Un coup c’est Ouaga. Un autre c’est alger. Entre les deux, des missions du Premier ministre Cheik Modibo Diarra et qui, secret défense oblige, cultive un silence-radio sur le contenu des échanges. Et puis, il y a la valse du Mnla et d’Ansardine entre les deux capitales. Avec plus de visibilité que de lisibilité. On sait seulement que l’option du dialogue n’est pas exclue avec les composantes Touareg des deux mouvements. Des capitales occidentales pourraient bien demander cette exception qui traduit le bel embarras des théoriciens de la lutte anti-terroriste de proximité par les forces du milieu dans le contexte de déni et de tiédeur reprochés au Mali d’antan. D’ailleurs, coïncidence ou non, le Mnla a descendu son drapeau à Nouakchott avec le départ de Sarkozy. Sauver le soldat touareg est un objectif partagé : d’où la doctrine de la carotte et du bâton professée par Chef de l’Exécutif malien. Peu importe si les mouvements « bleus » ont violé la charte de l’Onu en agressant un pays aux frontières internationalement reconnues.
La République n’ayant jamais épongé le passif humanitaire des rébellions passées ni souscrit au nécessaire devoir de mémoire pour toutes leurs victimes. Les bouts du puzzle restent épars cependant : entre Alger et Ouaga, personne ne sait si la convergence est totale ou nuancée. Entre la Cedeao et l’Union africaine, personne ne sait jusqu’où peut aller la traditionnelle querelle de leadership. Personne ne sait également si la France réussira à actionner le Conseil de sécurité dans les délais souhaitables. Le sort parisien du président de transition, Dioncounda Traoré « traité » par un ministre, fût-il Fabius semble en tout cas en dire long sur les priorités maliennes de François Hollande.
Lequel n’a pas officiellement « échangé » avec notre président et pire, semble avoir fait du tête à tête franco-nigérien l’axe de son offensive sahélienne. Reste que le Nord n’attend pas. Chaque jour sanctuarise ses barons et ses émirs. Chaque jour propage sa tumeur. Tout a été dit sur la question. Mais quelques vérités structurantes doivent être rappelées. La toute première est que c’est à Koulouba qu’ont eu lieu, le 22 mars, les batailles non livrées au Nord. Celle d’abord d’une vigilance citoyenne curieusement assoupie alors que montaient les périls d’un ventre mou qui finira par incendier la République avant de menacer la sous-région et le monde. Car on l’a vu après coup : la thèse d’un Mnla héritier de l’arsenal hi-tech de Khadafi est totalement fausse.
Les vrais maîtres du terrain conquis ce sont bien les nébuleuses jihadistes d’Aqmi et du Mujao « blanchies » par le prête-nom Ansardine. La deuxième vérité amère est donc que les salafistes se sont nourris des nos inactions, de nos complicités, de nos ignorances ou, bien plus grave de la certitude dissimulée que notre armée est plus une force de parade que de confrontation. Troisième vérité, Tessalit était bien un verrou stratégique, car depuis la chute de Fort Koulouba, une malédiction de type biblique s’est abattue sur le pays, entraînant tout sur son passage.
Et absolument tout : les valeurs, les normes, les sentinelles, les repères et heureusement nos illusions d’ilot blindé dans un océan de mal-pratiques. Un président qui passait pour iconique chassé par des armes lourdes, un président de transition tabassé et laissé pour mort dans ses locaux, deux anciens présidents dérangés dans leur paisible retraite qui est pourtant un indice d’ancrage démocratique. Et digne de l’Etat-voyou, la trame sinistre du nouveau Mali se déroule sous nos yeux, violant ce qui est sacré et remettant en cause ce qui paraissait acquis.