«Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur et du boulanger que nous attendons notre dîner, mais du bon soin qu’ils apportent à leur propre intérêt. Nous nous adressons non pas à leur sentiment d’humanité, mais à l’amour qu’ils portent à eux-mêmes, et ne leur parlons jamais de nos besoins mais de leurs avantages.» (Adam Smith).
Il n’est plus besoin de dire aujourd’hui que la guerre asymétrique et l’insécurité dont souffrent nos peuples depuis bien longtemps ont été savamment orchestrées et imposés à nos États de la sous-région ouest- africaine. Nul besoin ici de rappeler le cheminement de la création et de la mise en fonction de la douloureuse guerre dans le septentrion de notre pays. Il convient de rappeler simplement que l’ancienne puissance coloniale française n’a pas digéré et ne digère toujours pas l’indépendance réelle que le régime nationaliste de Modibo Keïta a voulue pour notre pays.
Le coup d’État contre ce régime, le 19 novembre 1968 par des officiers et sous-officiers apatrides soutenus par leur conscience française a sonné le glas de cette indépendance rêvée. Avant ce coup d’État, le Mali a déjà eu maille à partir avec la «rébellion» touareg forgée de toutes pièces contre la paix et la sécurité de notre pays. C’était en 1963. Pour rafraîchir les mémoires, cette première rébellion a été mâtée dans le sang: gloire à nos officiers comme Diby Syllas Diarra et Mamadou Sissoko. Paix à leur âme.
Il a suffit que Moussa Traoré dise qu’il veut aller à l’école japonaise pour que le foyer de rébellion se réveille dans le nord de notre pays. Certes, Moussa a trahi notre peuple en faisant le coup d’État contre Modibo Keïta qui avait entrepris de redonner à ce peuple sa dignité et son honneur bafoués par la France coloniale. La rébellion a éclaté contre notre pays un triste jour de 28 juin 1990. Pendant ce temps, la France s’activait «pour soutenir» le mouvement dit «démocratique» à Bamako.
Pour exemple: partout en 1990 et 1991 pullulaient dans nos écoles, coins et recoins du Mali des cahiers à l’insigne de la liberté et de la démocratie. Comme si l’exploiteur pouvait partager la douleur de ceux dont il suce le sang. L’issue n’a échappé à personne: Moussa est tombé, le 26 mars 1991.
Après quatorze (14) mois de transition, la gestion du pays est revenue à Alpha Oumar Konaré. Sans autre forme de procès, voilà le président malien égrainer son chapelet de paix pour se créer l’occasion d’organiser sa fameuse ‘‘flamme de la paix’’ à la pleine satisfaction de la France coloniale, aux dépens de la paix et de la sécurité au Mali.
La suite est connue: le Mali a rompu avec la paix malgré les bluffs orchestrés par le régime Alpha. Celui- ci a passé le flambeau de la désagrégation de notre tissu socioéconomique et sécuritaire à Amadou Toumani Touré (ATT). La suite est connue: un coup d’État a chassé celui-ci de Koulouba sans la moindre résistance.
Le jeune capitaine Amadou Haya Sanogo et ses compagnons avaient fait naître en notre peuple travailleur l’espoir perdu dans les tribulations politico- démocratistes entre la France en mal de crédibilité et une classe politique malienne au regard tourné vers l’argent au mépris de ce peuple au nom duquel elle n’a cessé de chanter son inaudible chanson de «démocratie».
Pour que le pouvoir ne soit pas dans les mains des travailleurs maliens, voilà des politiciens apatrides initiés les affrontements meurtriers contre la garnison de Kati. C’était le 30 avril 2012. Leurs mercenaires ont lamentablement échoué contre nos forces de défense et de sécurité.
Poursuivant leur sale besogne contre le Mali, les voilà aux trousses d’Amadou Haya Sanogo. Au motif que les djihadistes s’apprêtaient à prendre Bamako, l’illégitime président de transition commandité par le club des chefs de l’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a lancé son appel à François Hollande pour l’envoi de ses soldats dans le nord de notre pays.
Tout le monde a vu la suite. C’est comme si l’on faisait appel à l’épervier pour assurer la sécurité des poussins de la basse-cour ! Non seulement, la guerre s’est intensifiée contre notre armée nationale, mais notre pays a été divisée de fait. Un sommet de réconciliation venait de se tenir à Kidal entre le gouvernement de la République du Mali et ceux qu’on aime appeler les ex- rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Est- ce l’amorce du retour de Kidal dans la République du Mali. Rien n’est plus souhaitable que cela aujourd’hui ! Mais comme le dirait l’adage anglais: ‘‘wait and see’’ (qui vivra verra).
