. Bientôt une table ronde de mobilisation des ressources
. Mobiliser les compétences de la diaspora
Dans une interview exclusive à nous accordée, le jeune ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle décline sa vision pour révolutionner le secteur. Conscient de la lourdeur de la tâche à lui confiée, il se veut méthodique et pragmatique, avec une démarche participative et inclusive. Lisez plutôt !
Azalaï Express : Monsieur le ministre, votre nomination à ce poste avait suscité beaucoup de supputations en son temps. Quatre mois après, vous avez convaincu les sceptiques. Aujourd’hui, vous êtes incontestablement l’un des ministres les plus en vue du gouvernement. C’est quoi votre secret ?
Mohamed Salia Touré : Je vous remercie de votre sollicitude. Votre question est flatteuse. Vous parlez de secret (Rires). Est-ce qu’il y a forcément un secret. Je ne le pense pas vraiment. Mais, vous savez, nous avons la chance d’être dans un grand pays, chargé d’histoire, pétri de diversité culturelle, de profondes valeurs sociales, mais aussi de grands hommes de la résistance et bâtisseurs de royaumes, de démocratie, de paix. Ils ont transmis à notre génération des valeurs de tolérance, d’humilité et nous ont invités à faire face aux enjeux de demain avec courage, exemplarité et persévérance au service de la Nation. Nous avons le devoir d’être à la hauteur de leurs ambitions pour le Mali. ‘’Si nous réussissons, c’est la jeunesse malienne qui aura gagné le pari de l’émergence pour notre Nation’’. Il y a encore du chemin. L’opinion publique a de fortes attentes vis-à-vis des membres du Gouvernement de Transition. ‘’Notre ministère est un département stratégique dans le développement socio-économique, avec de fortes opportunités pouvant faciliter la stabilité et la paix.’’ C’est toute ma motivation à apporter ma modeste contribution à travers nos actions actuelles. Beaucoup de Maliens s’en réjouissent, en apparence. Cela encourage l’ensemble de mes collaborateurs. Maintenant, dire que nous sommes l’un des ministres les plus en vue, vous de la presse êtes l’un des meilleurs baromètres pour en juger. Mais rassurez-vous, nous sommes en mission et toute notre action est dirigée pour satisfaire nos concitoyens.
Vous avez un programme de travail axé sur trois points. Pouvez-vous nous en parler ?
Je vous le disais tantôt, nous avons été investis d’une mission. Comme vous le savez, la transition a élaboré une feuille de route pour le Gouvernement, qui s’applique à tous les départements. Elle est courte (18 mois) avec des enjeux importants de justice sociale, de sécurité, de paix et de développement. ‘’Notre vision s’inscrit dans ce cadre, avec la profonde conviction que l’emploi et la formation professionnelle sont des leviers déterminants pour la stabilité de notre pays.’’ Ainsi, pour notre population, avec une classe d’âge livrée à plus d’injustices (chômage, déficit de formation, maladie, conflit, immigration…), le département a élaboré trois axes.
Premièrement, nous avons un Programme d’urgence massif qui porte les jeunes et les femmes au cœur de la formation, de l’emploi, de l’entreprenariat et de l’innovation. Huit (8) Programmes portent cet axe dont le Mali au travail, le projet Dalberg qui vont mettre au travail des milliers de jeunes dans l’ensemble des régions du Mali, l’appui aux organisations de la société civile porteuses de projets de création d’emplois. En poursuivant nos efforts, nous allons ouvrir les centres de formation qui sont finis (Sénou et Sébénikoro) et accentuer nos efforts pour terminer ceux de Markala et Sikasso et projeter la construction de 5 nouveaux centres, notamment dans les régions du Nord et du Centre.
Deuxièmement, nous avons un Programme de réformes qui va moderniser, amplifier, rationnaliser et rendre opérationnels et performants nos services à la population malienne pour plus de justice sociale. Les états généraux, la labellisation nationale des entreprises créatrices d’emplois, la prise en compte des conclusions de l’étude diagnostic des services du département, l’actualisation de la stratégie de communication participent à ces réformes. Elles doivent concourir, à terme, à améliorer les services à la population malienne et particulièrement aux acteurs de la formation professionnelle.
Troisièmement, il s’agit d’un Programme de mobilisation des ressources pour rendre opérationnels les programmes des axes 1 et 2 dans les délais de la transition. Le budget national pourra être insuffisant et difficile à mobiliser entièrement dans le temps de la Transition. Ainsi, nous allons mettre en place une table ronde sur la mobilisation des ressources qui va accompagner les partenaires techniques du sous-secteur de la formation professionnelle.
