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Lettre ouverte À Monsieur le Président de la Transition, Colonel-major à la retraite, Bah N’Daow
Publié le lundi 18 janvier 2021  |  L’Inter de Bamako
Bah
© Autre presse par DR
Bah N’DAW, Président de la Transition, Chef de l’Etat.
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Objet: Mise en œuvre d’un accord illégal: Accord issu du processus d’Alger 2015.
Monsieur le président de la transition malienne,

Tout d’abord, l’association politique Faso Kanu tient à vous transmettre ses meilleurs vœux pour la nouvelle année. Vœux de santé pour vous et vos équipes. Vœux de réussite pour la Transition que vous présidez.

Nous vous adressons cette lettre ouverte suite aux différentes déclarations que vous avez faites concernant l’application de l’Accord d’Alger, depuis votre arrivée à la tête de la Transition. Plus particulièrement, votre discours à la Nation du 1er janviers 2021: «Quant à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, il est impérieux qu’il connaisse sans tarder des progrès décisifs et mesurables».

D’où vient ce besoin impérieux d’appliquer un accord illégal, puisque non ratifié par l’Assemblée Nationale ? Vous n’êtes pas sans connaître l’article 115 de notre Constitution qui stipule que «Les traités de paix, de commerce, les traités ou accords relatifs aux organisations internationales, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu de la loi.».

Cet «Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger» est bien un traité de paix.

Cet accord, dans son article 5 qui dit explicitement que «la mise en place d’une Zone de Développement des Régions du Nord, dotée d’un Conseil consultatif interrégional et d’une Stratégie Spécifique de développement adaptée aux réalités socio-culturelles et géographiques ainsi qu’aux conditions climatiques. La Stratégie sera financée notamment par un Fonds pour le développement durable dont les ressources proviendront de sources publiques nationales et de contributions internationales», engage bien les finances de l’État.

Mercredi 16 décembre 2020, votre gouvernement a adopté en Conseil des Ministres, au titre du ministère de l’Économie et des Finances, un projet d’ordonnance portant loi des Finances pour l’exercice 2021. Il y est stipulé qu’au titre des dépenses, l’accent sera mis sur «la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger… Le déficit sera financé par les ressources provenant des aides budgétaires extérieures et par la mobilisation de l’épargne». Un déficit en partie dû au financement de la mise en œuvre d’un accord illégal qui engage l’argent des Maliens, sans jamais leur avoir demandé leur consentement: est-ce démocratique ? La mobilisation de l’épargne consistant pour l’État à emprunter de l’argent aux structures financières nationales, ces emprunts seront remboursés avec intérêts par le même État, donc par le contribuable malien.

Ce traité engage-t-il les Finances de l’État ?

Difficile de le nier, quand, le 18 décembre 2020, deux (02) jours après le Conseil des ministres évoqué plus haut, la Feuille de route réactualisée et signée par le ministre de la Réconciliation nationale, le Colonel-major Ismaël WAGUÉ, et les groupes armés, donne au point 19, le mois de février 2021 comme échéance pour «organiser une table ronde avec les partenaires sur le financement de la Stratégie spécifique de développement des régions du Nord.»

Pourquoi une telle précipitation ?

Lors de votre discours d’investiture à la présidence de la République, le 25 septembre 2020, vous avez déclaré que «L’Accord pour la Paix et la Réconciliation sera appliqué et ne sera révisé que d’accord partie», conformément à l’article 65 dudit Accord qui précise que «Les dispositions du présent Accord et de ses annexes ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement express de toutes les parties».

Est-il seulement envisageable qu’une minorité, rappelons-le, non mandatée par ceux qu’elle prétend représenter, qui est la seule à retirer des avantages indus de cet Accord illégal et anti démocratique, acceptera sa révision ?

Plus loin, dans la même allocution, vous affirmez que «La mise en œuvre des recommandations du Dialogue National Inclusif (DNI) également, je l’avais dit, constitue un impératif. Des dispositions sont prises pour opérationnaliser sans tarder ces recommandations.». Comment appliquer un accord et, ENSUITE, mettre en œuvre les recommandations du Dialogue National Inclusif (DNI) qui a réclamé la révision de ce même l’Accord ? Où est-il fait mention dans la Feuille de route qui opérationnalise sans délai la mise en œuvre de cet accord illégal en pièces détachées, de l’opérationnalisation des recommandations du DNI ? Au-delà du déni démocratique, marque de fabrique de cet accord, il y a là une contradiction qui interroge l’intelligence des Maliens.

