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Opération Barkhane. Pourquoi Emmanuel Macron pourrait annoncer un désengagement français au Sahel
Publié le mardi 19 janvier 2021  |  Ouest-France
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Emmanuel Macron va-t-il, à Brest, ce mardi après-midi, apporter des précisions sur le désengagement français au Sahel ? Une réduction des effectifs de l’opération Barkhane et un ajustement de l’effort tricolore sont envisagés.


Le président français Emmanuel Macron est attendu ce mardi 19 janvier à Brest pour présenter ses vœux aux armées, axés cette année sur la formation et l’égalité des chances.
Comme le veut la tradition, le chef de l’État profitera de cette cérémonie pour faire un tour d’horizon des grands défis militaires de 2021, de l’intervention au Sahel aux enjeux budgétaires, alors que des voix de plus en plus nombreuses s’interrogent en France sur la poursuite de l’opération Barkhane.
Cette opération française a pour objectif d’assurer la stabilité des pays de la région face aux menaces islamistes.
L’armée française combat dans ce secteur depuis 2013. Est-il temps de se désengager ? Les appels en ce sens sont de plus en plus nombreux, surtout après les récentes pertes françaises en combat. Voici des éléments pour comprendre les enjeux de cette question.
La menace terroriste

Depuis 2012, les pays de la zone sahélienne, et en particulier le Mali, sont soumis à une forte pression djihadiste. La présence de mouvements armés islamistes n’était pas nouvelle en Afrique : ils étaient déjà à l’œuvre en Somalie (avec les Shebaab) et au Nigeria (avec Boko Haram). La chute du régime libyen en 2011 a déstabilisé la zone sahélienne et permit l’armement de groupes extrémistes qui sont passés à l’offensive dans le nord du Mali, pays où un coup d’État en mars 2012 avait affaibli le potentiel militaire. Rapidement, plusieurs grandes villes maliennes comme Tombouctou et Gao sont tombées.
De Serval à Barkhane

Une nouvelle offensive vers le sud des groupes armés terroristes a eu lieu en décembre 2012, menaçant le centre du pays, voire la capitale Bamako. La France a alors décidé de lancer une opération militaire baptisée Serval. Elle permettra de stopper l’avance des djihadistes et de reconquérir les terrains précédemment capturés. Serval s’achèvera en juillet 2014 lorsque les forces engagées dans le pays intègrent un dispositif régional : l’opération Barkhane. Elle est lancée le 1er août en appui aux pays partenaires de la bande sahélo-saharienne (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad), avec la mission de lutter contre les groupes djihadistes et d’empêcher la constitution de sanctuaires terroristes.

Qui est l’ennemi ?

Même défaits au Mali, les groupes armés terroristes n’ont pas été totalement détruits et ils ont essaimé sur la zone, profitant des faiblesses des États sahéliens. Les djihadistes ont lancé de nombreuses attaques, tant sur les forces locales que sur les forces internationales dont les Casques bleus de la Minusma, les Français de Barkhane et même les forces américaines au Niger qui ont subi des pertes en octobre 2017.
D’importants moyens militaires français

Initialement, 3 000 militaires français sont engagés avec des 200 blindés, 4 drones, 6 avions de combat, une dizaine d’avions de transport et une vingtaine d’hélicoptères. Leur nombre augmente par la suite : début 2018, 4 500 hommes et femmes sont mobilisés. En février 2020, les effectifs passent de 4 500 à 5 200 hommes.
Des alliés internationaux


Plusieurs coups de pouce alliés renforcent aussi les moyens français. En juillet 2018, le Royaume-Uni déploie au Mali trois hélicoptères CH-47 Chinook et 90 hommes de la Royal Air Force. Puis en août 2018, une cinquantaine de soldats estoniens sont déployés à leur tour à Gao. Fin 2019, le Danemark envoie au Mali 70 militaires et deux hélicoptères Merlin, qui s’établissent également dans la base militaire de Gao. Début 2020, les gouvernements tchèque et suédois valident l’envoi de respectivement 60 et 150 commandos dans le cadre d’un dispositif baptisé Takuba qui associe des forces spéciales françaises et européennes et des unités maliennes.
Des alliés locaux

Le renforcement des moyens militaires des pays du Sahel a vite commencé, par exemple avec la mise en place de la mission européenne de formation EUTM Mali. L’objectif était de renforcer les forces locales mal équipées, mal encadrées et trop peu nombreuses. Une force régionale a été créée : la force conjointe du G5 Sahel, chacun des cinq pays de la zone fournissant un bataillon chargé de missions antiterroristes. Mais elle reste encore insuffisamment robuste.
Un coût humain

Il est difficile de donner des chiffres précis des pertes militaires et civiles pour les pays du Sahel. Mais il est élevé, les tués et les blessées se comptant par centaines chaque année. Pour l’ONU, l’opération de la paix au Mali (la Minusma) est meurtrière : 261 Casques bleus ont été tués depuis 2013. Sur ce total, 145 décès ont été provoqués par des actes hostiles (dont 59 tués par des mines et des IED). Pour la France, depuis 2013, les pertes sont les suivantes : avec la mort de deux soldats le 2 janvier, le bilan est de 57 morts (dont 51 sont « morts pour la France »).
Lire aussi : Soldats français tués en opération : qu’est-ce que le plan Hommage organisé en leur mémoire ?
Un coût financier

Barkhane, combien ça coûte ? La facture des Opex en 2020 se serait élevée à 1,46 milliard d’euros. Une somme en légère hausse par rapport à 2019. Sur ce montant, celui consacré aux opérations au Sahel reste le plus élevé. « La France dépense un milliard d’euros dans cette région chaque année », estime le colonel Michel Goya, ancien des troupes de marine et spécialiste de l’histoire militaire et de l’analyse des conflits.
Un dispositif à revoir ?

En visite au Mali début décembre, le chef d’état-major des armées, François Lecointre, avait confié vouloir « limiter le niveau d’engagement des armées ». Mais le CEMA de préciser : « Il n’y aura pas de “désengagement” au Sahel, juste une “évolution” de cet engagement », selon le journal Le Monde. Quant aux modalités d’un éventuel retrait, le général Lecointre était resté prudent : « Je ne sais pas à quel rythme, ni sous quels procédés [se fera cette évolution], mais ce sera durable ».

Même sentiment chez les politiques. « Après sept années, malgré nos grands succès tactiques, la situation n’évolue pas favorablement sur place. Nous constatons un bilan lourd, trop lourd, et un coût financier important pour la Nation », jugeait récemment le député Thomas Gassilloud (majorité présidentielle) en suggérant de « rester autrement, dans une stratégie de transition […] dans un format moins lourd ».
Un désengagement annoncé ce mardi ?

C’est un tel format que pourrait suggérer Emmanuel Macron ce mardi à Brest, lors des vœux aux Armées. Va-t-il annoncer le désengagement des 600 soldats envoyés en renfort en février 2020 ? Voire détailler un agenda du retrait que l’état-major des armées anticipe déjà puisqu’il a fait passer récemment un appel d’offres auprès de transporteurs multimodaux (terre et mer en particulier) pour disposer de moyens supplémentaires pour une extraction des 500 blindés et des milliers de pièces d’équipements déployés sur ce théâtre d’opérations ?
Rien de moins sûr: peut-être va-t-il attendre février et le sommet de N’Djamena pour détailler sa stratégie et convaincre nos alliés sahéliens que l’effort français va se transformer, au moins au travers d’une présence moins importante sur le champ de bataille.
Opération Barkhane. Pourquoi Emmanuel Macron pourrait annoncer un désengagement français au Sahel

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