En tout cas depuis le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), les Maliens n’ont cesse de demander le départ des soldats français de notre territoire. Hélas ! Le président IBK a cru que ceux des Maliens qui demandent le retrait de l’armée française n’aiment pas les soldats maliens. Cette déclaration prouvait à suffisance le penchant d’IBK pour la politique française aux dépens des intérêts fondamentaux de notre peuple travailleur. Le sommet de Pau a bien servi la France et nos chefs d’État du G5-Sahel. Mais nos peuples sont loin de goûter à la paix et à la sécurité longtemps promises.
Aujourd’hui, au grand dam des avatars de la démocratie, tous nos peuples ont compris que la France fait partie du problème et non de sa solution. Il suffit de voir dans la balkanisation de l’Afrique, dans la furie française contre le camarade Thomas Sankara, dans la guerre meurtrière contre le peuple libyen et dans la destination des armes venues du théâtre des opérations militaires contre Kadhafi qui s’est battu contre l’impérialisme français et pour l’unité réelle de l’Afrique que la France est chez nous en disant que la France est chez nous pour nous aider au retour de la paix au Sahel !
Si la France est chez nous, c’est uniquement pour défendre ses intérêts propres aux dépens de la paix et de la sécurité de nos peuples. Même s’il existe toujours des marchands d’illusions chez nous et en France pour faire croire que le chat peut servir aux souris le bien- être véritable. Tous ces marchands d’illusions aberrantes doivent comprendre que nos peuples ont compris que la France ne peut rester chez nous, car il n’y a plus de doute que sa présence sur notre sol s’explique par la défense de ses intérêts propres. Hier, elle vivait de nous, aujourd’hui, le scénario reste le même.
Demain, elle n’aura pas le choix de quitter la terre de nos ancêtres. Un célèbre économiste anglais a vu juste dans les relations du vendeur et de l’acheteur. Il a dit: «Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur et du boulanger que nous attendons notre dîner, mais du bon soin qu’ils apportent à leur propre intérêt. Nous nous adressons non pas à leur sentiment d’humanité, mais à l’amour qu’ils portent à eux-mêmes, et ne leur parlons jamais de nos besoins mais de leurs avantages.» (Adam Smith).
Pour le retour de la paix dans les pays du G5- Sahel, un autre sommet va réunir nos chefs d’État et de gouvernement du G5-Sahel, cette fois-ci dans la capitale tchadienne, N’Djamena, du lundi 15 février au mardi 16 février 2021.
Un premier constat avant ce sommet c’est que c’est le président de la transition Bah N’Daw qui a déjà effectué des voyages en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso. Est-ce pour préparer ledit sommet ? Quant à la participation de la France à ce sommet, elle se fera par visioconférence de Macron.
Le moins que l’on puisse dire déjà, c’est que les attentes de nos peuples sont louables, mais attention ! Nos chefs d’État et nos ministres de la Défense doivent enfin dire merci à la France parce que sa présence sur notre sol africain fait partie de l’équation à résoudre si nous voulons la paix et la sécurité dans nos pays. C’est bien là une exigence fondamentale quand on sait que partout où la France est allée au nom de la coopération, elle n’a laissé que ruines et désolations. La Centrafrique, le Rwanda, le Niger, pour ne citer que ces cas, sont des exemples malheureux parlants.
Il reste établi que la France n’a jamais entretenu de relation de coopération mutuellement avantageuse avec aucun pays du monde jadis sous sa domination. Si elle a du plein respect pour l’Algérie c’est parce que celle-ci lui a infligé une défaite cuisante dans la guerre qui les avait opposées, du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962. Si la France avait du respect et de la retenue vis-à-vis du Mali c’était à cause que le régime Modibo Keïta était absolument intraitable sur la question de la souveraineté nationale. Ses tombeurs ont pris langue avec leur conscience française pour confisquer l’honneur et la dignité de notre peuple travailleur.
La transition servira mieux notre pays en tournant cette page sombre de l’accord de défense franco-malien signé, en juillet 2014, avec Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Le Mali ne peut être défendu que par ses propres enfants. S’il y a aide en tant qu’appoint, elle doit venir des pays amis comme la Chine, la Russie, Cuba, le Venezuela, l’Angola, l’Algérie.
À l’absence d’une vision claire dans la problématique de l’insécurité et du terrorisme, le sommet de N’Djamena risque fort d’accoucher d’une souris pour la prolongation de la souffrance de nos peuples. Notre président doit se rendre à l’évidence qu’aucun esclave ne peut se libérer par la volonté de son maître. De la même façon, la France ne peut quitter notre pays par un simple esprit de bienfaisance. Notre président de transition doit être à l’écoute de son peuple.
Pour le salut de celui-ci ! Il doit se rendre à l’évidence que ce sont nos politiciens qui ont plongé notre pays dans l’humiliation et le désarroi socio-sécuritaire. À cet effet, lisons cet adage bien connu: «Sublata causa, tollitur effectus.» (La cause supprimée, l’effet disparaît).