Grâce aux smartphones, la photographie est devenue un passe-temps extrêmement populaire qui nourrit sans cesse l’internet de clichés plus sensationnels.
Il est parfois difficile de dire pourquoi telle photo plaît à un moment précis. Mais quand cela arrive, l’image fait le tour du monde et elle est vue par un nombre infini de personnes. C’est le cas du colonel Ismaïl Wagué lors de la visite des membres du Gouvernement dans l’Adrar des Ifoghas le lundi 25 janvier 2021.
S’il y a une photo insultante pour la mémoire des soldats maliens qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux, c’est bien sûr celle du ministre Wagué avec un jeune homme exhibant sur sa poitrine le drapeau de l’imaginaire ‘’république de l’Azawad’’. L’image a fait couler beaucoup d’encre et de salive au Mali. C’est peu dire.
Je considère la scène comme une profanation, une injure suprême à la mémoire des soldats qui ont accepté le sacrifice ultime pour la défense de la patrie en danger par la faute des politiques et des officiers de salon. Je condamne avec la plus grande fermeté cet acte de profanation. C’est une vraie insulte au Mali qui justifie d’ailleurs l’indignation des milliers de nos concitoyens sur les réseaux sociaux.
Les commentaires d’une étudiante malienne aux États-Unis montrent à quel point le peuple malien, dans sa grande majorité, est stupéfait par la gravité de cette scène dont l’acteur principal n’est autre qu’un officier supérieur de l’armée malienne. «C’est avec indignation et consternation que j’ai vu le ministre Wagué en photo avec un jeune en turban exhibant le drapeau de l’Azawad sur sa poitrine. C’est un acte odieux et je demande à ce ministre politique de présenter des excuses à ses frères d’arme, aux familles des soldats morts et à l’ensemble du peuple malien», a-t-elle posté sur sa page facebook.
Quelle mouche a piqué mon colonel, pour qu’il oublie les carnages d’Aguelhok, de Gao et de Konna ? Pour rafraîchir sa mémoire de soldat, voici le bilan macabre : 153 morts à Aguelhok par les indépendentistes du Mnla et les combattants islamistes d’Ansar Eddine en 2012 contre les soldats!
Le ministre Ismaïl Wagué, est regardé aujourd’hui par son défunt frère d’arme, le capitaine Sékou Traoré et ses hommes avec honte et déception. Mon capitaine Traoré! Ne sois pas surpris de ce geste maladroit de ton colonel. Depuis le coup d’État du 18 août dernier, le désormais ministre de la réconciliation a pris un goût immodéré de poser en photo avec le premier venu. Mais, cette fois-ci, l’impertinence politique du ministre est synonyme de la reconnaissance de la fameuse république de l’Azawad.
Kidal n’est en effet plus un territoire du Mali depuis belle lurette. Les visites des officiels sont négociées et préparées comme cela se fait pour n’importe quelle sortie du président de la République hors du territoire national.
La population et autres indépendantistes de la ville rebelle brandissent alors le drapeau de l’Azawad, symbole de la rupture avec le pouvoir central de Bamako. Cette rupture n’est plus un projet, c’est une réalité politique et militaire sur le terrain. Aujourd’hui, la branche politique du mouvement indépendantiste met en avant la machine de la diplomatie pour se faire une place au niveau international.
Sur le plan sécuritaire, la ville de Kidal assure valablement sa sécurité avec ses propres moyens matériels et humains. Ce sont les soldats de ‘’l’armée nationale’’ de Kidal qui sécurisent même les soldats maliens cantonnés depuis des mois. Le ministre Wagué doit comprendre que cette photo n’est nullement un geste pour la réconciliation. C’est plutôt une erreur de communication, voire une faute politique qui prépare l’opinion nationale à accepter l’indépendance de l’Azawad. D’ailleurs, c’est peut-être le but sciemment recherché.