Avec la publication, ce vendredi 05 février, de son fameux document intitulé « Manifeste pour la refondation du Mali », l’Imam Mahmoud Dicko ne peut plus dissimuler ses prétentions politiques. Déjà omniprésent sur la scène sociopolitique nationale depuis le pouvoir d’ATT jusqu’à la chute d’IBK, l’ancien président du Haut Conseil Islamique (HCI) du Mali, a visiblement échangé son costume de religieux contre celui du politique. De « Guide éclairé » qu’il fut pour ses fans ou sympathisants sur le plan religieux, il est en passe de devenir pour eux un « Guide éclairé » dans l’arène politique.
Dans son « Manifeste pour la refondation du Mali », le désormais « ex leader religieux » y révèle ses « inquiétudes » devant la situation « périlleuse » dans laquelle se trouve son pays. Un constat qui le pousse à se positionner en rassembleur et surtout en médiateur. Déjà acteur sociopolitique très important, Dicko était considéré par le Mouvement politico-social du 05 juin comme son autorité morale. Il avait juré de retourner dans sa mosquée comme l’Imam qu’il a toujours été.
Ainsi, lors de la contestation jusqu’à la chute du régime IBK, l’Imam de Badalabougou, bien qu’étant au centre de la mêlée, avait toujours affirmé qu’il n’avait et n’aurait point d’ambitions politiques. Une assertion que ne cessaient de contester ses nombreux détracteurs. Lesquels doutaient de sa neutralité vis-à-vis de la chose politique. L’histoire ne leur donne-t-il pas raison ?
L’imam Mahmoud Dicko avait, à la chute du règne d’IBK, certainement tous les leviers politiques pour peser de toute son influence de leader et d’autorité morale du mouvement M5-RFP pour forger le destin du « Mali nouveau » (Mali Koura en Bamanankan), auquel continue d’aspirer une écrasante majorité de Maliens. Il ne l’a apparemment pas fait. Ces détracteurs sont convaincus qu’il avait conclu un deal avec les jeunes officiers du Comité National du Salut du Peuple (CNSP). Son manifeste ne serait-il pas une façon de montrer au grand jour son porte-à-faux avec ces colonels qui détiennent la réalité du pouvoir de la Transition en cours ?
Quoi qu’il en soit, en lançant un appel à sauver le Mali, l’ancienne « Autorité morale » du M5-RFP focalise l’attention de ses compatriotes sur la nécessité de chercher un nouveau leadership. Mahmoud Dicko regrette que « l’État qui nous gouverne n’a plus de sens. Il faut une, selon lui, réaction collective ». Ce constat le conduit à « s’engager » pour réconcilier les Maliens. Il propose la construction d’un nouveau pacte républicain et s’engage personnellement à « bâtir des passerelles entre acteurs civils et armés ». Cela, en tant qu’Imam et Homme politique ? Le cumul des deux n’est pas interdit par la Constitution malienne.
Avec la déclamation politique dont a beaucoup pesée l’Imam Dicko pour magnifier son manifeste, peut-on encore douter que leader religieux ait désormais basculé dans l’arène politique ? Toutefois, si une chose est pour l’Imam Dicko de s’engager désormais en politique, une autre est de savoir, comment il pourra porter les engagements ainsi énoncés dans son manifeste ? D’autant que depuis la chute d’IBK, sa côte de popularité n’a fait que dégringoler.
Un autre fait notoire est que le nouvel Homme politique, qu’il est, ne pourra pas composer avec les leaders politiques classiques qui l’accusent de trahison. Encore que dans les réseaux sociaux et les « grins de thé », nombreux sont les maliens qui considèrent que l’Imam de Badalabougou a trahi les idéaux des contestataires du régime défunt. L’ancien président du HCI compterait donc très peu de partisans. Toutefois, l’homme ne manque pas d’atout maître : Il est très rusé, a toujours de l’influence et sait tenir des opportunités politiques.
Plus que jamais, les derniers faits et gestes de l’Imam Dicko, en l’occurrence, son manifeste du 05 février, démontrent clairement qu’il a vraiment basculé dans l’arène politique. Il ne se contentera plus d’être un épouvantail du jeu politico-électoral dans son pays. Mahmoud Dicko croit désormais en ses propres chances pour diriger le Mali. N’oublions pas qu’il vient d’un long séjour de l’Arabie Saoudite. Il pourrait bénéficier, lors de la présidentielle 2022, des pétrodollars saoudiens. Et avec la disparition du Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, il faudra bien compter avec cet Imam, désormais Homme politique!