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Briguer la présidence de la République : Une tentation aux conséquences périlleuses pour l’Imam Dicko ?
Publié le jeudi 18 fevrier 2021  |  Le Matin
Meeting
© aBamako.com par Sissoko Alou
Meeting du M5-RFP
Bamako, le 19 juin 2020. Le Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) conduit par l`imam Mahmoud Dicko a tenu son 2è meeting de contestation du pouvoir pour réclamer la démission du président IBK.
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Après une relative longue période de silence, ponctuée d’un séjour très médiatisé (réseaux sociaux) en Arabie Saoudite avec un accueil populaire à son retour, l’Imam Mahmoud Dicko a publié un «Manifeste pour la refondation du Mali» le 4 février 2021. Un document qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive sur les réseaux sociaux, dans les médias et les Grins… L’Imam y fait part de sa déception par rapport à ses alliances passées, ses inquiétudes quant à l’avenir du pays… et se positionne une fois de plus en rassembleur en proposant aux Maliens un nouveau pacte républicain. Manifeste ou projet de société ? Notre intime conviction est que c’est un ballon d’essai pour sonder comment une éventuelle candidature de l’Imam à la prochaine présidentielle pourrait être accueillie par l’opinion nationale et internationale.


Après la chute du régime d’Ibrahim Boubacar Kéita «IBK», après trois mois de contestation, l’Imam Mahmoud Dicko a rassemblé ses fidèles au Palais de la Culture Amadou Hampâté Bâ pour annoncer sa décision de retourner à ce qu’il sait faire le mieux : diriger la prière ! Quand nous avons alors écrit que cette déclaration n’était pas sincère parce que nous étions convaincus que l’Imam s’est égaré entre la Place de l’Indépendance et sa Mosquée à Badalabougou, certains ont failli nous lyncher. N’empêche que nous n’avons jamais cru à la sincérité de cet engagement, comme d’ailleurs du combat que le leader religieux dit mener pour les valeurs.

Et le manifeste publié le 4 février dernier nous conforte dans notre position. La mosquée attire moins l’autorité morale du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) que la rue, que l’arène politique. Sans doute parce qu’on n’y sent pas l’adrénaline avec les mêmes sensations. Et dans son manifeste, l’Imam se révèle plus sans vouloir trop se livrer. Il maintient surtout le mystère sur sa vraie ambition politique. L’Imam de Badalabougou lorgne-il sur le fauteuil président de Koulouba ?

Ils sont aujourd’hui nombreux à y croire après avoir pris connaissance du contenu de son manifeste. Faut-il alors lui faire confiance, faire confiance à la gouvernance vertueuse dont il est devenu l’apôtre ces dernières années ? Nos interlocuteurs nous envoient trouver nous-mêmes la réponse à cette question dans son manifeste. Ils ont surtout attiré notre attention sur le fait que l’Imam reconnaît s’être trompé sur tous ses récents alliés, y compris certainement les leaders politiques du M5-Rfp et les jeunes Colonels qui ont parachevé le combat de ce mouvement en déposant IBK le 18 août 2020.

En effet, l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali (HCI/Mali) y admet s’être trompé sur presque tout le monde, sauf lui-même. «Je me suis souvent trompé en soutenant des hommes qui, guidés par des intérêts égoïstes et matérialistes, n’ont pas su incarner le redressement du Mali tant souhaité. J’ai cru, comme en 2013, qu’une participation forte à un projet électoral pourrait, à elle seule, porter l’espoir de résolution de nos problèmes de gouvernance politique et sociale. Je me suis trompé. Je le regrette sincèrement», avoue-t-il. Sauf que des Maliens se demandent si l’ex-président du Haut conseil islamique du Mali est sincère dans son mea-culpa ?

L’imam s’est ainsi trompé sur feu Amadou Toumani Touré, Ibrahim Boubacar Kéita qu’il a déstabilisé en s’appuyant sur M5-Rfp avant de se rendre compte que ce choix n’était pas judicieux. Après le 18 août 2020, il s’était aligné sur la même longueur d’ondes que le CNSP. Là aussi, il s’est trompé parce qu’apparemment c’est la brouille entre l’Imam perdu dans l’arène politique et ses «Colonels» qui, disait-il à qui veut l’entendre, lui mangeaient dans la main puisque lui étant redevable pour avoir crée les conditions du coup d’Etat du 18 août 2020. A moins qu’il y ait un deal secret entre le leader religieux et la junte, et que la méfiance affichée ces dernières semaines n’est qu’une tactique de diversion pour le laisser mieux peaufiner sa candidature.



Un Pacte républicain avec qui et pourquoi ?

En tout cas l’Imam se confesse sans avouer la raison de sa déception, de sa rupture avec tous ces gens et organisations dont il s’est bien servi avant de prendre le large une fois qu’il ne trouvait plus d’intérêt à les fréquenter. «On dit que tous ceux qui boivent peuvent se tromper. Mais quand on s’est trompé sur tous ses alliés, il faut admettre que l’on a soi-même un sérieux problème d’appréciation. Peut-on ou doit-on confier le destin de ce pays à quelqu’un dont la réputation est bâtie sur les erreurs de casting de ses alliés et soutiens ?», nous interroge un activiste.