Justement, à ce sujet, depuis votre nomination les PTF se bousculent devant vos bureaux. Cela suppose que votre nomination suscite beaucoup d’espoir et de confiance de ce côté-là. A quoi peut-on s’attendre pour la mobilisation de ressources pour un financement plus accru du secteur ?
Je vous le disais tantôt, l’axe trois de notre vision est dédié à cela. Vous savez, un pays peut traverser 3 phases dans son existence : la phase de crise, la phase de réhabilitation et la phase de développement qui amène la croissance et l’émergence. A titre d’illustration, la crise, (comme en 1945 en France dans laquelle, le plan Marshall a installé les trente glorieuses), est toujours supporté par les partenaires techniques et financiers.
Depuis 2012, notre pays donne l’impression d’être encore dans la phase de crise. Tous les gouvernements successifs ont été supportés par les PTF. Souvenez-vous de la conférence des donateurs pour le Mali en mars 2013, à Bruxelles, conduite par le Président de la Transition, Dioncounda Traoré, qui a permis de faire les élections de 2013 et relancer le Mali dans le concert des Nations.
Les PTF ont compris qu’aux côtés des armes et des négociations, l’emploi et la formation sont les armes les plus redoutables pour apporter l’espoir et le développement afin de combattre les tensions sociales actuelles au Mali. Je suis ravi que nous nous retrouvions sur cette pertinente analyse. Ainsi, qu’il s’agisse des PTF du sous-secteur de l’emploi avec à leur tête l’AFD, de l’Union européenne, de la Banque mondiale, du Pnud ou de l’OIM, nos échanges ont permis d’avoir l’espoir d’un vrai accompagnement de notre département. De plus, sous l’impulsion du ministre des Affaires étrangères, plusieurs chambres consulaires ont manifesté leurs intérêts profonds à appuyer le département. L’occasion de remercier ces amis du Mali qui souhaitent tous la réussite de la Transition.
Egalement, vous avez un ambitieux programme de mobilisation des compétences de la diaspora, pour lequel vous avez même nommé un Chargé de mission. Qu’attendez-vous de ce programme ?
Croyez-moi, notre vision est très claire. Le Mali a des ressources et des compétences incroyables, autant à l’interne qu’à l’extérieur. Ainsi, pour accélérer le développement économique du Mali, créer plus de richesses et d’emplois durables, les enjeux à relever concernent également la mobilisation de la diaspora malienne au service du transfert de compétences auprès des jeunes maliens restés au pays. Le transfert des compétences intellectuelles est un acquis positif depuis de nombreuses années. Nous avons voulu mettre en action l’autre version des contributions positives de nos 5 millions de Maliens de la diaspora dans le domaine de la formation. En capitalisant les compétences de ces ressources humaines au sein de la diaspora, notre programme « Mobilisation des compétences de la diaspora pour l’emploi au Mali » se propose d’améliorer l’accès des jeunes à des formations professionnelles de qualité, à l’emploi et à l’entreprenariat. J’en profite pour remercier l’Unesco, l’OIM et le Système de Nations unies au Mali qui soutiennent activement notre programme.
Félicitations, Monsieur le ministre, pour avoir réussi l’organisation de la 3ème édition de la Bourse de l’emploi et de la formation professionnelle. Quel a été votre secret pour la réussite de l’organisation de cet événement deux mois seulement après votre prise de service, alors même que depuis sa création en 2008, seuls deux ministres avant vous ont réussi à l’organiser ?
Je ne pense qu’il y a un secret particulier. Comme vous le savez déjà, la Bourse de l’emploi et de la formation professionnelle a été créée en 2008. C’est une activité prévue par un arrêté ministériel. Elle est une opération innovante, volontariste qui se veut participative et inclusive de tous les segments de l’économie nationale qui peut booster l’emploi. A travers l’organisation de la Bourse de l’emploi et de la formation professionnelle, le ministère veut maintenir la dynamique de la création d’emplois et de la formation professionnelle, essentiellement dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de l’artisanat, de l’industrie, du tourisme et des services. C’est une activité qui permet à nos services et structures de proposer nos offres sur l’emploi et la formation professionnelle. En tenant une foire de l’emploi / formation, notre département et nos structures apportent une grande contribution contre le désœuvrement des jeunes avec une dynamique dans la création d’emplois. Cette activité fait partie de nos programmes d’urgence, conformément à la feuille de route de la Transition. Tout le département a travaillé en équipe pour pouvoir réaliser cette activité. C’est le lieu de les féliciter pour leur implication active dans la réussite de cette grande activité à Bandiagara.
A ce propos, pourquoi le choix de Bandiagara pour cette édition?
