Résidence officielle du président de la République, le palais fut au cœur des violences de mars 2012. D’abord dans la nuit du coup d’Etat, il fut le théâtre de violents affrontements entre les militaires putschistes et la garde présidentielle. Ses occupants et son personnel passèrent pratiquement toute la nuit sous le fracas des armes. Les balles et autres obus laissèrent de profondes traces sur l’édifice. Mais le pire était à venir avec la mise à sac du palais dans les jours qui suivirent le coup d’Etat.
Depuis, l’édifice est inhabité et inhabitable. Le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, n’y a jamais résidé. L’on a dû installer ses bureaux dans les locaux du secrétariat général qui avait été plus ou moins épargné par les balles. Son agression sauvage jusque dans ses bureaux par des manifestants en colère marqua un nouveau coup dur pour le site emblématique.
Depuis quelque mois, l’on parle de la réfection du palais. Mais les travaux sont loin d’avoir commencé. Et quand ils seront engagés, ils prendront du temps (au moins un an, murmure-t-on). Au regard de l’ampleur des dégâts, le coût des travaux est estimé à plus de 4 milliards de Fcfa.
Il va donc de soi que le nouveau président de République, Ibrahim Boubacar Keïta, ne résidera pas de si tôt à Koulouba. Dans un premier temps, ses bureaux seront installés dans le bâtiment du Secrétariat général.
Mais Koulouba ne restera pas en marge de la fête d’investiture. C’est, en effet, dans la salle des banquets que devrait être offert le déjeuner officiel. Des travaux sont actuellement en cours dans la vaste pièce dépossédée de ses décorations et de certains mobiliers lors des événements de mars 2012.
Centre du pouvoir, le palais de Koulouba a toujours fait rêver nos compatriotes et même nos hôtes. Dressé au sommet des 404 mètres de la colline, le majestueux édifice représente plus qu’un palais. Il incarne la force de l'État et constitue un témoin privilégié de l’histoire de notre pays depuis 106 ans. Du temps de la colonisation, les Français avaient surnommé Koulouba « la colline inspirée ». Après l’Indépendance, les Bamakois le baptisent « la colline du pouvoir ». Et même aujourd’hui, malgré les épreuves de mars 2012, Koulouba reste le symbole de la souveraineté nationale et aspire à redevenir le siège du pouvoir, la résidence du chef de l'État, le cœur et le centre d'impulsion des grandes décisions engageant le présent et l'avenir de la nation.
L'histoire du palais de Koulouba est proprement fascinante. Ce palais fut considéré au début comme la « folle aventure du général de Trentinian ». Pourtant l'idée n'était pas insensée de hisser sur ces majestueux contreforts un édifice chargé de symboliser la force de l'État. C’est donc le général Edgar de Trentinian, lieutenant-gouverneur du Soudan français de 1895 à 1899, qui eut le premier l'idée d'installer sur le site de Koulouba, au Point F des collines de Bamako, le chef-lieu de la colonie, les dépendances du gouvernement du Soudan français.
En 1903, le gouverneur général visita le Point F et le Point G. Séduit par la majesté et la vue que l'on avait du sommet de ces plateaux rocheux dominant la plaine, il approuva de sa haute autorité les projets du général de Trentinian. Les travaux furent activés et le palais était déjà fonctionnel en 1906. Les bâtiments achevés furent occupés au fur et à mesure jusqu'à l'achèvement complet du projet en 1908. Le palais et l'ensemble de la cité administrative de Koulouba ont coûté 4 millions de francs de l'époque, une fortune aujourd'hui.
Koulouba a conservé presque intact son prestige. Son charme particulier tient à sa position géographique idéale. Magnifiquement dressé sur les hauteurs, il est entouré d’autres sommets offrant un paysage exceptionnel, mêlant le vert de la nature et les ocres des sols et des roches. Cependant, l’intérêt de Koulouba ne se limite pas à l’aspect montagneux du site.
Le flanc de la colline d’un relief remarquablement irrégulier, est planté d’un massif forestier touffu par endroits. Pendant la saison des pluies, de petits ruisseaux serpentent sur la pente alimentant une multitude de minuscules sources. Le paysage est alors bucolique et l’endroit offre une vue imprenable sur Bamako. La hauteur et la nature aidant, la colline bénéficie d’un climat plus clément que la vallée et les moustiques y sont rares. Ce dernier atout constitua un argument de poids en faveur du "Point F" pour hisser le logement du gouverneur général loin des fièvres inséparables des rives marécageuses du Niger.
De sa mise en service en 1906 à ce jour, le palais de Koulouba a hébergé successivement 18 gouverneurs titulaires et 4 présidents de la République. Ils assumèrent chacun la charge de diriger le territoire selon les impératifs de l'histoire.
Comme toute œuvre humaine, le palais de Koulouba a subi plusieurs mutations durant son histoire plus que centenaire. Résidence et bureau du chef de l'exécutif territorial pendant la colonisation, Koulouba a vu se succéder en 50 années d'indépendance quatre chefs d'État : Modibo Keïta (1960-1968), Moussa Traoré (1968-1991), Alpha Oumar Konaré (1992-2002), Amadou Toumani Touré (depuis 2002-2012). Dioncounda Traoré (2012-2013) y a travaillé sans y résider. Chacun de ses occupants de longue durée a entrepris d’y laisser son empreinte. Tout en respectant le style architectural d'origine (le style soudanais), ils ont décidé de transformations qui ont embelli et adapté l'héritage colonial aux besoins d'un État souverain et moderne.
Ainsi, du temps de Modibo Keïta, des aménagements importants ont été réalisés au rez-de-chaussée et dans les bâtiments d’habitation. Moussa Traoré fit édifier un second étage. La salle des banquets et le nouveau bâtiment du Conseil des ministres sont à l’actif de Alpha Oumar Konaré. Amadou Toumani Touré a fait bâtir un nouveau bâtiment pour le Secrétariat général.
Ces modifications, généralement bien pensées, ont permis à Koulouba de se moderniser en conservant sa cohérence architecturale. Aujourd’hui, le palais se prépare à un nouveau lifting qui portera sans doute la touche de son nouveau locataire, Ibrahim Boubacar Keïta.