Comment réviser un accord, dont les auteurs à charge ont pris le soin d’empêcher la révision et mis un État sur le même pied d’égalité qu’une poignée de rebelles armés ? Comment réviser un accord anti constitutionnel et illégal ? Comment la communauté internationale a-t-elle pu et continue-telle de cautionner et d’imposer un accord anticonstitutionnel, illégal, injuste et anti-démocratique ? Est-il mentionné, quelque part, dans la charte de l’ONU, qu’un état de droit est autorisé à appliquer un accord qui n’a pas été ratifié par les représentants du peuple. Est-il fait mention dans la charte de l’ONU qu’elle est tenue de soutenir un accord qui viole de façon aussi flagrante les institutions d’un pays membre ? Mais, rassurez-nous, le Mali est toujours membre de l’ONU, considéré comme un pays souverain et bénéficie bien des mêmes droits et devoirs que les autres membres ?

Il est temps d’arrêter de bercer d’illusions le peuple du Mali et d’annuler cet accord. Un autre accord, plus inclusif et plus juste sera librement négocié entre Maliens, ce, en préservant les intérêts de tous les Maliens.

Une Transition illégitime pour appliquer un accord illégal et anti démocratique.

Lorsque vous déclarez qu’«À cet effet, tous les obstacles à sa mise en œuvre doivent être identifiés, d’où qu’ils viennent, et les arbitrages nécessaires doivent être faits ! J’en appelle, pour ce faire, au Gouvernement, aux mouvements signataires ainsi qu’à la Communauté internationale». Peut-on savoir Monsieur le président de la transition, pourquoi vous n’en appelez pas au peuple ? En quoi la Communauté internationale serait-elle plus légitime que le peuple digne du Mali pour décider de ce qui est mieux pour sa PATRIE ?

C’est pourtant ce même accord qui, dans son article 51, stipule que «Les Parties demandent à la classe politique ainsi qu’à la société civile, notamment les organisations de femmes et de jeunes, les médias, les communicateurs traditionnels et les autorités traditionnelles et religieuses, d’apporter leur plein concours à la réalisation des objectifs de l’Accord.». C’est insensé de nier au peuple malien la capacité d’analyser cet accord et de donner son avis. Pourquoi n’est-il pas envisagé par cet accord, qui, rappelons-le, n’a jamais été soumis au peuple, ni directement par référendum, ni à travers ses représentants élus démocratiquement, qu’il puisse être rejeté par une large partie de la population malienne ? Ce déni de démocratie ne fait pas honneur à nos dirigeants qui ont signé un tel accord, encore moins à une Communauté internationale qui ne se lasse pas de donner des leçons de droits de l’homme, et dicte aux Maliens ce qu’ils doivent penser et faire. Cet article est digne d’une dictature: le seul droit que je vous accorde est celui de me soutenir dans mon entreprise criminelle envers votre PATRIE! Voilà ce qu’est cette Communauté internationale que vous mettez en permanence en avant, et dont vous semblez vouloir, à votre tour, imposer le diktat au peuple malien. D’autres avant vous s’y sont essayé, où sont-ils aujourd’hui et qui les a détrônés ? Le dernier mot revient toujours au Peuple.

Le point 8 de la feuille de route actualisée de la mise en œuvre de cet accord parle d’«Adopter les projets de textes relatifs à la police territoriale par l’organe législatif de la Transition». Le point 24 d’«Adopter le décret d’application de la Loi d’Entente nationale». Une Transition qui a nommé les membres du Conseil National de Transition, son organe législatif, a quelle légitimité pour appliquer un accord qui n’a pas été ratifié par des députés élus ?