Il faut être dupe pour encore faire confiance à quelqu’un qui s’est toujours trompé dans ses choix politiques. Et cela n’est pas fortuit parce que cela explique que dans ses choix il a toujours été guidé par les dividendes politico-économiques qu’il peut y tirer.

Et que cache le pacte Républicain de l’Imam égaré dans l’arène politique ? Un appel à soutenir sa candidature à la prochaine présidentielle ? Qu’il ait juste le courage de dire qu’il va briguer la présidence de la République parce qu’il est fatigué de son statut de «faiseur de roi». En tout cas, notre conviction est que le Manifeste était un ballon d’essai pour sonder l’opinion nationale sur une éventuelle candidature de l’imam à la prochaine présidentielle. Et sans doute qu’il a eu de la matière à réfléchir parce que son initiative a suscité le débat, entraîné des réactions dans toutes les couches sociopolitiques et largement commenté et analysé dans les médias et les réseaux sociaux.

Il faut quand même souligner que l’intéressé Mahmoud Dicko nie toute ambition politique et réfute les suspicions d’agenda caché. Par ailleurs, il rejette les accusations de l’ancien président IBK selon lesquelles il souhaiterait installer une république islamique au Mali, affirmant que c’est aux Maliens de faire leurs choix de société et qu’il n’est pas là pour leur imposer quoi que ce soit.

Néanmoins n’oublions pas non plus que, dans un passé récent, le leader religieux avait déclaré que «le pouvoir appartient à Dieu qui le donne à qui il veut». Et de préciser plus tard, «si Dieu veut que je sois président de la République, il en serait ainsi».

Mais pour le moment, contentons-nous de croire que le guide des frustrés de la République veut, dans son Manifeste pour la refondation du Mali, juste «porter la voix d’un nouvel élan d’émancipation, d’une urgence à agir, à penser haut et vrai, devant l’Histoire pour de nouveaux horizons avec l’espoir que le génie malien entendra l’écho de cette voix et élèvera à mes côtés, en pèlerin, notre destinée». Ce qui, selon lui, «est un acte d’espoir et de paix» ! Rien d’autre ? Le temps nous édifiera !

Naby





Et si le minbar offrait plus de confort que le fauteuil présidentiel ?

«Le Mali est en voie de disparition… Mon esprit est tourmenté par le sort du Mali et de mes concitoyens…C’est aussi avec gravité que j’observe les risques d’échec du combat de ce noble peuple épris de paix et de justice pour une gouvernance vertueuse …» ! C’est un extrait du «Manifeste pour la refondation du Mali» de l’Imam Mahmoud Dicko. Le diagnostic est clair, précis, pertinent et opportun au moment ou chantiers de réformes politiques et institutionnelles sont ouverts aujourd’hui dans notre pays.

Et, en tant que guide religieux et autorité morale, l’Imam est bien dans son rôle d’éveil des consciences. Est-ce le discours sera plus audible dans l’arène politique ? Officiellement, Mahmoud Dicko n’est pas tenté par le fauteuil présidentiel. Officieusement, la tentation doit être forte après le rôle qu’il a joué dans la contestation ayant abouti à la chute d’IBK le 18 août 2020 et l’accueil que lui ont réservé ses partisans au retour de son récent séjour dans le royaume Wahhabite, Arabie Saoudite.

N’empêche si l’Imam mène réellement un combat des valeurs, la meilleure posture qu’il puisse avoir sans crainte est celle qu’il a toujours affichée : Autorité morale gardienne des valeurs sociétales ! Cela lui permet de se mettre au-dessus des batailles politiques et politiciennes. Un statut que lui confère plus d’influence que le fauteuil présidentiel parce qu’il sera éminemment sollicité sur la vie de la nation. Sans compter qu’il pourra aussi jouer un rôle éminemment politique et religieux en cas de négociation avec les jihadistes maliens.

Descendre dans l’arène politique est un pari trop risqué. En témoignent de nombreuses réactions et nos propres investigations après la publication de son Manifeste. Il y est attendu de pied ferme, y compris au sein de ses anciens alliés du M5-Rfp. «Nous attendons que l’Imam annonce officiellement sa candidature et nous espérons que ce sera un choix qu’il assumera», nous a confié un leader politique après avoir «lu et relu à plusieurs reprises le Manifeste qui n’est qu’un projet de société déguisé».

Nous avons également eu vent d’un Mouvement qui sera baptisé : «Trompons nous sur l’imam Dicko». Autrement, «Dicko s’est trompé sur tout le monde donc trompons nous sur Dicko». Il s’agit ni plus ni moins pour les initiateurs que d’enterrer les ambitions politiques de celui qui a incarné l’autorité morale de la contestation ayant fragilisé le régime d’IBK en le livrant aux militaires.

Si le Manifeste publié le 4 février 2021 était un ballon pour sonder l’opinion nationale sur son éventuelle candidature à la prochaine présidentielle, l’Imam doit aujourd’hui savoir à quoi s’en tenir. A lui de faire une analyse objective des réactions et surtout ne pas se laisser influencer par des conseillers occultes qui seraient les premiers à quitter son navire dès les premiers orages.

Après réflexion, nous espérons que l’Imam va comprendre que le meilleur choix est de garder son statut d’autorité morale, dans un pays où les valeurs continuent de s’effriter, que d’une périlleuse descente dans une arène politique où l’éthique est proscrite depuis belle lurette !

Naby
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