Alors que l’assèchement du canal alimente toujours les débats dans les milieux paysans de la zone de l’Office du périmètre irrigué de Baguineda, le journal « L’Alerte » a tendu son micro aux différents acteurs pour en savoir davantage sur cette situation qui ne présage rien de bon. Si les paysans qualifient la démarche de l’administration de l’Opib d’impopulaire et unilatérale, le directeur général de ladite structure, Mamadou Togola minimise les actions des paysans. Aussi, pointe-t-il d’un doigt accusateur sur des exploitants qui, selon lui, sont à la manœuvre pour saboter les travaux d’entretien du canal lancés par l’Opib avec l’accompagnement de l’Etat et ses partenaires.
Un tour dans les champs de l’Opib de Baguineda, c’est la désolation et surtout la peur de se rendre à l’évidence de l’arrêt des travaux de maraichage de la contre- saison. Une vaste étendue des champs de tomate, de haricot, de riz et d’autres légumes dans la zone de l’Office du périmètre irrigué de Baguineda est transformée en un pâturage pour les animaux depuis l’assèchement du canal le 1er janvier 2012. Aujourd’hui, les exploitants ne savent plus sur quel pied il faut danser. Les puits de secours ne répondent plus aux besoins. Ce manque d’eau soutenu par la forte chaleur détruit les cultures devant l’œil impuissant des paysans. Cette situation de non production pendant la campagne de contre-saison n’est sans conséquence sur l’économie locale et les consommateurs. Et ce n’est pas Bamako qui dira le contraire, Baguineda étant la principale zone d’approvisionnement de la capitale. Comment en est-on arrivé à ce niveau? Est-ce la conséquence d’un déficit de communication ou d’une mauvaise coordination des activités entre les différents acteurs ? Les paysans ont-ils lancé la contre-saison malgré les campagnes de sensibilisation de la direction de l’Opib pour annoncer le début des travaux d’entretien?
Pour répondre à ces questionnements, nous sommes allés à la rencontre des paysans et de la direction générale de l’Opib. Les deux parties s’accusent mutuellement d’être le responsable du drame qui se profile à horizon dans la commune de Baguineda en général et les 22 villages de l’Opib en particulier.
Les paysans crient à une décision impopulaire
Les exploitants ne veulent rien entendre avant la mise en eau du canal. La grogne est au comble dans les 22 villages que couvre l’Opib et les griefs ne manquent pas pour non seulement dénoncer la décision mais aussi mettre en garde la direction sur les conséquences de l’assèchement du canal. Pour certains paysans, l’assèchement du canal pour des travaux d’entretien n’est que de la poudre aux yeux. « La direction tente de cacher sa mauvaise gestion et son incapacité de bien coordonner les actions entre les deux saisons. Pour preuve, depuis l’asséchement du canal, aucun travail d’entretien n’a été engagé. Pire encore, la rupture d’eau était prévue pour le 15 avril 2021 mais à la surprise générale, la direction a décidé, de façon unilatérale, de couper l’eau le 1er janvier 2021. Cette situation est inacceptable», s’est insurgé Sondé Diarra, un exploitant.
Un autre interlocuteur qui a voulu garder l’anonymat a indiqué qu’aucune action n’est de trop pour faire plier la direction. « Nous payons une redevance de plus de 45000FCFA à l’Opib et le service n’est pas de qualité. Cette pratique n’est pas une nouveauté, c’est juste la conséquence de la mauvaise gestion qui engendre la dégradation des ouvrages. Face à la situation, la jeunesse s’organise de plus en plus. La direction verra nos actions très prochainement sur le terrain», a-t-il mis en garde.
Le DG de l’Opib justifie et explique
Alors que les 32 km du canal entrent en rupture d’eau, les exploitants continuent les travaux de la contre-saison dans les périmètres irrigués de l’Opib. Cela, malgré la menace d’un assèchement du canal pour les travaux d’entretien des ouvrages sur une décision de la direction. Pas de contre saison avant la fin des travaux. Une injonction impossible à suivre pour les paysans. Ils continuent tous le travail, comme pour dire que la contre-saison ne saurait être arrêtée pour les travaux d’entretien. Mais c’était sans compter sur la détermination du directeur général de respecter le calendrier de l’entretien. Selon lui, l’assèchement du canal n’est pas un fait nouveau dans la zone de l’Opib. « Le canal est asséché deux fois par an aux mois de mai et décembre. Ce calendrier permet de mettre en état les ouvrages d’irrigation avant les deux saisons. La saison proprement dite et la contre- saison», a expliqué Mamadou Togola, le DG de l’Opib.
A en croire l’interlocuteur, sa structure travaille toujours en concertation avec les exploitants qui sont d’ailleurs ses premiers partenaires sur le terrain. «L’information selon laquelle l’assèchement du canal est venue de la direction sans une information préalable des paysans est purement de l’intox. Avant de procéder à l’assèchement, j’ai tenu une rencontre d’information depuis le mois de novembre avec les chefs de villages, les membres l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (Apcam), les coopératives et autres acteurs intervenants dans notre zone. Comme prévu par le calendrier, assèchement doit intervenir en décembre, mais la direction a accepté de repousser la date en réponse à la demande des paysans. Malgré cette démarche participative et la campagne de sensibilisation sur les antennes d’une radio de la place, certains ont décidé de lancer les cultures de la contre-saison sachant bien qu’ils n’auront plus d’eau à partir du mois de janvier2021», précise Mamadou Togola. Avant d’ajouter que la gestion de l’eau est une mission prioritaire de l’Opib. Ce qui justifie d’ailleurs la volonté de l’Opib d’optimiser le stockage de l’eau en amont pour assurer l’alimentation des champs.
Dans la même dynamique, il a été engagé un vaste chantier de recouvrement du canal en béton dans le cadre du projet Presan/KL. Ainsi la partie terminale a été réalisée même s’il y a des insuffisances. Selon le directeur général de l’Opib, pour soutenir les différentes actions de consolidation du canal, l’Etat s’engage sur une durée de 3 ans (2021-2023) à appuyer le projet de l’Opib. En plus des actions de protection de l’ouvrage, l’Opib accorde le plus faible taux de redevance aux paysans. Aux dires du DG, il est accordé aux paysans pendant la saison normale 32000FCFA par hectare et 3200FCFA en période de contre-saison.
Signalons que l’Opib est chargé du développement de l’agriculture à travers ses périmètres irrigués dans la Commune rurale de Baguinéda. Ainsi, l’Opib couvre 22 villages organisés en 4 sections pour une superficie 19708 ha repartis entre deux zones