Rappelons que la Cour Constitutionnelle a refusé à ces conseillers la qualité de députés, au motif que ces derniers doivent être élus. Indépendamment du caractère illégal de cet accord, un président non élu au suffrage universel, son gouvernement ainsi que son organe «législatif» dont les membres sont nommés, n’ont aucune légitimité pour appliquer cet accord, aux dépens du peuple digne du Mali.

Monsieur le Président de la transition, pouvez-vous nous expliquer comment un accord illégal peut-il être mis en œuvre, morceau par morceau, par un gouvernement et un Conseil National de Transition dont la légitimité ne repose sur aucune élection ? Sont-ils légitimes pour mettre en œuvre un accord illégal et anti démocratique ? Serait-ce là une manœuvre grossière pour berner une nouvelle fois les Maliens en leur imposant cet accord félon, en pièces détachées et en complicité avec une communauté internationale devenue subitement bienveillante à votre égard ?

Les Maliens, dans leur grande majorité, refusent l’application de cet accord et le dernier mot leur reviendra, avec, sans ou contre vous.



RECOMMANDATIONS

Monsieur le Président de la Transition, dans votre discours d’intronisation du 25 septembre dernier, vous avez justement déclaré qu’«Une Transition ne saurait tout faire. Elle doit se donner des priorités». Dans votre dernière élocution vous confirmez que «Oui, l’essence de la transition réside dans la préparation et la tenue d’élections incontestablement propres, où un vainqueur accepté et congratulé conduira les destinées du pays, renouant avec le projet démocratique pour notre honneur à tous, pour notre bonheur à tous. Des élections tenues à date, des élections méthodiquement organisées, des élections préparées de manière transparente et inclusive !».

En conséquence, nous vous suggérons fortement de renoncer à l’application de cet Accord «partitionniste» et de prendre à bras le corps la mission principale qui incombe à une Transition: l’organisation d’élections propres.

Monsieur le Président de la Transition, vous êtes bien placé pour savoir que c’est la mauvaise gestion des dernières élections législatives qui a conduit les maliens à réclamer le départ de votre prédécesseur, puis au coup d’ÉTAT auquel vous devez votre statut actuel. Afin d’éviter une énième crise post-électorale, il serait judicieux et même incontournable de votre part, de mettre en place un organe unique indépendant pour la gestion des futures élections. Pourquoi tardez-vous à le mettre en place ?

Nous rajouterons qu’en tant que transition militaire, l’essentiel de vos efforts devrait être dirigé sur le retour de la sécurité dans notre pays, le sort des réfugiés et des déplacés à l’intérieur de pays.

Monsieur le Président de la Transition, il y a là de quoi vous occuper légitimement, jour et nuit jusqu’à la fin de la Transition.

En septembre dernier, vous avez affirmé avec force que «La bonne gestion de nos ressources, de nos maigres ressources est, en effet, une obligation». Sur ce point, nous ne pouvons qu’être d’accord avec vous. Nous vous inciter fortement, puisque, apparemment la lutte contre la COVID-19 vous tient à cœur, à investir nos maigres ressources dans nos hôpitaux afin de leur permettre de pouvoir faire face, de façon décente, à la COVID-19 et de limiter les évacuations sanitaires de privilégiés qui coûtent une fortune à la Nation.

Si vous réussissez cette Transition, vous entrerez dans l’Histoire par la grande porte et les Maliens vous seront éternellement reconnaissants d’avoir contribué à améliorer leur sort.

Monsieur le Président de la Transition, laissez au futur Président qui sera élu, le soin de sceller le sort de cet accord illégal qui conduit à la partition programmée de notre pays.

Pour conclure, nous faisons le même vœu que vous, quand vous souhaitez «… rappeler que tout en assumant la continuité de l’État, la Transition ne saurait répéter les erreurs du passé, ni poser des actes qui hypothèquent l’avenir.».

Recevez, Monsieur le Président de la Transition, l’assurance de nos salutations Patriotiques.

Bamako, le 15 Janvier 2021

Le Commissaire Principal de l’Association politique Faso Kanu, Ibrahima KÉBÉ

Ampliations:

Vice-président de la Transition,
Président du CNT,
Ministre de la réconciliation nationale,
Représentant Union Européenne,
Représentant ONU au Mali,
● Secrétaire général ONU (mail).
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