le Secrétaire général qui gère les rendez-vous du président. Vital, Koné, Kansaye et Aguibou seraient les bras financiers de ce complot. Ils sont accusés d’avoir donné une prime d’adhésion de 200 millions de F CFA. Mais, toujours est-il qu’il n’y a aucune trace de ces 200 millions de F CFA à ce jour. Et les personnes à qui les fonds ont été remis sont restées non identifiées », commente l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali.

A sa suite, Me Ceccaldi signale qu’il n’y a rien dans le dossier qui fonde la culpabilité des accusés. « C’est la première fois dans ma carrière que je vois une telle procédure. Ce dossier est scandaleux. Quand l’action politique se mêle de la justice, c’est la catastrophe », qualifie l’avocat français.

Selon lui, les garanties d’une procédure pénale équitable, comme prévues dans le code de la procédure pénale malienne, ont été violées. « L’avocat doit être présent au moment de la garde à vue de son client. Mais nos clients ont été détenus et séquestrés pendant 8 jours dans un lieu tenu secret. Pire, le principe selon lequel la personne arrêtée a le droit de se faire examiner par le médecin de son choix a été violé. On ne peut pas parler de justice sans l’impartialité », a dénoncé Me Ceccaldi.

Selon Me Eric, les avocats ne savent rien de l’enquête faite par la Sécurité d’Etat. « Nos clients sont détenus ; ce qui doit supposer l’existence de preuves précises et graves contre eux. Or il n’en est rien. Il y a une absence totale d’éléments probants dans ce dossier. Il faut qu’ils nous disent quand et où ont été tenues les réunions nocturnes et avec quels témoignages ? Les éléments qui motivent la détention provisoire ne sont pas réunis », explique Me Eric.

Selon Me Abdourahamane Ben Mamata Touré, les questions qui ont été posées par les agents de la Sécurité d’Etat à son client Sékou Traoré prouvent à suffisance que le dossier est vide et qu’il n’y a que des questions et des affirmations. « Lors de son interrogatoire, il lui a été posé les questions suivantes : « Savez-vous pourquoi vous êtes là ? La réponse de mon client était naturellement non. Les agents de la Sécurité d’Etat continuent : vous n’avez pas vu ce qu’on vous reproche sur les réseaux sociaux ? Réponse : non. Les agents continuent : Sur les réseaux sociaux, on vous accuse de complot contre le gouvernement. Ensuite les questions se suivent : Est-ce que vous avez un lien avec Boubou Cissé ? Comment avez-vous été nommé au poste de Secrétaire général de la Présidence ? Voilà comment notre Sécurité d’Etat financée à coût de milliards enquête sur une affaire de déstabilisation des institutions », ironise l’avocat.

A en croire le conférencier, dans l’imaginaire des agents de la SE le lien entre Sékou Traoré et Boubou Cissé est la position administrative du premier à la Présidence et le fait d’avoir travaillé un moment avec Boubou Cissé au ministère de l’Economie et des Finances. « Donc, dans leur imaginaire si Boubou Cissé est candidat, il pourrait se faire aider par Sékou Traoré. Cela nous amène à poser la question si les autorités de la transition veulent vraiment organiser des élections propres à la fin de la transition. Il est aussi reproché à Sékou Traoré d’avoir introduit de la viande sacrificielle au Palais. Mais la nature de la viande n’a pas été précisée. Nous demandons à la justice malienne de rendre au Mali sa dignité. Car la transition passe, mais la justice demeure », a demandé l’avocat.

Selon Me Mamadou Traoré, le cas de Ras Bath est une violation flagrante de la loi spéciale des délits de presse qui exige un traitement judiciaire spécial. « Au-delà, la poursuite en matière de délit de presse nécessite la plainte de la victime des propos offenseurs », signale le conférencier.

Me Tapo poursuit en disant qu’il est inadmissible que la SE poursuive un délit de presse dans un Etat de droit, dans un Etat démocratique.

Selon lui, jusqu’à ce jour Dr Boubou n’a pas été ni convoqué ni interpellé par la justice malienne.

Interrogé sur la question de savoir si Boubou est dans une situation de fuite, Me Tapo explique qu’il n’en est rien. « Il n’est pas en fuite. Il est en sécurité pour sa vie. Sa vie était en danger », a-t-il dit sans donner plus de détails.

Selon Me Ceccaldi, il n’a pas rencontré son client Boubou Cissé à son arrivée à Bamako. « Et je ne compte pas le faire. Si la SE s’attend à ce que je le rencontre pour le retrouver, elle perd son temps », a-t-il dit.

Ismael Diarra

Birama Fall



Source: Le Prétoire
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