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Dramane Bouré, consultant indépendant «Je suis heureux d’avoir participé à la réalisation de projets d’envergure en faveur de l’artisanat»
Publié le mercredi 3 fevrier 2021  |  Le Matin
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Juriste de formation et consultant indépendant, Dramane Bouaré a énormément contribué au rayonnement de l’artisanat malien en tant que Conseiller technique chargé du répertoire et de l’appui aux entreprises de l’Assemblée permanente des chambres de métiers du Mali (APCMM). Mais, depuis le 31 décembre 2020, il a mis fin à ce statut afin de mieux se consacrer à d’autres projets. Dans cet entretien le natif de Ségou, qui assume une cinquantaine éblouissante, évoque cette expérience (19 ans passés au service de l’Artisanat du Mali), met en évidence les faiblesses et les atouts du secteur de l’artisanat au Mali…Interview !




Le Matin : Vous avez mis fin à votre fonction de Conseiller Technique chargé du Répertoire et de l’appui aux entreprises depuis le 31 décembre 2020. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?



Dramane Bouaré : Ma décision de quitter l’APCMM (Assemblée permanente des chambres de métiers du Mali) a été motivée par la violation prolongée de mes droits fondamentaux d’agent contractuel privé, faute de paiement de ses cotisations sociales depuis 2008, de l’accès aux allocations familiales et surtout à l’AMO et, in fine, à tous les avantages sociaux accordés par l’Etat aux travailleurs régis par le Code du Travail ou à la suite de négociations syndicales. Tout cela, sans compter l’absence de plan de formation et de carrière.



C’est donc une décision imposée par les circonstances ?

Au fond, c’est une décision imposée par les raisons précédemment évoquées. Ainsi, au vu de l’absence d’une réelle volonté politique pour le règlement de mes droits en souffrance depuis 2008, j’ai alors décidé volontairement de proposer à mon employeur, l’APCMM, une rupture conventionnelle de contrat de travail. Ainsi, nous sommes parvenus à un accord consigné dans un Protocole de résiliation conventionnelle de contrat de travail.



Quelles sont les conséquences directes de ce changement de statut professionnel ?

Je suis de ceux-là qui pensent que nul n’est indispensable, surtout si l’on est convaincu d’avoir formé des jeunes et collaboré avec d’autres agents auxquels je crois fortement pour tenir la «Maison APCMM». Aussi, je m’empresse à dire que je ne serai jamais loin de l’artisanat. Chaque fois que je suis sollicité, je répondrai à la sollicitation de ces braves soldats de l’économie malienne.



Au moment de quitter votre fonction, quel est votre regard sur l’artisanat malien ?

L’artisanat malien est sur une bonne dynamique professionnalisante empreinte d’espoir au regard de certaines perspectives prometteuses. Il s’agit notamment de la réalisation des réformes à la faveur des innovations majeures préconisées par le Code communautaire de l’artisanat de l’Union monétaire ouest africaine (UEMOA) au plan institutionnel, réglementaire et organisationnel avec des incidences positives sur le secteur en matière professionnelle, commerciale, financière, et sociale. L’adoption par le ministère de tutelle d’un programme d’actions pour le secteur de l’artisanat pendant la durée de la transition ; la résilience des acteurs et l’assistance de l’Etat par l’attribution de marchés de masques de protection, de lavabos mobiles, de lits médicaux et d’aides alimentaires face aux douloureuses crises sécuritaire et sanitaire ; l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes leaders artisans à encadrer pour un meilleur exercice des différentes missions consulaires, associatives et syndicales au service des intérêts généraux du secteur… contribuent également à ce dynamisme.

Cependant, tout ceci ne sera possible qu’à condition que tous les acteurs représentatifs du secteur s’inscrivent résolument dans une approche inclusive et consensuelle pour relever les grands défis de l’artisanat du Mali dans une économie sous-régionale dynamique et compétitive.



Quels sont aujourd’hui les atouts de ce secteur ?

