À un an du « sommet de Pau », où Macron décidait l’envoi de 600 hommes supplémentaires, principalement vers le Mali, pour étayer la force « Barkhane » présente au Sahel, le constat est sans appel : la situation s’enlise et devient de plus en plus instable. Au Mali comme dans toute l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, la présence impérialiste française, sous couvert de lutte contre le terrorisme, est responsable et aggrave les souffrances endurées par les populations.
Jean Beide
lundi 18 janvier
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Crédits photos : (MICHELE CATTANI / AFP)
Barkhane : vaste opération de sécurisation du pillage impérialiste des ressources du Sahel
Noyés sous la rhétorique désormais classique de la « lutte contre le terrorisme » et la pompe des hommages politiques rendus par le gouvernement aux soldats morts en opération, les intérêts économiques et géostratégiques de l’impérialisme français n’en demeurent pas moins très visibles. La menace qu’a fait peser, sur les intérêts du capitalisme français, l’avancée des djihadistes du MUJAO, de l’Ansar Dine et d’AQMI au Nord-Mali en 2013, a été l’élément déclencheur des deux vastes opérations militaires (Serval puis Barkhane) qui durent depuis.
Mais le principal enjeu, pour la France impérialiste, est de sécuriser sur le long terme son accès aux multiples ressources naturelles que détient la région du Sahel. Le Nord-Mali, principal théâtre de l’opération Barkhane, constitue en effet une zone stratégique entre la région du Taoudeni, à cheval entre le nord-ouest du Mali et la Mauritanie, où Total est présent pour le pétrole, et l’ouest du Niger où AREVA extrait de l’uranium. Paradoxalement, le Nord-Mali ne constitue pas la région la plus immédiatement essentielle pour les intérêts capitalistes de la France, même si de probables ressources en uranium se trouveraient non loin des villes de Gao et de Kidal. C’est pourquoi, après huit ans de guerre et l’approfondissement des tendances à l’instabilité, la France tente, de réduire l’envergure de son engagement au Sahel et notamment au Mali, afin d’optimiser ses opérations de contrôle.
Enlisement militaire et géopolitique, une guerre loin d’être finie
Quoique des voix commencent à s’élever contre la présence de la France au Mali notamment, et que la population, comme le révèle un récent sondage, se trouve pour la première fois depuis 2013 majoritairement défavorable à son engagement, le conflit est sans doute très loin d’être fini. Le coup d’état qui a conduit, le 18 aout 2020, au renversement par une partie de l’armée malienne du président Ibrahim Boubacar Keïta, allié de l’impérialisme français, témoigne de la grande instabilité qui règne dans le pays. De plus, les exactions de l’armée française et de ses partenaires affiliés contre les populations civiles, en plus des souffrances qu’elles infligent immédiatement, contribuent à renforcer l’influence de certains groupes djihadistes locaux.
A tout cela vient s’ajouter bien évidemment la crise économique déclenchée par la pandémie qui va nécessairement accentuer la pression, à l’échelle internationale, pour la sécurisation des ressources stratégiques. De ce point de vue, il y a donc fort à parier que, malgré les contradictions de cette intervention (qui tend à prendre année après année des airs de caillou dans la chaussure pour l’Etat français), celle-ci ne prenne pas fin de sitôt. Le général Lecointre lui-même a d’ailleurs insisté, dans ses déclarations faites au journal Le Monde, « sur le fait qu’il n’y aura pas de « désengagement » au Sahel, [mais] juste une « évolution » de cet engagement », faisant écho à ses propres déclarations devant l’assemblée nationale en 2018 lorsqu’il pointait le fait qu’il « ne soit pas possible de régler le problème au Mali en moins de dix à quinze ans, si tant est que nous le puissions ».
L’impérialisme français en Afrique de l’Ouest, première cause d’instabilité
La rhétorique anti-terroriste est devenue le principal moyen de justification des guerres impérialistes en Afrique et au Moyen-Orient. Pourtant, en réalité, la disproportion entre l’envergure du déploiement de l’armée française et la réalité militaire de ces groupes est évidente. Mais tandis que les Etats occidentaux pointent régulièrement le terrorisme comme principale source des troubles dans la région du Sahel, certains groupes de réflexion, comme le remarque le journal Foreign Policy pointent quant à eux plutôt « la fragilité des institutions étatiques, l’autoritarisme et le changement climatique comme facteurs d’instabilité ». Or c’est l’accaparement impérialiste des ressources naturelles qui constitue la principale cause de fragilisation des communautés et des populations.
L’impérialisme français au Sahel, loin de constituer une solution, est en réalité le principal problème dans la région. Le pillage des ressources, les destructions causées par la guerre et le vide politique que l’intervention armée produit mécaniquement sont en passe de faire du Mali un bourbier militaire et géostratégique, sur fond de rivalité avec la Chine, la Russie et la Turquie dans la région. Comme l’affirme encore Foreign Policy, « les conséquences négatives de l’unilatéralisme français sont devenues évidentes ces derniers mois. L’expansion de la violence politique au Sahel, malgré l’augmentation de la présence militaire française en février 2020, souligne l’incapacité de la France à résoudre seule la crise sécuritaire au Sahel et augmente le risque d’une extension excessive de sa force armée ».
La France n’a rien à faire en Afrique et nous réaffirmons notre opposition absolue à toute intervention armée au nom des intérêts du grand capital. L’impérialisme français doit être combattu en France et au Mali afin de mettre fin à la principale source des souffrances qui frappent les peuples d’Afrique de l’Ouest et du Sahel.