Pour répondre à votre question, je voudrais dire que le choix de procéder au lancement de cette troisième édition à Bandiagara, malgré la situation sécuritaire dégradée au Centre du pays, malgré la pandémie de la Covid-19, n’est ni une bravade et encore moins une folie. Ce choix relève de la volonté manifeste et affichée du Gouvernement de montrer sa solidarité et sa sympathie à l’endroit d’une partie du pays la plus meurtrie et la plus désespérée aujourd’hui. J’en ai profité pour recueillir les préoccupations des habitants, des acteurs sociaux et des administrateurs qui conduisent tous vers un manque de développement et une envie profonde d’intervention de l’Etat du Mali. Bandiagara est une région cosmopolite, de brassage d’ethnies et de cultures de plusieurs milliers d’années qui se trouve confrontée à une tension sociale aigue qui me bouleverse profondément. J’ai connu Bandiagara quand j’étais à la tête du Conseil national de la jeunesse (CNJ). Nous ne pouvons pas nous cacher derrière l’insécurité en abandonnant une région aussi riche de sa diversité ethnique et culturelle qui a donné à notre nation de grands hommes qui ont fait briller les couleurs nationales. Je pense à Amadou Hampâté Bâ, Yambo Ouloguem, ces hommes d’une grande culture et bien d’autres dans l’émergence de l’économie et du tourisme.
Pour cette édition, les structures de mon département ont offert 1 150 kits et 30 000 bons de formation (formation technique et alphabétisation), sans oublier l’accompagnement financier de 500 000 FCFA aux 10 lauréats du concours de pitch, organisé à l’endroit de jeunes porteurs de projets d’affaires. Nous espérons de tout cœur que cette bourse apporte un déclic pour le développement.
Sur ce chapitre, vous vous offusquiez du fait qu’il y a 800 000 Maliens sans emploi. Après le lancement de la 3ème édition de la Bourse de l’emploi et de la formation professionnelle et l’inauguration du plus grand centre de formation professionnelle du pays, pensez-vous que cela est assez suffisant pour absorber le taux de chômage ?
Les sans emploi au Mali sont bien plus que ce chiffre, hélas ! Cela, bien que notre économie résiste et crée de l’emploi qui reste très largement informel. De plus, notre système scolaire et universitaire produit des profils qui ne sont pas en adéquation avec les besoins des entreprises au Mali. En ajoutant à cela la forte croissance de notre démographie, nous sommes loin d’avoir la prétention que le Centre moderne de Sénou apporte la solution magique à l’employabilité. Notre vision est d’ouvrir tous les centres et d’en construire d’autres pour mieux former et rendre employables et compétitifs les jeunes du Mali en suscitant en eux l’audace de l’entreprenariat. Ces actions vont se poursuivre et seront accompagnées par un grand programme dénommé « Le Mali au Travail ». Nous espérons avoir l’occasion pour en discuter plus largement avec la population malienne.
Supprimées depuis 2018, la Taxe emploi jeunes et la Taxe de la formation professionnelle handicapent beaucoup des structures comme l’Apej et le Fafpa. A ce jour, quelles sont les mesures que vous avez entreprises pour leur rétablissement ?
La conséquence de la suppression de ces taxes est manifestement la diminution des ressources pour le département et nos structures bénéficiaires. Cette situation est préoccupante depuis près de 3 ans et peut rendre difficile la collaboration avec nos partenaires. Elle reste momentanée et reste une contrainte qui n’est pas insurmontable. Nous sommes en train de la traiter avec la plus grande attention. La finalité des états généraux de la formation professionnelle concoure à formuler des propositions de réinitialisation du système de financement qui doit nécessairement améliorer durablement la mobilisation des ressources pour nos structures. Une des attentes importantes viendra également des conclusions de l’étude diagnostic en cours de réalisation qui permettra d’avoir une lisibilité du fonctionnement de nos structures et des solutions appropriées vers la stabilisation de nos ressources internes. Voilà, entre autres, des pistes sérieuses sur lesquelles nous fondant beaucoup d’espoir.
Une de nos structures rattachées, le Fafpa, est, selon nos informations, surendettée auprès des fournisseurs. Quelle assurance pouvez-vous donner à ces derniers ?
Nous n’avons fait que trois mois de gouvernance. Nous nous sommes attaqués aux préoccupations des Maliens. Nous le poursuivons. Cette situation, si elle est avérée, sera traitée avec la même rigueur et la même acuité que les autres questions sur notre table. Mes collaborateurs travaillent d’arrache-pied pour satisfaire l’ensemble des acteurs et partenaires.