Le secteur de l’artisanat renferme plusieurs atouts. Il regorge avant tout d’un grand potentiel de création d’emplois et de revenus pour les populations, particulièrement les groupes sociaux vulnérables comme les jeunes, les femmes, les personnes en situation de handicap, les déplacés et les réfugiés liés aux conflits. Ce secteur occupe aussi une place centrale dans l’animation économique territoriale en termes de transformation des produits locaux et de prestations diverses au profit des communautés aussi bien urbaines que rurales. L’artisanat malien a une forte capacité de résilience aux chocs économiques et aux impacts néfastes des crises sécuritaire et sanitaire, gage de la stabilisation sociale.

Sans compter que c’est un secteur structuré avec des activités encadrées par des textes généraux et spécifiques, notamment la Politique nationale de développement de l’Artisanat, le Règlement n°01-2014/CM/UEMOA portant Code communautaire de l’Artisanat de l’UEMOA, la Loi n°2019-011 du 03 juillet 2019 portant création des Chambres de Métiers (CM) et son décret d’application…



Quelles sont ses faiblesses ?

Je retiens quelques handicaps sérieux comme le faible dispositif institutionnel et organisationnel ; l’insuffisance des dotations budgétaires pour la promotion et le développement de l’artisanat ; la méconnaissance des textes régissant le secteur de l’artisanat au plan national et communautaire ; les difficultés d’approvisionnement en matières premières ; la faible consommation des produits artisanaux au niveau national…

L’inadaptation des systèmes financier, fiscal et de protection sociale aux conditions socioéconomiques des acteurs ; la faible dynamique entrepreneuriale privant les acteurs des opportunités d’accès aux services financiers et non financiers à leur portée ; le sous-équipement et l’insuffisance d’espaces et d’infrastructures de production et de promotion ; le problème de conformité aux normes de qualité et de protection des produits d’artisanat ; la persistance du caractère informel de certaines activités artisanales… sont aussi des faiblesses diagnostiquées au fil du temps.



Quels sont les défis à relever aujourd’hui pour que les artisans maliens puissent s’épanouir socialement et économiquement, et pour que le secteur puisse être un facteur de croissance économique pour le Mali ?

Au titre des défis majeurs à relever, je formule des propositions comme le renforcement des capacités humaines, matérielles et financières des structures d’encadrement du secteur : Ministère de tutelle et services rattachés, Réseau des Chambres de Métiers, Organisations Professionnelles des Artisans ; le développement de la formation continue des maîtres artisans et de la formation par apprentissage de type dual ; le développement de la culture entrepreneuriale chez les acteurs du secteur afin de faire émerger de véritables artisans-entrepreneurs aptes à définir leurs réels besoins techniques, matériels et financiers et de contribuer à leur prise en charge ; l’accès systématique des artisans et des entreprises aux marchés publics.

Il faut aussi l’élaboration et la mise en œuvre effective d’une véritable stratégie de «consommer local» des produits de l’artisanat avec l’implication effective des autorités politiques et administratives et des grandes personnalités des secteurs économique, social, sportif et culturel y compris des médias. Il est également indispensable de prélever au profit de l’APCMM des ristournes sur les taxes issues des produits industriels importés y compris artisanaux hors UEMOA et CEDEAO (meubles, friperie…) en vue du renforcement des capacités professionnelles et de la constitution d’importants fonds de garantie pour l’accès facile aux financements au profit des artisans et des entreprises artisanales. Le renforcement du registre des métiers et du répertoire des entreprises artisanales pour la constitution d’une base de données fiables sur l’artisanat ; la protection des produits d’artisanat dans la perspective de droits d’auteurs ; et la promotion de la protection sociale à travers l’organisation d’un régime général de sécurité sociale spécifique pour les artisans sont aussi des défis à relever.



Au moment de quitter vos fonctions, qu’est-ce que vous regrettez le plus ?

Je regrette deux choses fondamentales. Primo, la défaillance d’un leadership fédérateur des acteurs face aux enjeux et défis de développement du secteur. Secundo, le déficit de ressources humaines qualifiées faute de facteurs de motivation en termes de rémunérations et d’avantages sociaux attrayants.

