Profitant du froid qui sévit actuellement sur la capitale, les marchands de fripe organisent leurs activités autours des habits chauds. Cette année, le secteur bat un peu de l’aile du fait de la pandémie qui perdure.
Le vrombissement des moteurs se mêlent aux hurlements des vendeurs à la criée et aux décibels incontrôlés qui s’échappent des chaines à musique. Au marché du Raida, les vendeurs rivalisent d’ingéniosité et d’ardeur pour attirer l’attention de la clientèle. Sur les lieux, à la faveur du manteau de froid qui enveloppe la capitale malienne, les vêtements chauds sont les plus prisés. Empilés pêle-mêle sur de larges toiles ou sur des tables à peine visibles, pull-overs, jackets, manteaux et blousons sont remués, secoués et essayés à la va-vite. Le marchandage est, en général, très bref.
«Pull ou jacket entre 1.000 et 3.000 francs. Un groupe de jeunes ruraux, flairant la bonne affaire, s’arrête. Ils choisissent quelques pièces et repartent. Interrogé sur la fixation des prix, notre interlocuteur affirme que c’est une question de logique et de flair. «Le ballot peut nous coûter entre 50000 et 100.000 FCfa suivant la qualité et la provenance. Il fait 45 kg et compte 80 à 90 pièces que nous trions en fonction de l’esthétique et de la marque. Nous nous retrouvons donc avec des pièces à 1.000 ou 3.000 FCfa et d’autres, plus luxueuses, que nous accrochons. Pour ces dernières, les connaisseurs sont prêts à débourser plus de 5000 FCfa», confie-t-il. Ce vendeur note cependant une baisse considérable de son chiffre d’affaires par rapport aux années précédentes. Baisse qu’il impute à la Covid-19. «Cette pandémie nous a presque mis à terre. Beaucoup ont préféré arrêter. Les ballots nous reviennent plus chers, sont de moins bonne qualité et il nous faut deux fois plus de temps pour les écouler. C’est toute une chaîne qui est perturbée. Les gros fournisseurs et les importateurs ont été impactés par la crise. Et cela se répercute sur nous, les détaillants », explique-t-il en triturant sa barbe poivre et sel.
Arrêté derrière une table de fortune, un autre marchand décrit aussi une activité au ralenti. «D’habitude, je prenais quatre paquets que j’écoulais en une journée. Actuellement, je m’en limite à deux que je peine à liquider en moins de trois, voire cinq jours. Il y a une baisse de fréquentation et une cherté du produit. Nous ne voyons presque plus les revendeurs qui sillonnent les marchés hebdomadaires», dit-il.
Des difficultés, les gros pontes du secteur en rencontrent également. Vieux, importateur de fripe, explique cela principalement par la rareté du produit. «Les bateaux qui nous venaient tous les 10 jours d’Italie, d’Angleterre ou des Amériques ne sont plus réguliers. Le produit est aussi devenu rare. Des vêtements sont brûlés pour éviter la contamination et beaucoup d’ouvriers sont en quarantaine. Tout cela influe sur le prix du conteneur. À cela s’ajoute les difficultés que nous avons à épuiser le stock que nous avons», explique-t-il.
Samba, un autre fournisseur, se veut plus précis. Entouré par près d’une centaine de paquets qui attendent preneurs, il se livre à un rapide exercice de calcul. «Plus rien ne va, et ce, depuis bientôt un an. Quand on inclut les milliers de nos francs déboursés rien que pour le dédouanement et le fret qui a augmenté, le conteneur de 600 ballots nous revient à presque très cher. À cela s’ajoute la location des magasins qui varie entre 50000 et 100000 FCfa selon l’emplacement. C’est un investissement lourd que nous avons du mal à rentabiliser et les banques n’attendent pas toujours», avance-t-il. Cependant, Samba dit être disposé à consentir volontiers une perte de 5000 FCfa sur le ballot d’habits chauds qui lui reste. «Garder ce stock encore une année, c’est prendre le risque de tout perdre avec la saison chaude. Prions que la pandémie disparaisse d’ici là », renchérit-il.
Les vêtements chauds d’occasion poussent régulièrement tels des fruits de saison aux abords des artères des marchés. Cette année, le secteur est plombé par la pandémie et les mesures restrictives qu’elle engendre. Le froid finira par se retirer et les commerçants espèrent vivement qu’il emporte avec lui la Covid-19.
Mahamadou YATTARA