Leur nombre n’augmente pas mais leur charge tend à croître: les engins explosifs improvisés (IED) posés par les jihadistes le long des routes sahéliennes restent le danger numéro un pour les militaires français, poussant les armées à chercher des parades pour mieux s’en protéger.
En l’espace de trois semaines, entre fin décembre et début janvier, cinq militaires de la force antijihadiste Barkhane ont été tués au Mali dans l’explosion d’un IED au passage de leur véhicule blindé léger (VBL), et six autres blessés par une voiture piégée conduite par un kamikaze.
Intensément employés contre les forces occidentales engagées en Irak et en Afghanistan, les engins explosifs improvisés constituent aussi une menace létale pour les troupes françaises au Mali ou au Niger: sur les 50 morts au combat depuis le début de l’intervention militaire au Sahel en 2013, 23 ont été tués par des IED ou par des véhicules piégés, selon le porte-parole de l’état-major français, le colonel Frédéric Barbry.
Ces attaques occasionnent également de très graves blessures parmi les soldats, dont le ministère refuse de donner un bilan chiffré.
"Tous les ans, nous découvrons et empêchons l’explosion d’une grosse vingtaine d’IED posés par les groupes terroristes.Mais tous les ans, nous déplorons en moyenne une dizaine d’attaques par IED", explique le colonel Barbry.
Malgré la récente série d’incidents qui ont endeuillé la force Barkhane, quelques semaines après la libération par les autorités maliennes de 200 prisonniers contre des otages, dont certains possèdent "des expertises techniques" de l’aveu de sources françaises, l’état-major dément une recrudescence de l’usage de ces engins explosifs sur le terrain sahélien.
"Le pic de ces attaques a eu lieu en 2015, elles sont aujourd’hui en décroissance", assure le porte-parole, tout en admettant que les armées constatent une tendance croissante à "l’adjonction d’explosifs artisanaux, avec des charges qui peuvent aller jusqu’à 40 kg".
Face à ce danger invisible, les armées cherchent depuis des années à améliorer leurs dispositifs de détection et à mieux protéger leurs soldats en réduisant les vulnérabilités de leurs véhicules.
- brouilleurs et surblindage -
"Cette menace, nous avons appris à mieux la connaître.En Afghanistan, nous avons amorcé ce processus de protection passive de nos engins, par du blindage, du brouillage et surtout par une autre approche du renseignement en amont des convois pour essayer de déceler les signaux faibles et tenter d’entraver les tentatives de l’ennemi", a rappelé, mardi, la ministre des Armées, Florence Parly.
Aujourd’hui, les armées disposent d’un parc de 400 brouilleurs, dont plus des deux tiers sont déployés au Mali.Les systèmes actuels seront progressivement remplacés par un nouveau dispositif de brouillage, baptisé "Barrage", développé par l’industriel français Thales. Une demi-douzaine sont déjà déployés en bande sahélo-saharienne, essentiellement au sein des troupes du génie chargées d’ouvrir les itinéraires.
Toutefois, admet l’état-major, si "les brouilleurs sont particulièrement efficaces contre les IED déclenchés à distance", à l’aide d’un téléphone portable par exemple, "la très grande majorité des IED sont déclenchés par pression", au simple passage d’un véhicule.
Les armées ont également entrepris de renforcer leurs blindés, en particulier les VBL, les plus vulnérables aux IED, dont 150 exemplaires sont déployés au Sahel.
"Un nouveau modèle de VBL plus durci va très prochainement équiper nos forces.Le déploiement aura lieu au Sahel au premier semestre de cette année", a promis Mme Parly.Selon elle, la France travaille également "à plus long terme sur un programme de véhicule blindé un peu plus lourd dont nous souhaiterions qu’il puisse être conduit en coopération européenne".
Toutefois, "quelle que soit la force du blindage, les quantités d’explosif utilisées au Mali au cours des derniers mois sont telles que même le meilleur engin blindé ne peut pas protéger les soldats qui s’y trouvent", a fait valoir la ministre.
Les armées poursuivent donc leurs travaux pour améliorer la détection des IED, via des radars pénétrateurs de sol, des radars aériens embarqués pour détecter d’éventuelles modifications de terrain, ou encore des véhicules autonomes d’ouverture d’itinéraire."Ces technologies ne sont pas encore au point, reconnaît Mme Parly.Mais nous considérons que ce sont des pistes extrêmement prometteuses".