C’est aussi vrai que souvent j’ai le sentiment d’avoir été injustement traité ; mais je rebondis toujours en me disant que je ne regrette rien si cela équivaut à un sacrifice que j’ai pu consentir à mon pays qui m’a tout donné et qui a d’ailleurs reconnu mon dévouement par ma décoration au titre de Chevalier de l’Ordre National en plus d’autres distinctions de Mérite Communal de la Mairie de la Commune 5 et du Trophée d’Or du Consortium de la citoyenneté et de la solidarité pour tous.



Quelle est votre plus grande satisfaction au moment de partir ?

C’est d’avoir contribué à inscrire l’artisanat au cœur des politiques et stratégies nationales et communautaires de développement économique, social et culturel. Aussi, je me félicite d’avoir participé activement à la réalisation de projets d’envergure du secteur, particulièrement de l’APCMM.

J’ai ainsi pu contribuer au développement institutionnel, organisationnel, technique, professionnel et financier des acteurs dans le cadre du Projet de développement du secteur de l’artisanat (PDSA) ; du Projet d’appui aux artisans-coopération Mali-Allemagne (PAMA) et du Projet TOKTEN (Transfert des Connaissances à travers les Nationaux Expatriés). J’ai aussi appuyé la création et à la gestion d’équipements et d’infrastructures collectifs pour l’amélioration de la qualité des produits, la promotion et la formation des artisans. Il s’agit du Centre de ressources pour l’artisanat CRA) de la Commune 2 du district de Bamako, CRA-APCMM, les Villages artisanaux et les Maisons des artisans, Centre d’accès Universel aux télécoms et aux TIC. Sans compter l’appui à l’organisation et à la tenue des 1ère et 2e éditions du Salon International de l’Artisanat du Mali (SIAMA) sous la présidence effective du Président de la République ; l’appui à la vulgarisation du Code communautaire de l’artisanat et aux réformes y afférentes ; la valorisation de l’artisanat et la promotion de ses créneaux porteurs auprès des jeunes via des activités de sensibilisation et d’information, de renforcement des capacités techniques et entrepreneuriales, d’appui-conseils et d’aide à la création et au développement d’AGR et d’entreprises ; l’appui à l’élaboration et à la mise en œuvre de projets majeurs dédiés à l’entrepreneuriat jeune.

J’ai apporté ma pierre au projet ICI-LIFE dénommé «Apaisement» en 5e région du Mali par l’accès à l’eau potable, l’énergie solaire, la formation professionnelle et l’emploi des jeunes ; le projet «Développement inclusif du secteur privé malien par la formation professionnelle, au bénéfice de la jeunesse malienne» dans le cadre du programme ARCHIPELAGO pour des actions de formation des jeunes compagnons à la filière du pré-diagnostic électronique automobile et de l’entrepreneuriat jeune et féminin ; aux projets et programmes de promotion de la formation et de l’emploi-insertion des jeunes et des femmes (APEJ, FAFPA, ANPE, INIFORP, PROCEJ, FIER, FAFE, CIGEM ; CNJ, RADEV, GYN, WAEIF, ADEJ…).

Enfin, mon départ va permettre de régulariser la situation de mes cadets agents contractuels confrontés à la même situation de conditions de travail et de vie difficiles.



Personnellement, quels sont vos projets en renonçant à votre statut d’Agent de l’APCMM ?

J’ai décidé de prendre ma vie professionnelle en main et de faire valoir mes modestes compétences partout où je serai sollicité de préférence dans les domaines du développement institutionnel et organisationnel, du développement de MPME artisanales et agricoles, de la formation et de l’emploi-insertion, de l’entrepreneuriat jeune et féminin, du leadership et de la citoyenneté…

Toutes choses en lien avec ma formation de base pour servir l’intérêt général et mes expériences acquises de près de 20 ans dans le secteur privé et dans la vie associative.

Propos recueillis par

Moussa Bolly

Source : Le matin
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