Dans la perspective du prochain sommet du G5 Sahel qui doit se tenir à la mi-février à N’Djamena au Tchad, le président français Emmanuel Macron mène actuellement une série de rencontres avec les différents dirigeants du Sahel. Après le Mauritanien Mohamed Ould el-Ghazouani, le président nigérien Mahamadou Issoufou, puis le Tchadien Idriss Déby Itno, c’était le tour du président de transition du Mali, Bah N’Daw, d’être reçu par l’Elysée pour un déjeuner, ce mercredi 27 janvier 2021. Pour la circonstance, le locataire de l’Elysée était accompagné de Florence Parly, la ministre française des Armées, et de Jean-Yves-Le Drian, le patron de la diplomatie française. Une véritable reconnaissance selon les observateurs. La convocation a suscité des commentaires acides au sein de l’opinion, alors que le sentiment anti-français va croissant et que Paris semble embourbé dans le pays, neuf ans après le début de son opération militaire.
Le président de la transition, Bah N’Daw n’était pas en France de son propre chef. Il avait été appelé à se présenter à l’ancienne Métropole coloniale. La France qui a une présence militaire importante au Mali voulait s’assurer de l’attitude des autorités maliennes avant le sommet du G5-Sahel prévu pour le 15 février au Tchad. Pour l’Elysée, il fallait mettre les points sur les « i » avec le pouvoir transitoire malien dont le cœur balance entre la Russie et la France.
La convocation de Bah N’Daw s’inscrit en effet dans la suite du sommet de Pau en France, où le président Emmanuel Macron avait intimé l’ordre aux chefs d’Etat du G5 Sahel de clarifier leur position sur la présence française dans leurs Etats. A l’époque, Macron était agacé par l’hostilité de la majorité des Maliens, dont des députés, aux militaires français présents au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane.
Bah N’Daw répondait en réalité de l’actuelle pression interne menée par certaines figures de la transition qui demandent le départ des troupes françaises. Tout comme IBK avait été convoqué pour clarifier sa position sur la présence française en 2019, Bah N’Daw était appelé à se prononcer clairement sur la requête des têtes brûlées de la transition comme le musicien Salif Kéita, Aboubacar Sidiki Fomba et Adama Diarra dit Ben le Cerveau.
Tout le monde avait été attentif au rassemblement avorté de ces activistes du Conseil national de transition (CNT), le 20 janvier 2021. La présence de l’international Kemi Séba du Bénin avait donné une dimension planétaire à la contestation. Le monde diplomatique français suivait donc ce qui se passait au Mali en janvier. Pour ne rien arranger à la situation, les troupes françaises étaient confrontées à des pertes de combattants dans le nord du Mali à cause des terroristes.
En quelque sorte, Bah N’Daw était en France parce que l’opinion française commence à être agacée par ce qui se passe au Mali. D’ailleurs, l’Elysée a décidé de réduire la présence de ses troupes dans les pays du Sahel. La visite de Bah N’Daw en France s’inscrit officiellement dans le cadre des préparatifs du sommet de N’Djamena, mais le fonds de la question est de discuter avec un partenaire dont elle n’est pas sûre.
On se rappelle que plusieurs officiels français s’étaient successivement rendus au Mali depuis l’installation de la transition. Certaines indiscrétions évoquaient d’ailleurs un froid entre les deux pays à cause de l’intérêt des nouvelles autorités maliennes pour la Russie. Le président de la transition, le vice-président et de nombreux autres membres de la transition sont des produits de l’Ecole russe.
L’important pour la France qui veut se retirer peu à peu du Mali est d’être sûr que la pression des anti-français ne va pas pousser le Mali dans les bras de la Russie. Le pays de Vladimir Poutine a bien l’intention d’être sur le terrain malien, surtout qu’un accord de coopération le lie au Mali depuis l’année dernière. En clair, Bah N’Daw a été convoqué par l’ex-puissance coloniale qui ne veut pas laisser le terrain vide.