La communauté internationale célèbre, tous les ans, le 6 février, la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines (MGF). Des violences et atteintes à l’intégrité physique et psychique dont sont victimes 200 millions de femmes et filles dans le monde. À l’occasion de cette journée, le journal Le Wagadu revient pour vous sur l’état de la question au Mali.
Ablation des organes génitaux externes de la femme ou des interventions sur les organes génitaux de la femme, les mutilations génitales (MGF) sont considérées comme «une violation des droits humains des femmes et des filles, notamment de leurs droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, ainsi que de leur droit à la vie lorsque ces pratiques ont des conséquences mortelles», rappelle l’Organisation des Nations unies à l’occasion de la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, organisée ce samedi 6 février.
Plus de 200 millions de femmes et jeunes femmes ont déjà enduré cet acte illégitime selon l’ONU. Chaque année, pas moins de 4 millions de jeunes filles sont victimes de ce geste. La pratique des mutilations génitales féminines concerne tous les pays du monde mais plus l’Afrique et le Moyen-Orient (30 pays au total).
Selon l’ONU, elle persiste également dans certains pays d’Asie et d’Amérique latine, ainsi que parmi les populations immigrées vivant en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
La pratique a la peau dure au Mali
Au Mali, les chiffres sur les MGF interpellent tous les acteurs engagés dans la lutte contre ce fléau. En effet, il ressort de l’Enquête Démographique de Santé au Mali menée en 2018 (EDSM-VI), que : 73% des filles de 0-14 ans et 89% des femmes de 15-49 ans ont été excisées ; 76% des filles ont subi les MGF/E avant l’âge de 5 ans ; au moins, 45% des femmes de 15 à 49 ans ont subi des actes de violences physique ou sexuelle.
Pour Madame la ministre de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Bintou Founé Samaké, qui s’exprimait à l’occasion de la journée internationale du 6 février, l’ampleur et les conséquences médicales, psychosociales et juridiques des MGF, restent des préoccupations majeures, et constituent des défis auxquels nous devons faire face.
Selon les professionnels de la santé, elles ont des conséquences délétères sur la santé sexuelle et reproductive. C’est ce qu’explique le Dr. Hamady Sissoko, gynéco-obstétricien au CSREF de la Commune III (voir l’interview).
La pratique des MGF a la peau dure au Mali et se fait dans toutes les régions du pays (voir encadré). Les victimes du fait du poids social refusent de briser le silence. La majeure partie d’elles demande aujourd’hui l’abandon de la pratique. Surtout que les origines de la pratique, tant au niveau historique que géographique, ne sont pas précisément connues.
Selon les chercheurs Erlich (1986) et Hosken, (1982), l’hypothèse partagée par plusieurs spécialistes selon laquelle la pratique serait née au Proche-Orient et dans la péninsule arabique, puis se serait propagée sur le continent africain par la circulation des marchands arabes, est très incertaine.
Pour lutter contre le phénomène, le Mali a pris des mesures sur le plan institutionnel et politique. Il s’agit de la création du Comité national d’action pour l’abandon des pratiques néfastes (CNAPN), par décret n°99/PM-RM du 16 juin 1999 et ses démembrements ; la création d’un Programme national de lutte contre l’excision (PNLE), par ordonnance n°02-053/P-RM du 04 juin 2002 ; l’initialisation de la journée internationale du 06 février «tolérance zéro aux MGF» au Mali depuis 2004, pour ne citer que ceux-ci.
À cela s’ajoutent la mise en place des dispositifs de prise en charge des victimes comme la création de guichets uniques de prise en charge holistique des VBG, et la réinsertion socio-économique des milliers de victimes traitées à travers la création d’activités génératrices de revenus.
Abdrahamane SISSOKO
Abdrahamanes04@gmail.com
Trois questions à Dr. Hamady SISSOKO gynéco-obstétricien au CSREF de la Commune III
Le Wagadu : Quelles sont les causes des mutilations génitales féminines au Mali ?
Dr. Hamady SISSOKO : Il n’y a pas de causes médicales. Les mutilations génitales féminines sont des pratiques qui ne sont pas médicales. Elles ne se font pas à but thérapeutique. Ce sont l’ablation des organes génitaux externes de la femme ou des interventions sur les organes génitaux de la femme à but non thérapeutique. Donc, il n’y a pas de causes médicales peut-être pour des causes religieuses, culturelles ou autres.
Le Wagadu : est-ce que les mutilations génitales féminines sont des phénomènes fréquents au Mali ?
Dr. Hamady SISSOKO : C’est un phénomène fréquent mais pas reconnu. C’est reconnu socialement mais pas médicalement. On ne peut même pas notifier puisque les gens se cachent pour le faire. On estime que plus de 2 millions de femmes sont mutilées chaque année en Afrique subsaharienne.
Le Wagadu : Quelles sont les conséquences ?
Dr. Hamady SISSOKO : les conséquences sont nombreuses. Il y a des conséquences immédiates, secondaires et beaucoup plus tardives. Les conséquences immédiates sont l’hémorragie et le saignement. Ce dernier peut être minime ou abondant. S’il est abondant, c’est le signe du choc ou le décès qui peut subvenir par hémorragie. Il y a aussi la douleur qui est souvent très atroce parce que c’est une pratique qui se fait sans anesthésie.
La victime est agitée. Et dans cette agitation, l’instrument avec lequel on fait la pratique peut toucher d’autres organes. Donc, il peut y avoir des légions de voisinage. La victime peut faire des fractures au cours de l’agitation. Il y a d’autres complications comme la rétention d’urine.
Secondairement, la plaie peut s’infecter, ce qui peut donner de l’abcès, d’autant que la cicatrisation peut être mauvaise. Et plus tardivement, surviennent les infections. Par exemple, quand on fait l’acte sur plusieurs personnes en même temps, les unes et les autres ne sont pas à l’abri d’une contamination à travers l’instrument.
Enfin, la mauvaise cicatrisation entraîne la fermeture qui empêche de faire l’acte conjugal. Ce qui peut provoquer des problèmes de stérilité par impossibilité de faire l’acte conjugal. Les mutilations génitales féminines peuvent même jouer sur la procréation.
Des fistules médicales vaginales peuvent survenir après l’accouchement. À cela s’ajoutent les conséquences psychologiques et psychoaffectives.
Abdrahamane SISSOKO
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Les régions où les mutilations génitales sont les plus pratiquées
Au Mali, dans la quasi-totalité des régions la pratique de l’excision se fait. La dernière enquête de santé et de démographie (EDSM, 2018) nous donne la prévalence ci-après :
REGIONS PREVALENCE
Kayes 95%
Koulikoro 96%
Sikasso 96%
Ségou 92%
Mopti 82%
Tombouctou 50%
Gao 1%
Kidal Moins de 1%
District Bamako 91%