Certaines boulangeries et pâtisseries de Bamako ont entamé hier une grève de 48 heures. En cause le prix de la farine qui est passé de 17.000 à 20.000 Fcfa le sac de 50 kg. Mais la Fédération syndicale des
boulangers et pâtissiers du Mali (FSBPM) se désolidarise de ce mouvement qu’il considère comme «sauvage»
Devant la boulangerie «Djon Gourba», à Bamako Coura, l’ambiance était morose hier matin. Les portes et les guichets de vente étaient fermés. Les tables des boulangers vides, les caisses de transport de pain posées à l’écart. Les motocyclettes livreurs étaient garés, les moteurs éteints. Trois d’entre eux étaient assis devant la boulangerie. Le constat est net : pas de travail ce jour.
Le regard perdu dans le vide, Seydou Diallo, en compagnie d’autres collègues, se tourne le pouce. «Je suis revendeur ambulant de pain. Depuis 5 heures du matin, nous sommes devant la boulangerie, mais il n’y a pas grand-chose. Nous n’allons sûrement pas travailler aujourd’hui», lance le sexagénaire, affirmant avoir appris la nouvelle de la grève tard dans la nuit. Les clients de la boulangerie ont été obligés de rebrousser chemin, en apprenant qu’il n’y avait pas de pain.
Le même constat était perceptible à la boulangerie «Nassiroulaye» à Hamdallaye. À l’intérieur de la fabrique, les étagères étaient vides, les machines et fours à l’arrêt. Un groupe d’ouvriers était présent mais certains dormaient.
«Vous voyez, on ne travaille pas aujourd’hui ! Les employés qui travaillent à la vente ne sont même pas venus. Depuis hier, après la réunion, le patron nous a informés de la grève de deux jours», explique Ousmane Diallo, un ouvrier rencontré sur place. «On nous a expliqué que le débrayage est dû à la cherté du prix de la farine. J’espère qu’on va vite trouver une solution, sinon cette cessation de travail ne nous arrange nullement», poursuit le jeune employé de la boulangerie, l’air inquiet. Plus loin se trouve la boulangerie «Ba Djelika». À l’image des précédentes boulangeries, ici les rideaux sont baissés et les clients repartent les mains vides, visiblement frustrés de n’avoir pas pu se procurer du pain chaud. Là également, un groupe d’employés est installé autour d’un thé. Daouda Camara, boulanger en chef, explique que son équipe a arrêté le travail conformément au mot d’ordre de grève de 48 heures décrété par le syndicat.
«Nous avons constaté depuis plus de deux semaines une augmentation du prix du sac de la farine, passant de 17.000 Fcfa à 20.000 voire 20.500 Fcfa dans certains endroits. Cette hausse ne nous arrange pas. Pour éviter une augmentation du prix du pain, nous avons préféré observer une grève», souligne le boulanger. Il indique que le syndicat a demandé à l’État une subvention de la farine pour éviter une augmentation du prix de la baguette de pain.
Dans le même quartier, une tout autre ambiance régnait dans une autre boulangerie et pâtisserie. Celle-ci n’observait pas visiblement la grève. L’odeur du pain et des produits pâtissiers était perceptible au loin. Un rang interminable de clients à l’entrée. On se bouscule pour se procurer du pain, devenu précieux. En l’absence de leur patron, les employés des lieux ne souhaitent pas s’exprimer sur la grève.
Dehors, un client visiblement content, vient d’acheter deux miches de pain. «Je ne savais pas qu’il y avait une grève des boulangers. Je l’ai appris quand j’ai voulu acheter un sandwich, lance-t-il. Je consomme du pain chaque jour, heureusement, j’ai pu m’en procurer. J’espère qu’une solution sera bientôt trouvée au problème».
Joint par nos soins, Ahmed Dembélé, secrétaire général de la Fédération syndicale des boulangers et pâtissiers du Mali, est formel. «Notre syndicat n’a pas appelé à la grève ce lundi. Depuis 2011, nous avons convenu avec le gouvernement que lorsque le prix du sac reste entre 18. 000 et 22.500 Fcfa, le prix du pain est fixé à 300 Fcfa pour la baguette de 300 g et 150 Fcfa pour la baguette de 150 g», explique le leader syndical.
Selon Ibrahim Cissé, secrétaire général adjoint du Syndicat patronal des boulangers, aussi membre de la Fédération, aucune grève n’a été décrétée. Mais les boulangeries observent un arrêt de la livraison du pain aux revendeurs pour 48 heures, selon lui.
Cette décision, explique-t-il, est due à l’augmentation du prix du sac de farine, qui est vendu entre 19.000 et 20.000 Fcfa depuis décembre. Pour lui, les consommateurs peuvent s’approvisionner directement auprès des boulangeries ouvertes au prix de 300 Fcfa la baguette de 300 g et de150 Fcfa celle de 150 g. Il ajoute que les boulangeries qui ont fermé, l’ont fait parce qu’ils ne peuvent pas travailler dans les conditions actuelles, c’est-à-dire livrer le pain aux revendeurs au prix de 270 Fcfa la baguette de 300 g.
La semaine dernière, un communiqué de la direction générale en charge du commerce, de la consommation et de concurrence (DGCCC) assurait que le département en charge du commerce avait entamé des discussions avec les acteurs de la chaîne d’approvisionnement du pays afin de parvenir à des prix consensuels. Car, le prix fournisseur du sac de farine avait aussi augmenté durant la semaine, révèle la DGCCC qui indique que cette hausse est consécutive à l’envolée du prix du blé sur le marché international.
Pour éviter que ce renchérissement du prix de la farine ne se répercute sur celui du pain, des concertations avec les partenaires du cadre de concertation de la filière blé/farine/pain avaient été organisées, restitue le communiqué. Ces négociations devraient permettre, à le croire, de parvenir à un prix consensuel du sac de farine, conformément au protocole signé entre le gouvernement et le cadre de concertation de la filière.