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Mali : à Ménaka, une solution locale contre les djihadistes
Publié le lundi 15 fevrier 2021  |  jdd
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À la veille du sommet du G5 régional, la France veut prouver que des solutions locales existent contre les djihadistes. Les effectifs français sur place ne devraient pas baisser dans l'immédiat, mais un "ajustement" est à prévoir d'ici à l'été.
S'il est encore des raisons d'espérer au Nord-Mali, Ménaka pourrait être l'une d'elles. Pourtant, avec ses 20 000 habitants, posée au milieu d'un ­désert de sable ocre et de rocailles d'où émergent quelques épineux, ­Ménaka semble un îlot perdu dans un océan de vide. Un monde – 1 500 kilomètres – la sépare de Bamako, et seule une route – la peu sûre RN20 – la relie au reste du pays et au Niger voisin.

Depuis 2012 et l'offensive djihadiste dans le septentrion malien, la zone n'a connu que le chaos, ­devenant la proie de divers groupes armés. Si la situation a fini par se stabiliser en 2015, la région a été livrée à elle-même, vivant sous la menace de l'État islamique au Grand Sahara (EIGS), l'un des deux principaux mouvements djihadistes locaux. Quant au centre-ville de Ménaka, c'était un peu le Far West, avec son lot de brigandages et d'assassinats. "C'était la crise totale", témoigne Idrissa Maïga, qui tient boutique au marché.

L'AFD a investi plus de 20 millions d'euros
Aujourd'hui pourtant, la commune semble, certes très lentement, ­remonter la pente. D'abord du fait des actions menées par les militaires de Barkhane et de leurs alliés sahéliens. En ciblant l'EIGS dans la zone dite "des trois frontières" (située aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso), ils ont un peu desserré l'étau autour de la localité. À côté des troupes onusiennes de la Minusma, les Forces armées maliennes (Fama) ont pu y reprendre pied. "C'est nous qui tenons les checkpoints à l'entrée de la ville", affirme fièrement leur coordinateur sur place, le lieutenant-colonel Samassa. En septembre, sous l'impulsion de la Minusma, a été mis en place le programme Ménaka sans armes, pour en finir avec la violence endémique. La nuit, un couvre-feu a aussi été instauré. Bon an mal an, le dispositif tient.

Cette relative stabilité a permis aux Français de mettre en pratique le fameux 3D (diplomatie, défense, développement), triptyque resté longtemps à l'état de concept. L'Agence française de développement (AFD) a ainsi investi plus de 20 millions d'euros, à travers des opérateurs locaux, dans divers projets. Un château d'eau, des points d'eau, un abattoir sont ainsi sortis de terre. Le centre de santé a été doté d'un appareil de radiologie. Un marché au bétail en dur et une halle aux primeurs ont aussi vu le jour, pour le plus grand bonheur d'Idrissa Maïga. "Ça change tout, les affaires ont repris, s'enthousiasme le commerçant. Aujourd'hui, il faudrait construire un deuxième étage tellement il y a de monde."

Beaucoup de fonctionnaires rechignent à venir
Actuellement, c'est plutôt la construction d'une centrale électrique qui occupe les esprits. L'endroit n'est encore qu'un vaste chantier où s'accumulent les barils de gazole. "Mais dans trois mois, toute la ville pourra bénéficier de courant 22 heures sur 24", assure Ousmane Bagayogo, coordinateur de l'Électricité du Mali dans la région. Une révolution dans une ville qui n'a jamais connu de réseau.

Un autre chantier bien plus pharaonique consisterait à faire revenir les services de l'État, qui ont déserté ce territoire il y a des années. "Nous voudrions faire de Ménaka un laboratoire en la ­matière", confie un diplomate français à Bamako. Quelques jalons ont été posés, là encore à travers l'AFD. Le commissariat a ainsi été ripoliné, équipé de panneaux photovoltaïques, et 60 policiers y ont pris leurs quartiers. Les gendarmes, dix seulement, se font un peu attendre. En revanche, fait rare dans les zones reculées du Mali, des pompiers sont désormais en poste à Ménaka.

L'Allemagne prévoit de son côté la construction d'un centre ­administratif. Mais pour l'heure, il n'y a personne à mettre dedans. "Sur les neuf préfets de la région, seuls deux sont déployés", regrette ainsi le gouverneur, Mohamed Maïga. Un juge a bien été nommé mais n'est présent que par ­intermittence. Ici, comme dans toutes les régions nordistes, beaucoup de fonctionnaires rechignent à venir car ils craignent pour leur sécurité. À raison, puisqu'ils sont parmi les premières cibles des djihadistes.

En attendant que le ­nouveau gouvernement de transition ­impulse une dynamique décentralisatrice, Ménaka se ­débrouille. "Nous avons par exemple recruté des ­professeurs au sein de la ­population locale, explique le maire, ­Nanoute Koteya. Mais ils ne sont pas en nombre suffisant et ce sont les ­habitants qui paient leur ­salaire." Une situation qui illustre la précarité du "modèle Ménaka", soumis à un contexte sécuritaire très volatil. C'est ici, début janvier, à la sortie de la ville, que deux ­soldats français ont perdu la vie dans ­l'explosion de leur véhicule sur une mine artisanale.
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